5.7 Technologies d'enregistrement sur le terrain et approches d'archivage

5.7.1 Introduction

5.7.1.1 De nombreuses collections ont été constituées grâce à des campagnes d'enregistrements effectués sur le terrain, et peut-être aussi avec des acquisitions et des transferts de conservation d'enregistrements historiques effectués selon des formats et des systèmes d'archivage stables. Ces enregistrements de terrain peuvent servir à la constitution de collections d'histoire orale, à l'élaboration de programmes d'événements traditionnels et culturels, ils peuvent concerner des sources d'enregistrements d'environnement sonore et de la faune, ou bien encore relever de collections de radiodiffusion. Quel que soit le contenu des enregistrements destinés à être conservés durablement dans des collections d'archives, il est plus efficace de prendre les décisions relatives à la durée de vie au moment de planifier tout enregistrement. En effet, opter pour des formats et des technologies inappropriés peut limiter sévèrement la durée de vie et l'usage des documents sonores.

5.7.1.2 L'enregistrement sur le terrain peut être entrepris en divers endroits et situations, il peut concerner toutes formes de sources sonores : humaines, technologiques, les plantes ou les animaux, l'environnement lui-même. Des enregistrements peuvent avoir pour objet la saisie du contexte acoustique comprenant le son désiré, qui peut-être isolé de l'environnement, ou bien, dans le cas contraire, bénéficier des technologies permettant de minimiser la composante environnementale enregistrée. Les enregistrements peuvent être réalisés en chaises longues dans des grandes villes, sous les vérandas de bungalows éloignés, en l'absence de toute technologie et de service. Les cas sont pratiquement illimités, aussi ce chapitre portant sur la technologie d'enregistrement in situ ne cherche-t-il pas à discuter dans le détail des différentes disciplines spécifiques impliquées. Il répond plutôt à la simple question : "Comment allez vous réaliser le meilleur enregistrement sonore in situ pour assurer son archivage à long terme ?"

5.7.1.3 Cette section se place entre les chapitres portant sur l'extraction du signal et les chapitres traitant des technologies de stockage. Elle aborde ici la création du contenu sonore numérique et son intégration dans des systèmes de stockage dont il sera question dans les chapitres suivants.

5.7.2 Normes d'enregistrement sur le terrain

5.7.2.1 Les mêmes normes techniques d'enregistrement s'appliquent aux enregistrements sur le terrain et aux transferts pour archivage ; c'est-à-dire qu'ils doivent être captés et stockés dans des conditions d'usages générales, dans des formats de fichiers audio linéaires, .wav ou BWF.wav généralement ; ils doivent être créés à des taux d'échantillonnages souhaitables, au moins 48 kHz, mais selon les objectifs, à des taux plus élevés, 96 kHz ou bien dans certaines circonstances, 192 kHz ou plus. Il est conseillé de réaliser les enregistrements à 24 bits. Des taux inférieurs ne reflèteront pas l'échelle dynamique de la production sonore enregistrée dans son environnement, ils pourront abaisser le niveau du signal, c'est-à-dire sa qualité.

5.7.2.2 Quelle que soit la résolution choisie, il est conseillé de réaliser l'enregistrement natif dans un format standard. Cette disposition permettra d'effectuer des transferts d'archive sans altération de celui-ci et simplifiera les processus d'archivage. L'utilisation du format BWF facilite la collecte de métadonnées indispensables au cycle de vie de l'information numérique archivée.

5.7.2.3 La réduction de données (dites compressées dans le langage courant) par l'encodage MP3 ou ATRAC par exemple génère des enregistrements qui ne correspondent pas aux formats d'archives. Les formats de données compressées, bien que très développés, non seulement négligent de manière irrémédiable la récupération de données, ce qui ne serait pas le cas avec des formats non compressés, mais créent également des artefacts aussi bien dans le domaine temporel que spectral. De tels artefacts peuvent conduire à des erreurs d'interprétation des composantes spectrales et temporelles, surtout lorsque l'on pratique l'analyse du signal au moyen d'outils de représentation fréquentielle. Les artefacts résultants des codages de réduction de données ne peuvent être recalculés ou compensés lors d'un traitement a posteriori car ils dépendent du niveau, de la dynamique et de la composition spectrale du signal original. A des fins d'archivage, il est conseillé de ré-encoder les fichiers d'enregistrement dont les formats sont compressés en fichiers .wav (de même pour le Minidisc et les codecs avec perte de première génération (voir 5.6.10 Minidisc). Même si cette procédure ne remplace pas des données manquantes, elle réduit davantage la dépendance vis-à-vis des codecs.

5.7.3 Sélection des équipements d'enregistrement

5.7.3.1 La décision d'utiliser un équipement particulier d'enregistrement dépend de nombreux facteurs. Toutefois, un nombre important de problèmes techniques communs à toutes les situations d'enregistrement peuvent être regroupés en trois parties : compatibilité des archives, qualité audio, fiabilité.

5.7.3.2 Compatibilité des archives

5.7.3.2.1 Le choix du format d'enregistrement dans le domaine numérique a un impact durable et irréversible  sur la vie des archives : ainsi les formats de compression avec perte peuvent-ils restreindre certaines utilisations. Pour cette raison, le dispositif d'enregistrement doit être choisi en fonction du format assurant la compatibilité des archives. La technologie actuelle offre la possibilité d'enregistrer directement, dans un format élémentaire, des fichiers à l'aide d'un dispositif équipé d'un disque dur ou à d'une mémoire statique. De tels systèmes offrent habituellement le choix entre plusieurs formats d'enregistrement en mode linéaire ou compressé. La sélection de .wav ou BWF.wav est recommandée. Les formats bruts ou propriétaires seront évités car ils devront être, dans bien des cas, transférés en .wav ou BWF.wav via un logiciel propriétaire pour constituer des archives à long terme. En accord avec les recommandations archivistiques, les formats d'enregistrement avec compression ne doivent pas être utilisés.

5.7.3.2.2 Un microordinateur portable convenablement équipé constitue une solution alternative aux enregistreurs portables dédiés. En ajoutant un pré-ampli microphonique et un convertisseur analogique - numérique de haute qualité (voir Section 2.4 Convertisseurs analogique - numérique (A/N)), le son peut être enregistré directement sur l'ordinateur portable en utilisant un des nombreux logiciels d'enregistrement disponibles. Les recommandations énoncées à propos des formats de fichiers s'appliquent ici également : il est généralement préférable d'enregistrer directement dans le format d'archivage. Cette solution est pratique, mais la consommation élevée d'énergie électrique, le bruit acoustique pouvant être généré et le manque de discrétion réservent ces pratiques à quelques cas de figures seulement.

5.7.3.2.3 Les ordinateurs portables, ainsi que de nombreux dispositifs d'enregistrements nomades peuvent-être configurés de telle manière que l'enregistrement soit effectué simultanément sur un disque externe. Cette stratégie de sécurité renforcée est évoquée au paragraphe 5.7.5.1 (Transfert et sauvegarde du contenu initial).

5.7.3.3 Qualité audio

5.7.3.3.1 La qualité audio doit être sélectionnée en fonction des recommandations du chapitre 2 en matière d'archives : Clés du numérique - Principes. Les exigences vis-à-vis de la qualité des enregistrements s'appliquent aux contenus de tous types. Contrairement aux opinions répandues, les enregistrements de voix parlée doivent bénéficier tout autant de la résolution élevée adoptée pour les enregistrements musicaux. On peut argumenter le fait que la dynamique de la parole dans son environnement exige davantage de la technologie d'enregistrement que de nombreuses autres formes musicales. En outre, si des analyses fines du signal sont demandées, la plus haute qualité sera nécessaire.

5.7.3.4 Microphones

5.7.3.4.1 La discussion ci-dessous à propos des microphones se limite aux questions relatives à la création d'archives sonores. On pourrait en dire beaucoup plus à propos de ces microphones qui sont, par essence, utilisés dans la partie la plus créative et manipulable du processus, aussi est-il recommandé que tout preneur de son sur le terrain soit familiarisé avec l'utilisation de ces outils.

5.7.3.4.2 L'utilisation de microphones séparés de l'enregistreur est recommandée dans la plupart des situations d'enregistrement. Ceci minimise le bruit inhérent au système capturé par des microphones intégrés et évite le bruit de manipulation de l'enregistreur en fonctionnement. La qualité des microphones doit être suffisante pour répondre aux besoins de l'enregistrement mais aussi aux spécifications du dispositif d'enregistrement, en particulier le rapport signal sur bruit (rapport S/B). Pour être en mesure de capter toute l'échelle dynamique possible, et donc enregistrer sur 24 bits, l'utilisation de microphones externes de bonne qualité dotés d'un préamplificateur convenable est nécessaire alors que la plupart des équipements d'enregistrement et des microphones de moindre qualité compromettraient ce point crucial.

5.7.3.4.3 Dans certaines situations d'enregistrement, les caractéristiques d'emplacement associées avec les événements sont importantes. Pour recueillir de telles informations, il est nécessaire d'utiliser une paire de microphones externes déployés selon des dispositions normalisées (voir Section 5.7.4.3 ci-dessous). Une disposition normalisée de microphones fournira des caractéristiques sonores stéréophoniques compréhensibles tandis que les microphones fixes internes qui équipent de nombreux dispositifs, ne correspondent pas généralement à une disposition normalisée et  ne peuvent, en outre, être manipulés. Le microphone à condensateur sont les plus sensibles, et sont généralement préférés pour les meilleurs résultats d'enregistrement qu'ils proposent. Ces microphones nécessitent une alimentation fantôme qui est généralement fournie avec un système d'enregistrement professionnel, (commutable dans l'idéal), mais ils peuvent aussi être alimentés par des batteries externes ou bien à partir du secteur. Les microphones à condensateur risquent d'être endommagés dans des conditions d'utilisation difficiles aussi peut-il être préférable de faire des compromis sur la sensibilité et d'utiliser des microphones plus robustes tels que les microphones dynamiques dans certaines situations. Les microphones à condensateur sont aussi très coûteux ; mais de très bons résultats peuvent être obtenus grâce aux microphones à électret de la plus haute qualité. Ceux-ci comportent une capsule chargée de manière permanente, mais ils peuvent aussi fonctionner sur une plus longue durée lorsqu'ils sont équipés d'une petite pile. Les enregistrements effectués à l'extérieur à l'aide de microphone à condensateur ou à électret, nécessitent un dispositif anti-vent. L'utilisation incorrecte, improvisée de bonnette anti-vent risque de se faire au détriment des caractéristiques d'enregistrement, elle peut altérer la directivité des microphones, rendre l'enregistrement moins réaliste. L'utilisateur doit être informé de tels risques lorsqu'il choisit d'utiliser une bonnette anti-vent).       

5.7.3.5 Fiabilité

5.7.3.5.1 Les équipements non fiables peuvent potentiellement être à l'origine de la perte d'information pour des enregistrements réalisés, ou tomber en panne juste au moment de son utilisation. Pour minimiser les risques de défaillance, les dispositifs d'enregistrements devront être choisis sur des critères de fiabilité maximum. Les appareils grand public bon marché sont, dans de nombreux cas, fragiles et de qualité insuffisante ; ils peuvent être facilement détériorés, ils ne doivent pas être utilisés sur le terrain sans avoir été au préalable soigneusement testés. Outre leur plus grande robustesse, les appareils professionnels comportent des circuits et interfaces plus fiables, des entrées microphoniques symétriques permettant le branchement de câbles de grande longueur, et des connecteurs professionnels plus fiables. Même s'il est plus probable que les équipements à faible coût soient davantage sujets aux dégradations et aux pannes, le prix constitue seulement un indicateur de fiabilité, aussi tout l'équipement devra-t-il être testé soigneusement avant utilisation sur le terrain.

5.7.3.6 Test et maintenance

5.7.3.6.1 Quel que soit leur coût ou leur qualité, les équipements d'enregistrement devront être systématiquement et régulièrement testés, leur maintenance assurée  pour bénéficier d'un fonctionnent fiable et précis, notamment dans les conditions de terrain. L'intégrité du système d'enregistrement devra être testée en particulier s'il a subi une chute ou s'il a été transporté dans des conditions non conventionnelles. La réponse fréquentielle des microphones devra être régulièrement mesurée afin de s'assurer de leur bon fonctionnement. La protection vis-à-vis de la poussière ou de l'humidité est essentielle pour maintenir les équipements dans de bonnes conditions de fonctionnement. Des vérifications régulières et le nettoyage des dispositifs, y compris des connecteurs et autres surfaces constituent des opérations vitales pour maintenir la fiabilité des appareils d'enregistrement. Les équipements devront pouvoir s'acclimater aux changements environnementaux, en particulier lorsqu'ils sont déplacés depuis un espace froid et sec, tel la soute d'un avion cargo, dans une atmosphère chaude et humide. Tous les résultats de tests devront être conservés pour permettre un suivi des conditions de maintenance des équipements de terrain et anticiper les changements de pièces qui se montreraient nécessaires.

5.7.3.7 Autres considérations concernant les matériels d'enregistrement sur le terrain

5.7.3.7.1 Si les spécifications et caractéristiques techniques participent à la détermination de la qualité et de la fiabilité des dispositifs d'enregistrement, d'autres éléments d'ordre pratique peuvent influencer leur choix selon les circonstances d'enregistrement envisagées. Des facteurs de décision importants comprennent : une durée d'enregistrement suffisante avec alimentation sur batterie ; une conception robuste et compréhensible ; une manipulation aisée ; un matériel de taille réduite, léger mais robuste. L'éclairage des cadrans de contrôle est essentiel pour enregistrer dans l'obscurité mais il consomme davantage d'énergie électrique. Selon les circonstances d'enregistrement, une décision doit-être prise en faveur des supports amovibles (carte mémoire flash ou SD par exemple) ou bien d'un disque dur permettant une stratégie de sécurité adaptée (voir Section 5.7.5 Transfert et sauvegarde des données sur le terrain). Dans l'idéal, le dispositif devra permettre un transfert et une duplication rapides et simples des données, et être extrêmement discret (ce dernier point réduit l'intrusion visuelle pendant l'enregistrement et contribue également à limiter les risques de vol).

5.7.4 Approche de l'enregistrement

5.7.4.1 Le but dans lequel l’enregistrement est effectué et les règles propres à la discipline dont il relève orientent l'approche des opérations sur de nombreux aspects : techniques microphoniques et autres. Cependant,  les pratiques d’enregistrement partagent un certain nombre de préoccupations communes.

5.7.4.2 Généralement, les enregistrements de terrain rendent compte, par la fixation du son ou de la documentation associée, d'une situation donnée. Dans ces circonstances, la dynamique originale dans laquelle se déroule l'action devrait être respectée dans l'enregistrement. Le réglage du niveau d'entrée audio doit s'appuyer sur le signal désiré, et non sur celui du bruit de fond ambiant, aussi les ajustements en cours d'enregistrement devront-ils être effectués judicieusement, voire pas du tout. L'utilisation de la fonction de contrôle automatique de gain n'est pas recommandée, ces pratiques falsifient en quelque sorte la dynamique originale par l'augmentation du niveau des séquences de faible intensité (et donc celui du bruit) et par l'atténuation de la dynamique du signal souhaité. Aussi, l'utilisation du moindre limiteur pendant l'enregistrement devra-t-elle être conduite avec précaution. Un limiteur bien ajusté pourra sauver un enregistrement lorsqu'un son intense surgit brusquement, alors qu'il n'aura absolument aucune incidence sur les autres séquences enregistrées, n'étant pas déclenché par une augmentation brutale de niveau. En revanche, un limiteur mal réglé peut donner l'illusion d'un niveau de modulation correct alors que le microphone lui-même peut être porté à saturation. Chaque fois qu'il est possible, le réglage manuel du niveau est préférable, et tout limiteur, bien ajusté pour ne pas agir sur les signaux normaux, ne sera activé qu'après réglage du niveau optimal.

5.7.4.3 Lorsqu'on effectue l'enregistrement d'un événement noyé dans un bruit ambiant, on a intérêt à utiliser un dispositif microphonique stéréo. De nombreuses approches sont possibles mais nous ne présenterons ici, et brièvement, que des exemples de couples quasi-coïncidents tels le couple ORTF (Office de Radiodiffusion Télévision Française), la paire croisée XY, la paire parallèle AB et le procédé MS (Mid-Side).

5.7.4.4 Le couple ORTF semble être le plus couramment utilisé lorsqu'on doit réaliser l'analyse et l'évaluation des propriétés de l'enregistrement. Dans ce cas, les capsules des microphones sont distantes de 16 cm et forment un angle de 110°. Quand on fait l'analyse d'un enregistrement ORTF avec un casque, on constate l'augmentation de la capacité mentale de localiser le son désiré dans un environnement bruité : phénomène appelé effet "cocktail party". Cette disposition des microphones transmet, lors de l'écoute binaurale au casque, une information supplémentaire qui facilite l'identification des événements recherchés noyés dans un champ sonore bruyant. En outre, en reprenant les spécifications de l'ORTF, la configuration du couple peut aisément être réinstallée de manière standard.

5.7.4.5 Les paires croisées standard XY sont disposées de telle manière que les capsules des microphones soient le plus proche possible et forment un angle d'au moins 90° entre-elles. Dans l'idéal, l'intensité de l'énergie sonore portant l'information est enregistrée sans différence de phase. Cette technique permet une bonne reproduction de l'enregistrement  sur haut-parleurs, mais elle ne propose pas une meilleure séparation de l'information comparativement aux autres techniques. La paire parallèle AB utilise deux microphones omnidirectionnels en parallèle, distants de 50 cm environ. Cette technique est plébiscitée lorsque les conditions acoustiques sont excellentes,  mais elle produit rarement de  bons résultats dans des environnement très bruyants. Des problèmes d'annulation de phase peuvent se produire lors de la sommation mono des deux canaux.

5.7.4.6 Le procédé MS (Mid-Side) fait appel à un microphone bidirectionnel bien positionné par rapport à la source sonore, et à un microphone cardioïde (parfois un microphone omnidirectionnel) pointé vers la source. Les deux signaux enregistrés peuvent alors être repris pour produire un enregistrement compatible mono / stéréo (M+S, M-S). Lorsque l'enregistrement a été réalisé avec les informations MS, le signal peut être modifié par la suite, et ainsi assurer le contrôle de l'ouverture apparente des microphones.

5.7.4.7 Dans certaines situations, lorsque la nature exacte de l'événement à enregistrer est inconnue, il peut-être avantageux d'utiliser des microphones directionnels amovibles, des dispositifs faisant appel à des microphones multiples et des moyens d'enregistrement multipistes. Pour les entretiens (interviews), on peut utiliser deux microphones orientés vers chaque participant, conditions tout à fait acceptables. Dans de nombreux cas, les microphones cravates se montrent moins utiles car ils captent les bruits de fond provenant des mouvements des personnes, leur respiration, leurs vêtements, leurs bijoux. Ils n'apportent que peu, voire aucun de ces éléments concernant les conditions environnementales qui sont souvent une partie intégrante et intéressante du cadre d'enregistrement.

5.7.4.8 La technologie du microphone contribue à la qualité des séquences enregistrées et la très brève évocation de celle-ci constitue un simple recueil de leurs capacités. Il est recommandé de rapprocher les objectifs concernant la réalisation d'enregistrements sur le terrain avec toutes les possibilités offertes par les meilleures techniques microphoniques avant de réaliser des enregistrements importants.

5.7.5 Transfert et sauvegardes des contenus audio sur site

5.7.5.1 Les enregistrements sur le terrain restent vulnérables : à moins de réaliser des copies de sauvegarde, la perte de données risque de se produire. Une seconde copie des enregistrements réalisés sur site devra être réalisée simultanément avec l'enregistrement ou sitôt après la fin de la session.  Différentes situations et tâches à accomplir impliquent diverses approches, mais les actions devront toujours offrir la meilleure stratégie de sauvegarde.

5.7.5.2 Les enregistreurs à disque dur et cartes mémoire offrent une base technologique d'enregistrement des fichiers sur de tels supports. L'enregistrement est généralement éliminé de l'un de ces media après transfert du fichier sur un autre environnement de stockage. Il est clair que les nouvelles technologies constituent un domaine à risque qui doit être géré avec précaution afin d'éviter toute perte de l'information sonore souhaitée. Le support d'enregistrement doit être considéré, aussi longtemps que possible, comme le support original. Il doit être effacé seulement après s'être bien assuré que le transfert des données dans le système d'archivage a été effectué correctement. Dans le cas d'une campagne d'enregistrement conséquente, lorsque de grandes quantités de données ne peuvent être immédiatement archivées, des opérations de duplication et de stockage des copies doivent être engagées sur le terrain. Avec les enregistreurs à carte flash ou SD, il peut être utile de se procurer des cartes supplémentaires pour conserver les enregistrements jusqu'à ce qu'ils soient transférés sur un système de stockage plus pérenne. Avec les enregistreurs sur disque dur ou les ordinateurs portables, des systèmes de stockage sur disque dur externe peuvent être utilisés pour réaliser des copies de sauvegarde jusqu'à ce que les données soient effectivement transférées.

5.7.5.3 En pratique, certains dispositifs permettent l'utilisation en parallèle de disques durs et de cartes mémoires, ou bien encore l'enregistrement en parallèle sur disque dur. Ceci constitue un avantage,  car le dispositif d'enregistrement permet ainsi d'effectuer une copie automatique de sécurité hors du système d'enregistrement, processus qui doit être appliqué dès que possible. Par ailleurs, des copies de sécurité peuvent être effectuées sur place manuellement, sur disques durs externes, sur ordinateurs portables, ou pour le moins sur des enregistreurs de CD / DVD.

5.7.5.4 Certains dispositifs créent automatiquement des noms de fichiers quand un nouveau support de stockage est inséré (numérotation générée automatiquement avec le même nom de fichier sur chacun des nouveaux supports), ainsi le processus de copie doit-il être mené avec précautions pour s'assurer que les noms identiques sur différents supports soient correctement associés aux métadonnées / aux notes prises in situ etc. Dans le pire des cas,  il peut arriver qu’on efface accidentellement des fichiers de même nom, aussi une structure soigneusement étudiée et une stratégie de nommage sont-elles nécessaires. Il est recommandé de renommer les fichiers après copie, ce qui évite toute nouvelle modification ou manipulation des fichiers originaux.

5.7.6 Description des métadonnées et des collections

5.7.6.1 L'absence de métadonnées décrivant l'enregistrement de terrain, son contexte et les droits associés, limite sévèrement l'intérêt de l'enregistrement. L'absence de métadonnées (y compris les métadonnées de conservation) peut avoir de sérieuses conséquences, non seulement pour l'intégration des enregistrements dans un système de base de données, mais aussi pour la gestion ultérieure des archives et leur diffusion. Cette donnée est si importante que l'absence de celle-ci peut amener les gestionnaires à refuser le contenu. Il faut compter aussi avec les informations critiques d'ordre technique relatives  à la conservation, bien nécessaires lors de l'acquisition des enregistrements réalisés sur le terrain, et qui doivent être recueillies au moment de l'enregistrement et incorporées au document archivé. Elles comprennent :

5.7.6.1.1 Le dispositif d'enregistrement : marque, modèle, numéro, description des ajustements dynamiques effectués au cours de la prise de son, les niveaux le format d'enregistrement, l'encodage (qui n'est pas recommandé mais si les circonstances exigent qu’on y procède, il doit être documenté).

5.7.6.1.2 Microphones : type de microphone / diagramme polaire, information concernant leur disposition, distance, application particulière (tel microphone cravate, technique analytique avec microphones multiples etc.).

5.7.6.1.3 Utilisation d'accessoires supplémentaires tels que bonnette anti-vent, etc. description de la situation dans la pièce, etc.

5.7.6.1.4 Support : type, spécifications du support original (carte flash, disque etc.) ou disque dur.

5.7.6.1.5 Source d'alimentation électrique : batteries, secteur (50 ou 60 Hz alternatif, conditions d'instabilité, fluctuation du secteur, etc.

5.7.7 Métadonnées et outils de terrain

5.7.7.1 Les enregistrements effectués sur le terrain sont réalisés en relation avec d'autres enregistrements, autres événements, différents objectifs poursuivis et différents contenus sonores. Les communautés de chercheurs se développent en vue de disposer des outils d'acquisition de données et métadonnées intégrées qui permettant de documenter, de relier les objets sonores les uns avec les autres, et de préciser les circonstances de leur création : lieu, heure. Entre-temps, différents outils répondant aux critères spécifiques des métadonnées ont été réalisés dans le cadre de projets internationaux. Ces outils concernent la collection pratiquement complète de métadonnées, ils permettent de réaliser des transferts pour faciliter l'élaboration d'un système de bases de données et garantir la mise à disposition de données précises à de futurs chercheurs. Au moment de la rédaction de ces lignes, le développement de tels outils et de tels concepts se trouve être dans une première phase, ils tendent aussi à prendre en compte les données d'une discipline spécifique, thème qui ne sera pas discuté ici. Toutefois, il est important de souligner que toutes les données techniques décrites ci-dessus doivent être prises en compte pour les futurs systèmes de gestion et d'accès. On gardera à l'esprit que toutes les données acquises devront souscrire à la compatibilité de transfert vers le système d'archivage final. Jusqu'à la mise en œuvre de normes en la matière, il est recommandé d'utiliser les caractères UNICODE et le format XML.

5.7.7.2 Si les métadonnées sont recueillies manuellement, sans faire appel aux outils d'acquisition tels que ceux mentionnés précédemment, on recommande l'utilisation d'un format pouvant être facilement transféré dans les structures de bases de données courantes. Dans d'autres cas, des institutions et services d'archives fournissent leurs outils propres que l'on devra mettre en œuvre sur le terrain dans la mesure du possible.

5.7.8 Le facteur temps

5.7.8.1 Le temps nécessaire pour enregistrer un événement important ou un entretien peut être long. Le temps pris pour conserver un enregistrement effectué sur le terrain peut-être réduit à la simple durée d'acquisition des données et des métadonnées si les conditions de prise de son et de saisie ont été bien conçues. Si le système est manuel, il est fort probable que nombre de précieuses informations seront perdues à la suite d'erreurs humaines ou par manque des ressources nécessaires à la prise en charge de ce long mais indispensable travail d’archivage.