8.1.9 Erreurs, espérance de vie, tests et analyses

8.1.9.1  La seule manière de connaître l'état d'une collection   est de pratiquer régulièrement des tests complets. On ne le répètera jamais assez : aucune collection de CD-R ou de DVD-/+R d'archives ne peut se passer de dispositif de tests fiable. Les systèmes de corrections d'erreurs  de  la plupart des équipements de lecture masquent les dégradations jusqu’à ce que les erreurs dues aux dégradations ne soient plus corrigibles. Lorsque que ce degré d’erreurs sera atteint, toutes les copies seront, et de manière irréversible, défectueuses. En revanche, l'approche globale d'une procédure de tests permet de planifier, dans les meilleures conditions, les stratégies de conservation en agissant sur les paramètres reconnus, objectifs et mesurables, ce que l'archivage numérique rend possible. Pour constituer des archives numériques bien documentées, les métadonnées devront comporter l'enregistrement de l'historique de tous les objets, y compris celui des mesures d'erreurs et de toutes les corrections significatives effectuées.

8.1.9.2  L'espérance de vie des CD ou des DVD enregistrables est un sujet à multiples facettes. Pour la plupart des utilisateurs, un CD-R ou un DVD-R/DVD+R atteint sa limite lorsque le drive ne permet plus d'accéder aux données inscrites sur le disque. Mais comme les drives ne sont  pas normalisés, un CD/DVD non lisible avec un appareil peut fort bien l'être avec un autre. De très nombreux exemples l'attestent. La norme ANSI/NAPM IT9.21-1996 / ISO 18927-2002 Life Expectancy of Compact Discs (CD-ROM)-Method for Estimating Based on Effects of Temperature and Relative Humidity [Espérance de durée de vie des disques compacts (CD-ROM)-Méthode d'estimation basée sur les effets de la température et de l'humidité relative], aborde bon nombre  de ces questions. Par ailleurs, certaines normes et  certains fournisseurs spécifient un taux d'erreurs BLER (Bloc Error Rate) acceptable. Le BLER est défini par le nombre de blocs erronés mesurés par seconde  à l'entrée du décodeur C1 (voir ISO/IEC 60908) lors d'une lecture à vitesse nominale X1, le taux de données mesurées étant moyenné sur une durée d'analyse de 10 s. La norme ISO/IEC 10149 / ANSI/NAPM IT9.21-1996, dite standard du Livre Rouge spécifie un taux de BLER maximum de 220. La norme relative aux enregistrements de données en mode général sur CD, désignée encore par standard du Livre Jaune, spécifie un taux de BLER de 50. Ce niveau plus bas est essentiel pour les données.   

8.1.9.3 Les études ont montré que le BLER seul n'était pas d'une grande utilité pour déterminer l'espérance de vie [Life Expectancy LE] car des disques défectueux peuvent présenter des taux de BLER largement inférieurs à 220, voire inférieurs à 50. Il est nécessaire de mesurer d'autres paramètres de test , parmi lesquels les erreurs E22 ou E32 (erreurs incorrigibles) et les erreurs en rafale [frame burst error FBE], parfois appelées longueur d'erreurs en rafale [Burst Error Length (BERL)], qui constituent des indicateurs pertinents de fin de vie. Quand ces paramètres dépassent les limites spécifiées ci-dessous, ils signalent la nécessité de procéder à une duplication immédiate, dans l'hypothèse selon laquelle le disque qui détient les informations archivées est encore lisible.    

8.1.9.4  Les erreurs   affectant des CD-R d'archivage ne devront pas dépasser les valeurs spécifiées dans le tableau suivant. Elles représentent les niveaux maximums au-delà desquels les disques CD-R devront-être copiés. En pratique, des niveaux d'erreurs beaucoup plus faibles peuvent être préférables.  Ces conditions doivent être satisfaites pour disposer d'une certaine durée d'archivage avant de devoir effectuer une copie. Un BLER moyen de 1 et un niveau pic inférieur à 20 peuvent être facilement réalisés. Le Jitter constitue également un indicateur utile pour poser un diagnostic de la qualité des données enregistrées sur un CD, il doit être mesuré après écriture. Les valeurs de jitter 3T ne devront pas dépasser 35 ns (Fontaine et Poitevineau, 2005).
 

Erreur en rafale (FBE) < 6
Taux moyen d'erreurs BLER < 10
Valeur pic du taux d'erreurs BLER < 50
E22 (erreurs corrigibles) 0
E32 (erreurs incorrigibles) 0
Jitter 3T < 35 s

Tableau I Paragraphe 8.1, niveaux d'erreurs maximum d'un disque CD-R d'archivage

8.1.9.5  La fabrication d'un DVD est très différente de celle du CD, malgré leurs nombreuses similitudes, les critères s'appliquant aux CD ne s'appliquent pas forcément aux DVD. Pour ce dernier, le jitter est habituellement mesuré en pourcentage. Bien que déterminé de manière différente, les valeurs de jitter sont en grande partie équivalentes pour les deux types de disques ; les mesures d'erreurs les plus importantes sont toutefois très différentes. Les deux principales mesures d'erreurs relevées pour les DVD sont : Erreurs de parité interne [Parity Inner Errors (PIE)] et Erreurs de parité externe [Parity Outer Errors (POE)]. Les normes industrielles stipulent que la valeur POE doit être nulle. Il existe d'autres types d'erreurs mais à l'heure d'écrire ces lignes, aucune limite n'a été fixée pour les objectifs d'archivage. Les spécifications établies pour les DVD précisent également que huit blocs ECC consécutifs (PI Sum 8) peuvent comprendre au maximum 280 erreurs PI et que la valeur de jitter ne doit pas dépasser 9%. Cependant, en ce qui concerne le CD enregistrable, les pratiques d'archivage et les tests ont conduit à recommander un niveau d'erreurs maximal diminué de 25% environ par rapport aux valeurs recommandées dans le Livre rouge (red book). Une extrapolation pour le DVD devrait conduire à une recommandation de valeurs d'erreurs PI maximum de 70 pour toute succession de huit blocs ECC. Il est important de reconnaître qu’aucun test à grande échelle sur DVD enregistrables en situation d'archives, qui permettrait  d'évaluer la validité de ces valeurs, n'a  été entrepris.

8.1.9.6  Les premières investigations ont montré que la dégradation des CD enregistrables ne suivait pas obligatoirement un processus linéaire, aussi, un faible changement du taux d'erreur initial peut-il avoir en conséquence un plus grand effet sur la durée de vie du disque. Plusieurs tests ont montré qu'il en était ainsi (Trock, 2000), (Bradley, 2001), mais il n'y a pas eu d'examen approfondi de cette proposition. L'examen "longitudinal" au cours du temps des enregistrements, mené conjointement à  des expérimentations de vieillissement artificiel peuvent apporter des informations supplémentaires à propos des facteurs de stabilité du disque. Un facteur s'ajoute au manque de recherches consistantes, l'absence de normes concernant la production des drives CD/DVD.

8.1.9.7  La comparaison de la courbe en trait plein avec celle en pointillés (voir ci-dessous) illustre le fait qu'une plus grande qualité initiale de l'enregistrement augmente l'espérance de vie de celui-ci. Plusieurs tests ont validé cette hypothèse (Trock JTS 2000, Bradley IASA, SEAAPAVA 2001), mais aucune donnée empirique ne l'a confirmé. La ligne en pointillé, partant d'un niveau d'erreurs plus important, représente un taux de dégradation similaire, mais démarrant plus tôt, elle atteint plus rapidement le niveau maximum de dégradation admissible. Le suivi dans le temps ou contrôle "longitudinal" des enregistrements et les expérimentations de vieillissements accélérés peuvent apporter d'importantes informations à propos des facteurs de stabilité des disques. Au manque de recherche consistante s'ajoute le fait qu'il n'existe pas de normes quant à la production de drives CD/DVD.


Fig. 1, paragraphe 8.1 : Erreurs cumulées d'un CD-­‐R en fonction du temps.

8.1.9.8  Considérant l'existence d'un composite contenant, parmi d'autres éléments, des colorants organiques ou autres composés chimiques, il s'agit de supports optiques voués à la dégradation du fait des réactions chimiques lentes. Le choix des disques optiques comme support cible implique la nécessité de mettre en place un programme de contrôle de ceux-ci et une procédure de recopies de disques proches de la limite d'espérance de vie. On ne préconise pas l'usage de CD/DVD enregistrables et réenregistrables comme support d'archivage, à moins qu'un programme de tests rigoureux et de contrôles ne soit mis en œuvre. On notera que les opérations de tests et d'analyses, pourtant absolument nécessaires, prennent beaucoup de temps, ce qui alourdit durablement le coût des solutions d'archivage. Quand on élabore une stratégie, de tels coûts doivent être inclus. Les enregistrements des résultats des tests devront être conservés. Les tests occasionnels, annuels par exemple, peuvent être effectués sur un nombre statistiquement représentatif de disques stockés afin de fournir des informations sur l'état d'archivage. Lorsque le taux d'erreurs augmente, le transfert vers un nouveau support doit être entrepris pour tous les disques de même ancienneté ou de même type.

8.1.9.9  Résumé des procédures de test
8.1.9.9.1  Tester tous les disques après gravure,

8.1.9.9.2  Rejeter tous les disques ne respectant pas les spécifications,
    
8.1.9.9.3  Stocker les enregistrements des tests concernant la totalité des disques,
     
8.1.9.9.4  Entreprendre des tests réguliers pour un nombre statistiquement significatif de disques de chaque lot,

8.1.9.9.5  Entreprendre la duplication des disques lorsque les taux d'erreurs augmentent.