5: Extraction du signal des supports originaux

5.1 Introduction

5.1.1 La première phase du processus de numérisation, qui est aussi la plus significative, consiste à récupérer un signal optimum à partir du support original. Par principe, les originaux devront toujours être conservés afin de permettre des lectures ultérieures. Pourtant, chaque transfert devra s'efforcer de réaliser une extraction optimale du signal, ceci pour 2 raisons simples et pratiques. Premièrement, la possible dégradation du support peut compromettre la qualité d'une lecture suivante, voire la rendre impossible. Deuxièmement, l'extraction du signal représente tant d'efforts en ressources humaines et en financement que l'on s'attachera à réaliser une extraction optimale dès la première tentative.

5.2 Reproduction des formats mécaniques historiques et obsolètes

5.2.1 Introduction

5.2.1.1 Les premiers enregistrements audio ont été réalisés à l'aide de moyens mécaniques. Cette approche restera pratiquement la seule méthode viable de capture du son jusqu'au développement des circuits électriques qui ont permis la création d'un nouveau marché avec l'enregistrement magnétique pendant les années 30 et au-delà. L'enregistrement mécanique est caractérisé par la présence d'un sillon continu porteur d'un signal codé pratiqué à la surface d'un support. L'encodage du son monophonique est obtenu soit par la modulation du fond du sillon qui se déplace vers le haut et vers le bas relativement à la surface du disque (enregistrement vertical), ou bien qui se déplace alternativement de gauche à droite (enregistrement latéral). Tous les enregistrements sur cylindre sont verticaux, de même les disques Edison Diamond Disc et certaines productions en laque réalisées par Pathé jusqu'à ce qu'on réalise des disques à gravure latérale à partir de 1927 environ. Pendant un certain temps, des disques de transcription radiophonique ont été gravés verticalement, aux Etats-Unis essentiellement. Les enregistrements à gravure latérale sont les plus répandus ; la plupart des disques à sillon large (parfois dénommés 78t), de transcription radio, et de gravure directe, comportent un sillon latéral, de même les microsillons monophoniques. Ceux-ci seront traités à part dans la section 5.3.

5.2.1.2 Les enregistrements mécaniques sont de type analogique, ainsi nommés car les flancs du sillon sont modulés par le son en une forme d'onde continue. Pratiquement tous les enregistrements mécaniques présentés sont obsolètes dès lors que les industries ayant créé ces produits cessent de les fabriquer. Les premiers enregistrements étaient acoustiques : les ondes sonores, par l'intermédiaire d'un léger diaphragme et d'un burin solidaire à celui-ci sont inscrites directement sur la surface d'enregistrement. Par la suite, les enregistrements mécaniques sont devenus "électriques", utilisant un microphone et un amplificateur pour piloter une tête de gravure. A partir de 1925, pratiquement tous les studios d'enregistrement ont commencé à réaliser des enregistrements électriques.

5.2.1.3  Les premiers enregistrements mécaniques, produits par une industrie en cours de développement, ont peu bénéficié de mesures de normalisation. Les accords existants n'étaient guère respectés dans le contexte du développement de la technologie, du secret dans lequel les fabricants entouraient leurs dernières techniques pour garder l'avantage sur le marché. De cette période, nous héritons d'une disparité considérable de la plupart des caractéristiques de ces produits, pas moins que celles de la taille et de la forme du sillon gravé (voir 5.2.4), de la vitesse d'enregistrement (5.2.5) et de l'égalisation requise (5.2.6). En conséquence, les personnes opérant sur de tels disques doivent acquérir des connaissances spécifiques des conditions historiques et techniques dans lesquelles les enregistrements ont été réalisés. Pour des productions atypiques, il est recommandé de demander conseil auprès de spécialistes, mais aussi de prendre des précautions pour tous les types disques, y compris les plus courants.

5.2.2 Sélection de la meilleure copie

5.2.2.1 L'enregistrement mécanique peut être un enregistrement direct ou bien une reproduction. Dans le premier cas, il s'agit presque toujours d'un document unique, seul enregistrement d'un événement particulier. Cette catégorie comprend les cylindres de cire 2, les disques à gravure directe (connus aussi sous le nom d'acétate), et les enregistrements réalisés par des machines à dicter de bureau (voir 5.2.9). Dans le second cas, les enregistrements dupliqués sont généralement reproduits en exemplaires multiples par pressage ou moulage d'un master original. Les enregistrements directs devront être identifiés et traités à part, avec grande précaution.

5.2.2.2 Les cylindres à gravure directe peuvent être identifiés par leur apparence de cire, leur toucher, ils sont généralement fabriqués à partir de savon métallique doux. Leur couleur typique peut varier du caramel clair au chocolat foncé ou très rarement noir. Les cylindres dupliqués sont réalisés à partir d'une qualité de savon métallique plus dur, ou bien encore d'un manchon de celluloïd recouvrant un noyau de plâtre. Ils ont été fabriqués avec une grande variété de couleurs, sachant que le noir et le bleu ont été les plus fréquemment utilisés. Ces cylindres portent habituellement des informations du programme par un marquage en relief pratiqué sur le bord du cylindre.

5.2.2.3 Le premier format de disques à lecture immédiate est apparu en 1929 environ. Les disques étaient constitués d'un métal tendre dépourvu de revêtement (aluminium le plus souvent, cuivre ou zinc dans certains cas). A la surface de celui-ci, un sillon à débattement latéral est pratiqué par repoussage plutôt que par gravure. Ces disques peuvent être facilement distingués des disques dupliqués en gomme-laque. Comme pour les disques acétate produits ultérieurement, les disques métalliques ont été conçus pour permettre, après fixation de l'enregistrement par repoussage, une lecture immédiate à l'aide d'un gramophone standard de l'époque, aussi de tels enregistrements peuvent-ils globalement être rangés dans la catégorie des disques à sillon large et des 78t/mn. Toutefois,  les ingénieurs chargés du transfert devront s'attendre à des différences, pas seulement dans les profils du sillon.

5.2.2.4 Les disques acétate introduits en 1934 sont le plus souvent décrits comme produits laminés, bien que ce ne soit pas leur méthode de fabrication, ou bien comme des produits en acétate, ce qui en fait ne décrit pas la nature de la surface d'enregistrement. Ces disques sont le plus souvent constitués d'une base (âme) solide et rigide (aluminium ou verre, zinc parfois) recouverte d'une laque de nitrate de cellulose, teintée en noir afin d'améliorer les conditions d'observation durant le  processus de gravure. Rares sont les disques à base de carton. Le comportement de coupe lors de la gravure est contrôlé par l'addition de plastifiants (agents assouplissants), tels que l'huile de castor ou le camphre.

5.2.2.5 Les disques à gravure directe peuvent ressembler aux disques de laque et plus généralement aux vinyles, mais ils peuvent en être distingués de plusieurs manières. Il est souvent possible d'observer le matériau de base (âme) entre les couches de vernis, soit dans la tranche du trou central, soit sur celle du pourtour extérieur. Lorsqu'une étiquette de papier est présente, l'inscription du programme est effectuée de manière manuelle plutôt que imprimée. Sur les disques dépourvus d'étiquette, on observera parfois la présence, près du trou central, d'un ou de plusieurs trous décentrés servant à l'entraînement du disque. Si la laque nitrocellulosique, une âme métallique ou de verre entrent dans la composition de la plupart des disques à gravure directe, on peut rencontrer en pratique une grande variété de matériaux différents, tels que le carton pour support, la gélatine pour la couche d'enregistrement, ou bien encore des disques homogènes.  

5.2.2.6 En raison de leur instabilité, les disques à gravure directe devront être transférés en toute première priorité.

5.2.2.7 Lorsque l'on dispose de plusieurs copies de disques à gravure directe, la sélection de la meilleure version suit habituellement un processus visant à déterminer l'existence de l'exemplaire le plus proche de la source en meilleur état. Dans le cas de production d'enregistrements mécaniques de masse pour laquelle l'existence de copies multiples est habituelle, on appliquera les recommandations ci-dessous pour la sélection de la meilleure copie.

5.2.2.8 La sélection de la meilleure copie des supports mécaniques dupliqués implique une bonne connaissance de la production discographique et de la capacité d'apprécier l'état d'usure et les dégradations du disque pouvant générer des effets audibles sur le signal. Pour identifier précisément l'enregistrement, le fabricant utilise des numéros et des codes, généralement placés entre le sillon de sortie du programme et l'étiquette. De telles indications peuvent aider le technicien qui pourra ainsi déterminer s'il s'agit de disques identiques ou bien de disques correspondant à différentes prises de la même œuvre. Les signes d'usure ou de dégradation du disque seront davantage visibles en lumière réfléchie. Pour obtenir de meilleurs résultats, le technicien recherchera les défauts sous le faisceau d'une lampe à incandescence placée derrière son l'épaule. Les tubes fluorescents ou bien les lampes basse consommation, qui ne produisent pas de lumière suffisamment cohérente pour révéler les défauts d'usure, ne seront pas utilisés. Un microscope stéréoscopique est utile pour évaluer la taille et la forme du sillon, pour examiner l'état d'usure produit par les lectures antérieures. Ces observations facilitent la sélection de la pointe la plus adaptée. L'utilisation d'un microscope stéréoscopique comportant un réticule permet une sélection plus précise et plus objective de la pointe de lecture (Casey et Gordon 2007).


2. Les premiers cylindres de cire commerciaux étaient dupliqués par des procédés mécaniques, les uns après les autres, les interprètes effectuaient souvent plusieurs prises pour réaliser des lots d'enregistrements similaires. Ils seront tous considérés comme exemplaires uniques.

5.2.3 Nettoyage et restauration des supports

5.2.3.1 Les supports gravés peuvent se dégrader par leur utilisation ou par les effets du processus de décomposition naturelle des constituants, phénomène plus ou moins rapide selon les conditions de stockage. Des débris de poussière et dépôts de particules peuvent s'agglutiner dans le sillon et favoriser le développement de moisissures quand les conditions climatiques le permettent. Cette situation est très courante pour les cylindres à gravure directe. De plus, les disques acétate peuvent faire apparaître des traces d'exsudation d'agents plastifiants entrant dans la composition de la couche enduite. Ces traces se présentent sous forme de moisissure blanche ou grise, mais dont la consistance est grasse au toucher. La moisissure, à proprement parler, se présente sous l'apparence d'un duvet ou d'un filament blanc ou gris. Ces 2 phénomènes compromettent les conditions dans lesquelles la tête de lecture peut suivre le sillon avec précision, aussi un nettoyage approprié du support est-il nécessaire.
 
5.2.3.2 La méthode la plus adaptée pour procéder au nettoyage dépendra de la nature et de l'état du substrat. Dans de nombreux cas, les interventions effectuées à l'aide d'un liquide produisent les meilleurs résultats, mais le choix du solvant doit être fait avec précaution ; dans certains cas, il vaut mieux éviter toute utilisation de liquide. Lorsqu'on ne connaît pas de leur composition chimique, on évitera d'utiliser les solutions de nettoyage. Toute décision d'utilisation de solvants ou autres produits de nettoyage devra être prise par le responsable des archives disposant des conseils techniques avisés de restaurateurs ou de chimistes compétents dans les matériaux plastiques. On considérera néanmoins que les disques à gravure directe, les disques de laque, les cylindres de tout type ne devront jamais être en contact avec l'alcool qui présente des risques d'effets corrosifs immédiats. Souvent, les disques de laque contiennent des charges absorbantes qui peuvent se dilater en cas de contact prolongé avec l'humidité. Ils devront être séchés immédiatement après un nettoyage effectué avec un liquide quelconque. Tous les procédés de nettoyage devront éviter le moindre contact avec l'étiquette de papier.

5.2.3.3 L'huile de Castor est fréquemment utilisée comme agent plastifiant dans la production de disques comportant une couche de laque nitrocellulosique. Celle-ci se décompose généralement en acide palmitique et acide stéarique lorsqu'un phénomène d'exsudation en surface se produit. La perte de plastifiant provoque une contraction du revêtement qui se craquèle et se détache du support (pelage). Un phénomène connu sous le nom de délamination. Plusieurs solutions ont été pratiquées avec succès par l'élimination des acides exsudés formés (voir en particulier Paton et al 1977 : Casey et Gordon 2007, p 27). Il a été toutefois observé que, suite au nettoyage, les disques à gravure directe pouvait se dégrader plus rapidement. Il est donc prudent de réaliser sans attendre des copies numériques de disques propres après avoir effectué les opérations de nettoyage. Il faut souligner que l'effet de tous les solvants doit être testé avant usage. Certains disques à gravure directe comportent une couche active de gélatine par exemple, non de nitrate de cellulose. La gélatine, soluble, subirait des dommages immédiats et irréversibles si un traitement avec liquide était appliqué.

5.2.3.4  D'autres média ne se prêtent pas à un nettoyage à l'aide d'un liquide, notamment les disques à gravure directe et les disques en laque qui comportent une feuille de papier ou du carton sous la couche de gravure. De la même façon, les disques à gravure directe dont la couche de surface se fragmente ou se délamine doivent être traités avec le plus grand soin. Les cylindres à gravure directe doivent être nettoyés à sec exclusivement à l'aide d'une brosse souple appliquée le  long du sillon. Toutefois, si la présence de spores de moisissures est suspectée, on prendra le plus grand soin pour réduire la contamination. Des précautions toutes particulières seront prises dans les procédures de nettoyage des moisissures et des spores afin d'éviter des sérieux problèmes de santé. Il est fortement recommandé aux opérateurs de s'enquérir de conseils de professionnels avant de commencer les travaux sur de tels produits contaminés.

5.2.3.5 Lorsqu'on estime que l'utilisation d'agents de nettoyage liquides est appropriée, on prendra les mesures pour que la solution d'une part et le support d'autre part  soient bien à la température de la pièce. On évitera ainsi tout choc thermique préjudiciable au support.

5.2.3.6 Souvent, la méthode qui se montre être la plus efficace et la plus décisive consiste à utiliser une machine de nettoyage dotée d'un système d'aspiration pour éliminer le liquide résiduel dans le sillon, ainsi les machines Keith Monks Loricraft ou bien Nitty Gritty.

5.2.3.7 Les supports particulièrement sales, ou ceux marqués de manière permanente par des dépôts de papier après séchage, peuvent être nettoyés au moyen d'un bain à ultrasons dans lequel le disque (ou un partie du disque) est plongé. La vibration du liquide en contact avec l'objet provoque le détachement des particules de salissure.

5.2.3.8 Au cas où il n'est pas possible d'utiliser un tel équipement, le lavage manuel peut-être effectué au moyen d'une petite brosse rigide. Il est possible d'utiliser l'eau du robinet, mais il conviendra d'effectuer systématiquement un rinçage à l'eau déminéralisée afin d'éliminer tous les restes de contamination.

5.2.3.9  Outre les opérations de nettoyage, d'autres opérations de restauration peuvent être nécessaires. Les disques de laque et les cylindres de tous types sont fragiles et donc exposés à des cassures en cas de mauvaise manipulation. Les disques de gomme laque peuvent se ramollir et se déformer à haute température. La migration des produits plastifiants des disques à gravure directe est à l'origine de la contraction du revêtement alors que le support de métal ou de verre est très stable. Les contraintes générées entre les matériaux provoquent des fragmentations et des détachements de la couche de lecture. La restauration idéale de disques et de cylindres cassés est réalisée sans colle ni adhésifs, qui forment inévitablement un obstacle entre les parties jointes et qui seront audibles, aussi petits soient-ils. De telles procédures sont généralement irréversibles, n'accordant pas de seconde chance. Les procédures de duplication des disques de laque et des cylindres génèrent souvent des contraintes au sein du support. En cas de cassure, les contraintes propres aux différentes parties peuvent produire de légères déformations. Pour minimiser cet effet, les morceaux devront être remis en place et les opérations de transfert effectuées dès que possible après l'incident. Chaque élément d'un support cassé devra être conditionné pour le stockage en évitant tout contact avec les doigts. Le stockage de l'objet cassé simplement reconstitué peut favoriser l'effritement du bord des pièces en contact les unes avec les autres et augmenter les dégradations.       

5.2.3.10 La reconstruction des disques de laque sur une platine est généralement la meilleure solution. On utilise un plateau plus grand que le disque (un disque disponible hors collection peut constituer une solution idéale). Les pièces sont placées dans leur position correcte et maintenues autour de l'axe central à l'aide d'un mastic réutilisable tel que les produits Blu-Tack, U-Tack ou analogues fixés sur le pourtour du disque. Quand les disques sont plus fins dans la zone externe par rapport à la zone centrale, le mastic peut-être utilisé pour relever les bords et les placer à bonne hauteur. Il convient de prendre note de la direction de déplacement de la pointe dans le sillon : lorsque la hauteur des différentes pièces ne peut être parfaitement alignée, il vaut mieux, tant pour la pointe que pour la qualité du résultat du transfert, faire en sorte que la pointe saute vers le bas plutôt que de butter contre l'obstacle représenté par la paroi d'un fragment plus haut.

5.2.3.11  Les cylindres qui ont subi une cassure nette peuvent souvent être restaurés directement sur le mandrin de lecture en utilisant du collant 1/4 pouce (utilisé pour les bandes magnétiques) en forme de pansement. Il conviendra de faire appel à l'aide de spécialistes en cas de cassures plus complexes.

5.2.3.12 Les lamelles détachées de la couche de vernis des disques à gravure directe peuvent être provisoirement remises en place pour permettre une lecture. On utilise pour cela une toute petite quantité de gelée à base de pétrole placée entre la lamelle et le support. Les effets de cette intervention sont susceptibles d'être nocifs à long terme, aussi ces tentatives seront-elles réservées aux disques que l'on estime ne pas pouvoir lire dans d'autres conditions.  

5.2.3.13 Quand il est possible de lire un disque voilé ou tordu, sans avoir à l'aplanir, cette situation peut constituer une situation préférable au vu des risques présentés ci-dessous par la lecture d'un disque aplani. La possibilité de lire un disque déformé peut être améliorée en réduisant la vitesse de rotation du disque. (Voir 5.2.5.4).

5.2.3.14 Les disques en gomme laque peuvent être redressés dans une étuve ventilée de laboratoire (non chez un particulier). Le disque devra être posé sur une plaque de verre trempé préchauffée. Le disque et la plaque de verre doivent impérativement être nettoyés pour prévenir la fusion de la salissure à la surface du disque. Un autre risque peut se présenter par des déformations latérales du disque lorsqu'il durcit en position verticale. Il convient donc de ne pas chauffer le disque plus que nécessaire, pas plus de 42°C, température généralement suffisante (voir Copland 2008, Appendice I).

5.2.3.15 L'opération de redressage de la planéité d'un disque est très utile en ce qu'elle rend possible une lecture qui ne le serait pas autrement. Toutefois, les recherches en cours sur les procédures de remise à plat d'un disque avec la chaleur montrent qu'elles peuvent produire des fréquences subsoniques audibles, même aux très basses fréquences du spectre audible (Enke 2007). Bien que les recherches ne soient pas très convaincantes, il convient d'établir s'il y a lieu de procéder aux opérations de redressement d'un disque. Des conséquences néfastes de ces pratiques ont été analysées pour des disques vinyles et si on décidait d'étendre de telles méthodes aux disques de laque, il faudrait abaisser la température pour diminuer les risques. En tout état de cause, il faudra bien mettre en balance le risque de tels dommages avec la possibilité de lire le disque.     

5.2.3.16  S'il est fortement recommandé de ne pas essayer de redresser de façon permanente les disques à gravure directe (toute tentative étant susceptible d'être vouée à l'échec si ce n'est d'entraîner une dégradation de la surface), dans certains cas, le voile peut être réduit momentanément par serrage du disque ou autre procédé de maintien des bords de celui-ci sur la platine. Un très grand soin doit être apporté, particulièrement avec les disques à couche de vernis qui peuvent être endommagés lorsqu'ils sont soumis à des contraintes. Les disques souples, voilés, peuvent être redressés en les plaçant sur le plateau à aspiration d'une machine à graver, grâce au vide que l'on amène progressivement avec précautions. Tous les traitements physiques devront être entrepris avec beaucoup de soins pour éviter tout dommage.

5.2.3.17 Certains disques dupliqués ont été réalisés avec un trou non parfaitement concentrique. Il est préférable de lire un tel disque sur une platine dont l'axe peut être retiré ou bien en surélevant le disque au-dessus de l'axe en utilisant, par exemple, des disques de rebut ou bien des intercalaires en caoutchouc. Dans ce cas, la hauteur du bras devra être surélevée d'autant. Il est possible de recentrer le trou axial en utilisant un alésoir ou un foret, mais une telle intervention invasive ne peut-être entreprise qu'avec précaution et en aucun cas sur des exemplaires uniques. Altérer l'objet original peut faire perdre l'information secondaire.

5.2.4 Equipement de lecture

5.2.4.1 Les disques gravés sont conçus pour être lus à l'aide d'une pointe et d'une platine. Si les technologies à lecture optique présentent quelques avantages spécifiques qui seront discutés ci-dessous (voir section 5.2.4.14), si leur évolution est telle que la lecture s'effectue à la manière d'un système ne nécessitant pas de contact physique, la meilleure approche et la plus économique actuellement, consiste à extraire le contenu audio à  l'aide d'une pointe convenable. En ce qui concerne les enregistrements à gravure latérale, il est essentiel de disposer d'une panoplie de pointes de différents rayons, de 38 µm (1,5 mil 3) à 102 µm (4mil), avec une attention complémentaire pour les dimensions 76 µm (3 mil) et 65 µm (2,6 mil) correspondant respectivement aux premiers et aux derniers disques électriques. La pointe qui assurera la meilleure lecture possible d'un sillon donné s'ajustera correctement dans celui-ci dans la zone de lecture, évitant les zones usées ou endommagées des parois. Les disques en bon état se prêtent à une reproduction plus précise, moins chargée de bruit de fond lorsqu'ils sont lus avec une pointe de forme elliptique. Les disques en mauvais état apparent peuvent produire de meilleurs résultats avec une pointe de forme conique. La zone usée par des lectures antérieures peut ne concerner qu'une région particulière des flancs du sillon. Choisir une pointe de taille et de forme appropriées permet de lire la région saine des parois sans introduire de distorsions provenant de la région dégradée. Une pointe  de forme tronquée ou autre évitera plus aisément d'atteindre les zones endommagées se trouvant dans le fond du sillon. Des précautions devront être prises pour lire les disques Pathé à gravure latérale car ils ont, de manière typique, une largeur de sillon plus importante ; ils peuvent nécessiter une pointe dont le rayon de courbure est plus grand, ce qui évite de détériorer le fond du sillon.

5.2.4.2 Les platines mono sont disponibles, mais il est plus courant d'utiliser une platine stéréo qui permet de capturer séparément les informations de chaque flanc du sillon. Les cellules à bobine mobile sont souvent très appréciées car leur bonne réponse aux impulsions favorise la séparation du bruit de matière du signal audio. Toutefois, la variété des tailles des pointes correspondant aux cellules à bobine mobile n'est pas aussi étendue que celles des cellules à aimant mobile qui font partie intégrante de la platine, et celles qui doivent être commandées coûtent approximativement quatre fois plus cher. Les platines à aimant mobile sont plus courante, plus robustes, moins coûteuses ; elles sont généralement mieux adaptées au service demandé. Souvent, pour lire des disques de laque, une force d'appui de l'ordre de 30 - 50 mN (3 - 5 g) convient. Une force d'appui inférieure à ces valeurs est recommandée pour les disques à gravure directe. L'utilisation d'une platine stéréo présente l'avantage de pouvoir mémoriser séparément les composantes de chaque voie, ce qui permet, lors d'utilisation ultérieure, de les sélectionner ou de les traiter. A l'écoute, les deux canaux peuvent être combinés en phase pour les enregistrements à gravure latérale, ou hors phase (selon la platine) pour les enregistrements à gravure verticale.

5.2.4.3  Pour les enregistrements à gravure verticale, la sélection d'une pointe adaptée répond à des critères différents de ceux correspondant à un disque à gravure latérale. Plutôt que de choisir une pointe ajustée dans un espace séparant les deux parois du sillon, la lecture des cylindres et autres disques à gravure verticale exige le choix d'une pointe qui s'adaptera au mieux au fond du sillon. Ceci est critique pour les cylindres à gravure directe car, même avec une force d'appui très faible, un mauvais choix de forme de pointe est à l'origine d'une dégradation de la surface. Généralement, on préférera une pointe sphérique, surtout si la surface est endommagée, même si une pointe elliptique permet d'éviter les fréquences générées par l'erreur de piste. Typiquement, pour les cylindres standards (100 sillons/pouce), les tailles de pointes sont comprises entre 230 µm (9 mil) et 300 µm (11,8 mil) et pour les cylindres de 200 sillons/pouce, la taille est comprise entre 115 (4,5 mil) et 150 µm (5,9 mil). Les cylindres doivent être lus avec une pointe dont le rayon de courbure de l'extrémité est légèrement inférieur à celui du fond du sillon. Une pointe tronquée va endommager le sillon car la force d'appui s'exerce davantage sur les bords de celui-ci plutôt que la pointe elle-même, ce qui induit une augmentation de la pression sur ces parties du sillon.

5.2.4.4 Quand vient le moment de prendre des décisions d'équipement, la connaissance du contenu d'une collection donnée servira de guide principal pour définir le type de matériel nécessaire. Différents types de supports demanderont évidemment différents types d'équipements de lecture, mais même pour des supports semblables des besoins d'expertise spécifiques peuvent apparaître. ,  

5.2.4.5 En général, les appareils  historiques ne peuvent être utilisés, essentiellement du fait de leur qualité audio limitée, et, dans le cas des lecteurs de cylindres, du fait d'une force d'appui trop importante en comparaison de celle d'un lecteur moderne. Certains cylindres problématiques ne peuvent être lus avec un lecteur moderne doté d'un asservissement du déplacement de la tête de lecture par la pointe qui suit le sillon. Un tel dispositif s'avère pratiquement incapable d'assurer le suivi de piste de la pointe, de faire en sorte qu'elle racle régulièrement le sillon. Le problème peut-être résolu en utilisant un lecteur moderne à avance fixe ou bien un lecteur historique modifié.

5.2.4.6 Les disques de transcription radio ont un diamètre de 16 pouces. Si de tels supports sont présents dans une collection, il faudra se procurer une platine comportant un plateau tournant et un bras pour des disques de cette taille. Pour les disques standards de 12 pouces, une platine moderne de précision modifiée pour faire varier la vitesse sera nécessaire.

5.2.4.7 Les matrices négatives (ou stampers) servant à la production en masse de disques dupliqués peuvent être jouées si un stylet à double pointe est disponible. Ce type de pointe à double corps se place à califourchon sur la crête du sillon-relief (négatif du sillon gravé) ; il doit être posé soigneusement afin qu'il ne tombe pas entre les crêtes adjacentes. Comme la matrice comporte une spirale inversée par rapport au disque qu'elle va presser, elle devra tourner dans le sens contraire des aiguilles d'une montre, à l'opposé de celui du disque pressé afin de lire le programme du début à la fin. Pour mener correctement cette opération, il faut disposer d'un bras coudé et monté à l'envers. Une solution beaucoup plus simple et tout aussi efficace consiste à lire la matrice dans le sens horaire, depuis la fin jusqu'au début du programme, puis d'inverser l'enregistrement numérisé en utilisant un logiciel d'éditing de haute qualité.

5.2.4.8 Il est extrêmement difficile de se procurer des stylets bi-pointes. Deux catégories sont produites, à savoir : les pointes de faible compliance et les pointes de haute compliance. Le premier type est conçu pour remédier aux défauts de fabrication des matrices métalliques, il n'est pas idéal pour réaliser les transferts d'archivage.  La deuxième catégorie, dont la force d'appui est significativement plus faible, est conçue pour l'extraction des signaux audio plutôt qu'à des modifications physiques du stamper. Son utilisation sera plus appropriée à cette fin.

5.2.4.9 Les platines tourne-disques et les phonographes à cylindre utilisés pour les transferts d'archives doivent être des mécaniques de précision afin de produire une transmission minimale de vibrations parasites à la surface du disque qui se comporte comme un diaphragme récepteur du pickup. Les vibrations basses fréquences, appelées rumble, ont souvent une composante verticale considérable. Pour réduire le rumble généré par des vibrations extérieures, le bâtiment dans lequel l'appareil est placé doit bénéficier de fondations stables, ne transmettant pas les vibrations de structure. La machine de lecture doit avoir une précision de vitesse de rotation d'au moins 0,1 pour cent ; le pleurage et scintillement (pondération DIN 45 507) sera inférieur à 0,01 pour cent, la valeur de rumble non pondéré restera inférieure à 50 dB. L'entraînement du plateau sera effectué par courroie ou bien par un système d'entraînement direct ; les dispositifs à friction ne sont pas recommandés car ils ne permettent pas d'atteindre une précision de vitesse suffisante et un niveau de rumble suffisamment faible.

5.2.4.10 Les câblages électriques d'alimentation secteur, le moteur électrique doivent être isolés pour prévenir l'injection de bruit électrique dans le circuit du phonocapteur. Si nécessaire, des plaques en mu-métal seront utilisées pour blinder le moteur des circuits du capteur. Les câbles de connexion au préamplificateur devront respecter les spécifications d'impédance de charge de la cellule. L'installation devra suivre les pratiques des circuits analogiques dans toutes leurs exigences, les procédures de mise à la terre observées afin qu'aucun bruit ne soit ajouté au signal audio. Toutes les suggestions énumérées ci-dessus et les spécifications devront être évaluées quantitativement en analysant le signal de sortie de disques tests (voir 5.2.8).

5.2.4.11 Les platines tourne-disques et les phonographes à cylindre devront être dotés d'un variateur de vitesse. La possibilité de disposer d'une position demi-vitesse est particulièrement souhaitable (voir 5.2.5.4). Les dispositifs de lecture disposeront, si possible, d'un indicateur de vitesse avec sortie du signal permettant l'inscription automatique de ces métadonnées. Le bras de la platine tourne-disque doit être fixé sur une embase permettant non seulement l'ajustement de la distance de celui-ci par rapport au centre de la platine, mais aussi sa hauteur.  

5.2.4.12 Afin d'être en mesure d'évaluer les équipements et les réglages qui se montreraient les plus appropriés, des comparaisons seront menées entre les différentes options. On procédera à la comparaison simultanée ou en mode A/B des différents fichiers audio préparés à l'aide d'un logiciel d'éditing choisi à cet effet. L'édition et la préparation pour l'écoute de séquences d'enregistrements obtenues avec différents paramétrages permettent des comparaisons répétées en réduisant la subjectivité du processus au minimum.   

5.2.4.13 Une décision devra être prise quant à l'application de la courbe d'égalisation avant la phase de numérisation (voir 5.2.6 Egalisation de lecture). Si nécessaire, on utilisera un préamplificateur permettant d'ajuster n'importe quel type de courbes.

5.2.4.14 Une solution alternative à la lecture par contactd'un phonocapteur consiste à scanner ou photographier à haute résolution toute la surface d’un disque ou d’un cylindre, puis à effectuer une conversion en son. Divers projets ont été développés jusqu'à une phase (quasi-) commerciale (Platine laser ELP ; IRENE de Carl Haber, Vitaliy Fadeyev  et al ; VisualAudio de Ottar Johnsen, Stefano S. Cavaglieri et al ; Sound Archive Project, P.J. Boltryk, J.W.McBride, M. Hill, A.J. Nascè, et C. Maul). Toutefois, toutes les techniques explorées jusqu'ici  rencontrent des limites (résolution optique, traitement d'image, etc.) qui, en conséquence, génèrent une qualité sonore médiocre quand on la compare avec celle obtenue avec des moyens mécaniques habituels. Typiquement, l’extraction de l’information par lecture optique est un procédé intéressant pour  les disques en très mauvais état, pour lesquels les procédés mécaniques de lecture se montrent inopérants, pour lesquels les supports se montrent si fragiles que les procédés de lecture traditionnels provoqueraient des dégradations inacceptables.


3. 1 mil = 0,001" (1/1000 de pouce)

5.2.5 Vitesse

5.2.5.1 Malgré la désignation des disques de laque à sillon large par le vocable "78t", dans bien des cas de tels disques ne sont pas enregistrés rigoureusement à la vitesse 78 t/mn, tout particulièrement ceux qui ont été enregistrés avant le milieu des années 1920. A différentes époques, certaines sociétés d'enregistrement fixaient des vitesses officielles variables, des vitesses qui pouvaient même varier selon l'ingénieur du son et les circonstances pendant la session d'enregistrement. Nous manquons de place ici pour discuter des différentes options, sujet traité par ailleurs de manière détaillée (voir par exemple Copeland 2008, Chapitre 5).

5.2.5.2 Lors des transferts, il est impératif de lire le disque à une vitesse aussi proche que possible de celle de l'enregistrement afin d'extraire les événements sonores d'origine d'une manière aussi fidèle et objective que possible. Toutefois, des décisions subjectives doivent être souvent prises. A cette fin, la connaissance du contenu enregistré ou du contexte de l'enregistrement peut-être utile. La vitesse de lecture choisie devra être documentée dans les métadonnées d'accompagnement. Ceci est particulièrement important lorsqu'un doute subsiste quant à la vitesse réelle d'enregistrement.

5.2.5.3 La vitesse d'enregistrement des cylindres moulés commercialisés s’est normalisée à 160 t/mn vers 1902, même si avant cela Edison (au moins) avait appliqué des standards de vitesse qui n’ont pas perduré (tous inférieurs à 160 t/mm ; voir Copeland 2008, Chapitre 5). Même si de nombreux cylindres à gravure directe ont été enregistrés à 160 t/mn environ, on trouve des exemplaires enregistrés à des vitesses comprises entre 50 et 300 t/mn. En l'absence d'un diapason enregistré sur le cylindre (comme cela a été réalisé par certains preneurs de son de la première époque), il conviendra de régler la vitesse de lecture à l'oreille et de l'indiquer dans la documentation d'accompagnement.

5.2.5.4 Lire un disque ou un cylindre à vitesse réduite peut améliorer la précision de lecture lorsque le support est en mauvais état. Différentes manières de faire peuvent être tentées en fonction du matériel utilisé, mais on veillera tout particulièrement aux conséquences de cette procédure sur le taux d'échantillonnage du fichier numérique lors de la compensation de la vitesse, aussi le taux d'échantillonnage devra-t-il être choisi dans ce but. La lecture à mi-vitesse peut-être la plus simple solution, lorsqu'elle est associée à un taux d'échantillonnage double pour produire des transferts à vitesse corrigée avec un minimum de distorsion provoquée par la conversion du taux d'échantillonnage. Il convient de noter que la lecture à vitesse réduite n'est qu'un moyen, parmi d'autres, de résolution des problèmes de suivi de piste. Il peut-être utile d'essayer d'autres procédures à commencer par le réglage de la force latérale "antiskating" qui évite le saut de la pointe, et améliorer les conditions de suivi de celle-ci dans le sillon.

5.2.5.5 Si les conditions de vitesse réduite peuvent augmenter le niveau de bruit de surface par rapport à celui généré à la vitesse d'origine, elles sont aussi propices à une plus grande efficacité du système de filtrage, numérique ou autre. Lire à vitesse réduite implique que les fréquences sont divisées par deux alors que le temps de montée de l'impulsion indésirable provoquée par les défauts de l'état de surface reste le même et peut donc ainsi être plus facilement discriminé. Toutefois, des dispositifs de filtrage prédictif très élaborés peuvent être moins efficaces pour des vitesses non originales. Les copies à faible vitesse doivent être réalisées sans aucune égalisation, donnée introduite ci-dessous (voir 5.2.6).

5.2.6 Egalisation de lecture

5.2.6.1 L'égalisation est devenue possible avec l'introduction de l'enregistrement électrique ; elle est aussi devenue une nécessité. A l'enregistrement, l'égalisation consiste à accentuer ou à réduire la fréquence du signal, l'opération inverse de réduction ou d'accentuation est ensuite effectuée à la lecture. Contrairement au processus d'enregistrement acoustique, de telles procédures sont devenues possibles avec l'enregistrement électrique grâce aux circuits que comportent les systèmes d'enregistrement et de lecture. L'égalisation est devenue une nécessité car la manière dont le son est représenté sur le disque ne permet pas d'obtenir une échelle dynamique ou une réponse fréquentielle telle que le permet la technologie électrique, il doit être enregistré autrement.

5.2.6.2 Le son peut-être enregistré sur un disque de deux manières : "à vitesse constante" ou "à amplitude constante". Le premier cas s'applique lorsque la vitesse latérale de la  pointe reste constante quelle que soit la fréquence. Un disque acoustique enregistré dans des conditions idéales comporterait une vitesse constante sur toute la surface disponible. En conséquence, l'amplitude du signal serait inversement proportionnelle à la fréquence, ce qui signifie que les hautes fréquences seraient enregistrées avec de faibles amplitudes et les basses fréquences avec de grandes amplitudes. Les différences d'amplitude peuvent être très importantes. Ainsi, le rapport d'amplitude correspondant à des fréquences distantes de 8 octaves atteint 256:1. A basse fréquence, la vitesse constante, qui implique une excursion du sillon excessive, ne peut convenir car elle réduit l'espace d'enregistrement disponible d'une part et  peut provoquer des sauts inter-spires d'autre part.

5.2.6.3 On parle d'amplitude constante, d'autre part, lorsque l’amplitude reste la même quelle que soit la fréquence. Bien qu'elle soit la plus adaptée pour l'enregistrement des basses fréquences, l'amplitude constante ne peut convenir pour les fréquences élevées car la vitesse latérale du stylet à la gravure ou la lecture devient si importante qu'elle introduit des distorsions. Pour surmonter le dilemme provoqué par ces deux approches, les disques enregistrés électriquement sont gravés à amplitude plus ou moins constante aux fréquences basses et à vitesse constante aux fréquences élevées. La transition entre les deux régimes est définie par la fréquence dite de "turnover" (voir tableau 5.2).

5.2.6.4 Grâce à l'évolution des technologies d'enregistrement, des fréquences de plus en plus aiguës peuvent être gravées, mais leur amplitude, de plus en plus réduite, atteint le niveau des irrégularités de surface. De telles fréquences très élevées dont l'amplitude est comparable au bruit de surface, on dit qu'elles ont un rapport signal sur bruit médiocre. Pour surmonter cette difficulté, les fabricants de disques ont commencé à amplifier le signal des fréquences les plus élevées de telle manière qu'elles soient, parfois, enregistrées à amplitude constante. Les fréquences élevées sont enregistrées à vitesse constante jusqu'à un certain seuil au-delà duquel l'enregistrement est effectué à amplitude constante. La transition est appelée Roll-off Turnover HF (voir tableau 5.2). Cette égalisation des fréquences les plus élevées améliore le rapport signal sur bruit, elle est habituellement désignée par le terme de préaccentuation dans la phase d'enregistrement et par le terme de désaccentuation dans la phase de lecture.

5.2.6.5 Les phonolecteurs dynamiques ou magnétiques couramment utilisés sont des transducteurs de vitesse, le signal de sortie peut-être directement branché sur un préamplificateur standard si souhaité. Les systèmes de lecture piézo-électriques et optiques sont des transducteurs d'amplitude. Dans ce cas, une égalisation générale de pente de 6 dB par octave doit être appliquée, la différence entre les modes d'enregistrement à vitesse constante et à amplitude constante suivant cette loi.

5.2.6.6 Le processus d'enregistrement des disques acoustiques n'intègre pas, de manière délibérée, de préaccentuation (et l'on sait pourtant que les ingénieurs maîtrisaient les réglages des différentes phases d'enregistrement). Dans de telles conditions  d'enregistrement, le spectre du disque acoustique fait apparaître des pics de résonance de l'amplitude et des affaiblissements concomitants. Il n'est pas possible d'appliquer une égalisation de compensation standard du fait des résonances dues au pavillon, au diaphragme, et d'autres facteurs mécaniques, ces éléments pouvant varier d'un enregistrement à l'autre, y compris au cours d'une session. Dans ce cas, les enregistrements devront être lus à "plat", c'est-à-dire sans égalisation. Celle-ci devra être appliquée après opérations de transfert.

5.2.6.7 Pour transférer un disque enregistré électriquement, il est nécessaire de décider soit d'appliquer une courbe d'égalisation, soit de réaliser une copie plate. Lorsque la courbe de préaccentuation d'origine est connue avec précision, une égalisation correspondante peut-être appliquée avant transfert à l'aide d'un préamplificateur, ou bien après copie plate avec des moyens numériques. En cas de doute à propos de la courbe d'égalisation qu'il conviendrait d'adopter précisément, on réalisera une copie plate. Les versions numériques peuvent ensuite utiliser les courbes qui sembleraient les plus appropriées pour autant que le processus soit bien documenté, la version plate est conservée en tant que fichier master d'archive. Que l'égalisation soit appliquée ou non pendant le transfert initial, le bruit et la distorsion du signal analogique (depuis la pointe de lecture jusqu'au convertisseur analogique - numérique) doivent impérativement être maintenus au niveau le plus faible.

5.2.6.8 Il est intéressant de noter que la copie plate nécessitera une marge de la plage dynamique supérieure de 20 dB environ à celle correspondant à un transfert effectué avec égalisation. Toutefois, l'échelle dynamique d'un convertisseur numérique-analogique de 24 bits, supérieure même à celle de l'enregistrement original peut, par sa qualité, satisfaire à cette exigence de marge dynamique de 20 dB.  

5.2.6.9 Outre les limitations d'échelle dynamique mentionnées ci-dessus, le transfert d'enregistrements électriques sans désaccentuation présente un inconvénient : la sélection d'une pointe de lecture, essentiellement fondée sur une appréciation auditive sera plus difficile, pour ne pas dire impossible à conduire pendant l'écoute de séquences sonores. Une approche pratiquée par certains services d'archives consiste à appliquer une courbe standard, ou une famille de courbes correspondant à chaque type d'enregistrement pour sélectionner une pointe et effectuer d'autres réglages, puis de réaliser simultanément une copie plate et une copie avec égalisation numérique. Comme la courbe d'égalisation n'est pas toujours connue précisément, la copie plate 4 présente l'avantage d'offrir aux futurs utilisateurs la possibilité d'appliquer des égalisations à volonté, cette approche est préférable.

5.2.6.10  Des débats subsistent pour savoir si les outils de réduction du bruit qui éliminent clics audibles, sifflements etc. sont plus efficaces lorsqu'ils sont utilisés avant ou après application d'une courbe d'égalisation. La réponse variera probablement en fonction du choix spécifique des outils, de la nature des travaux à accomplir, et des événements susceptibles de changer, comme l'évolution continuelle des outils. A cet égard, le point le plus important concerne l'équipement de réduction du bruit, qui, bien que entièrement automatisé et sans possibilité de paramétrage de la part des utilisateurs, utilisera en fin de compte des processus subjectifs et irréversibles, et ainsi ne devra pas être utilisé lors de la création de fichiers de masters d'archives.  

5.2.6.11  Le relevé complet de toutes les décisions prises, du choix des équipements, de la cellule et pointe, du bras et de la courbe d'égalisation utilisée (ou bien absence d'égalisation) doit être enregistré et conservé dans les métadonnées.

5.2.6.12 Présentation des principales courbes d'égalisation en mode lecture.

Courbe d'égalisation disques 78t électriques sillon large Turnover BF 5 Roll-off Turnover HF (-6 dB/octave sauf indication) Roll-off @ 10 kHz
Acoustics 0   0 dB
Brunswick 500 Hz (NAB)   0 dB
Capitol (1942) 400 Hz (AES) 2500 Hz -12 dB
Columbia (1925) 200 Hz (250) †5500 Hz (5200) -7 dB (-8,5)
Columbia (1938) 300 Hz (250) 1590 Hz -16 dB
Columbia (Eng.) 250 Hz   0 dB
Decca (1934) 400 Hz (AES) 2500 Hz -12 dB
Decca FFRR (1949) 250 Hz 3000 Hz* -5 dB
early 78t (mi années 30) 500 Hz (NAB)   0 dB
EMI (1931) 250 Hz   0 dB
HMV (1931) 250 Hz   0 dB
London FFRR (1949) 250 Hz 3000 Hz* -5 dB
Mercury 400 Hz (AES) 2500 Hz -12 dB
MGM 500 Hz (RIAA) 2500 Hz -12 dB
Parlophone 500 Hz (NAB)   0 dB
Victor (1925) 200–500 Hz †5500 Hz (5200) -7 dB (-8,5)
Victor (1938–47) 500 Hz (NAB) †5500 Hz (5200) -7 dB (-8,5)
Victor (1947–52) 500 Hz (NAB) 2120 Hz -12 dB

Tableau 1 Section 5.2 Courbes d'égalisation des disques à sillon large (78t) 6

* Pente de 3 dB/octave. Une pente de 6 dB/octave ne devrait pas être utilisée à ces fréquences, si elle peut fournir une lecture satisfaisante à 10 kHz, l'atténuation roll-off qui débuterait à une fréquence incorrecte (6800 Hz) resterait incorrecte pour toutes les autres fréquences.
† Simple recommandation d'une valeur roll-off permettant d'obtenir un son plus naturel. Le niveau HF amplifié est probablement dû aux pics de résonance du microphone et non aux caractéristiques d'enregistrement.


4. "Plat" désigne généralement le signal non égalisé en sortie d'une cellule à vitesse constante.

5. Pour les définitions de "Turnover" et "Roll-off", voir Tableau 2, Paragraphe 5.3, note en bas de page.

6. Réf : Heinz O. Graumann : Schallplatten-Schneidkennlinien und ihre Entzerruhg, (Caractéristiques d'enregistrement et égalisation des disques Gramophone) Funkschau 1958/Heft 15/705-707. Le tableau ne comporte pas toutes les courbes pour chaque utilisation. D'autres courbes de référence varient légèrement de certaines décrites ici. Les recherches sur ces questions se poursuivent et s'il le souhaite, le lecteur peut les comparer avec d'autres résultats, tels ceux présentés par Powell & Stehle ou Copeland, chapitre 6, etc.

5.2.7 Corrections des erreurs d'alignement du matériel d'enregistrement (de gravure)

5.2.7.1 Dans l'idéal, tout désalignement de l'outil de gravure devrait se retrouver dans celui de la pointe de lecture afin que celle-ci observe au plus près le mouvement du burin pour extraire aussi précisément que possible l'information du sillon. Plusieurs facteurs interviennent dans le désalignement du burin graveur, la plupart d'entre eux restant difficiles à identifier, quantifier et corriger. Toutefois, une erreur d'alignement, la plus courante, est un peu plus facile à identifier et à traiter. Elle survient lorsqu'un burin plat a été monté hors de son axe principal, ce qui provoque un décalage des deux canaux quand on lit le disque avec une pointe elliptique centrée. Si la pointe elliptique ne peut être orientée pour compenser l'angle de coupe (par une mise en place adaptée de la tête de lecture), l'utilisation d'une pointe conique peut contribuer à améliorer les conditions de lecture, avec cependant un possible compromis dans la réponse en haute fréquence. Il est possible également de remédier ultérieurement au décalage grâce à des procédés numériques, le transfert d'archivage étant effectué.

5.2.8 Disques de calibration

5.2.8.1 La calibration d'un dispositif audio consiste à appliquer un signal défini et à mesurer les caractéristiques spectrales du signal correspondant en sortie du système. Un préamplificateur / égaliseur peut-être calibré avec un signal d'entrée constant, de fréquence variable avec adaptation de l'impédance de charge. La mesure est effectuée en traçant (ou en enregistrant) le signal de sortie en fonction de la fréquence. Des dispositifs automatiques sont disponibles. Concrètement, le signal d'entrée provient de la cellule, transducteur qui convertit une énergie mécanique en un signal électrique, aussi avons-nous besoin d'un signal de calibration mécanique. A l'époque de commercialisation des enregistrements mécaniques, les disques tests étaient réalisés pour cela. L'Audio Engineering Society (AES), via son comité de normalisation (Standardisation Committee), a lancé un projet de développement et de publication de plusieurs séries de disques tests, à la fois de disques à sillon large et de microsillons. Le jeu de disques de calibration 78 t/mn "Calibration Disc Set for 78 rpm Coarse Groove Reproducers, AES Cat. N° AES-S001-064" est disponible sur le site de l'AES. http://www.aes.org/publications/standards/calibration.cfm  

5.2.8.2 Lorsque la calibration au moyen de disques tests est réalisée avec une résolution suffisante, la courbe obtenue peut être considérée comme la fonction de transfert du phonocapteur ou de la combinaison phonocapteur-préamplificateur-égaliseur. L'observation de la courbe permet à l'opérateur de détecter de graves déficiences, elle fournit en outre les bases d'un filtre numérique qui peut être appliqué au signal issu du disque mécanique afin qu'il soit indépendant du phonolecteur utilisé (du préampli et de l'égaliseur). Il suffit de s'assurer qu'aucune modification n'a été apportée entre les conditions d'utilisation du disque test et celles des disques mécaniques à  transférer (et dans l'idéal s'assurer que les dispositifs d'enregistrement qui reçoivent les deux types de signaux se comportent bien de la même façon). (Pour plus de détail, voir Brock-Nannestad 2000). 

5.2.9 Dictaphones de bureau

5.2.9.1 Dès leur création, les technologies d'enregistrement du son ont été commercialisées pour des applications de soutien aux tâches de bureau. Trois grandes catégories de dictaphones mécaniques peuvent être définies, à savoir les cylindres, les disques et les rubans (voir 5.4.15 pour les machines à dicter magnétiques).

5.2.9.2 Les cylindres et systèmes d'enregistrement de bureau des débuts sont généralement les mêmes que ceux utilisés pour d'autres applications : les enregistrements sont réalisés sur des cylindres de longueur standard de 105 mm (4 1/8") (voir 5.2.4.3). Cependant, des cylindres conçus spécialement pour des applications de bureau ont été construits pendant de nombreuses année par Columbia (devenu Dictaphone) et Edison, qui ont produit des cylindres d'une longueur d'environ 155 mm (61/8 inch) portant 160 et 150 sillons/pouce respectivement (Klinger 2002). Quelques machines à dicter sur cylindre enregistrés électriquement ont été produites par la suite, mais on sait peu de chose aujourd'hui sur la préaccentuation utilisée.

5.2.9.3 La plupart des formats de disques gravés ont été lancés après la deuxième guerre mondiale, y compris le Voicewriter d'Edison et l'Audograph de Gray. Si de nombreux formats nécessitent des équipements de lecture particuliers, les disques souples de dix sept pouces Voicewriter Edison peuvent être lus sur une platine standard équipée d'un d'adaptateur d'axe US et d'une pointe microsillon. Les vitesses d'enregistrement de ces disques sont généralement inférieures à 33 1/3 t/mn.

5.2.9.4 Au début des années 1940, des formats d'enregistrement de type ruban apparaissent. Il s'agit essentiellement de manchons de plastique souple ajustés sur un dispositif de double mandrin pour l'enregistrement et la lecture. Le plus célèbre de ces dispositifs est peut-être le Dictaphone Dictabelt. La souplesse du manchon permettait de les aplatir pour le stockage et la distribution, un peu comme pour d'autres fournitures de bureau, mais une telle opération provoquait souvent des plis permanents, et donc des difficultés pour l'ingénieur chargé d'effectuer les lectures. On sait qu'une augmentation prudente et progressive de la température du manchon et du dispositif de lecture peut être efficace à cet égard, cependant le succès de cette procédure dépendra, entre autres, de la nature du matériau plastique utilisé. Des lecteurs spéciaux sont indispensables pour lire de tels formats.

5.2.10 Le facteur temps

5.2.10.1 Un transfert complexe peut prendre facilement 20 heures pour produire 3 minutes d'enregistrement sonore (taux de 400:1). La durée moyenne de transfert, qui est de 45 minutes pour 3 minutes de son (taux de 15:1), représente le temps passé pour la recherche des réglages corrects des équipements et le choix de la pointe, sur la base de l'analyse de l'enregistrement qui transmet son époque et son historique de stockage. Certains services d'archives ayant une expérience en la matière avancent que, pour le transfert de cylindres se trouvant dans un état moyen et non cassés, deux personnels techniques (un expert et un assistant) peuvent transférer 100 cylindres par semaine (taux de 16 : 1 environ). Bien entendu, l'expérience acquise améliore à la fois le taux de transfert et l'aptitude et l'estimation du temps requis.   

5.2.10.2 La numérisation peut paraître coûteuse et exigeante considérant les tâches à accomplir, l'équipement nécessaire, l'expertise et les heures-hommes considérables nécessaires pour transférer le son et créer les métadonnées essentielles. Toutefois, ces investissements initiaux en termes d'efforts et de ressources seront compensés par des bénéfices à long terme, des économies dans la bonne gestion de préservation de données de masse qui réduiront fortement les coûts récurrents d'accès, de duplication et de migration. On notera ici le facteur crucial de l'entretien du fonds d'archives qui sera discuté en détail notamment dans le chapitre 6. L'extraction du signal dans sa qualité optimale depuis le support original, tel que défini dans ce chapitre, constitue une composante essentielle de cette stratégie.

5.3. Reproduction d'enregistrements sur microsillon (LP)

5.3.1. Introduction

5.3.1.1 Les microsillons (Long Play - LP) ont fait leur apparition vers 1948, disques vinyles souples pressés, salués pour leur qualité "incassable" en comparaison avec les disques précédents, en laque rigide (facilement cassable).      

5.3.1.2 Le développement du disque vinyle s'accompagne de la normalisation des caractéristiques industrielles. Les sillons étaient gravés à raisons de 300-400 par inch [12-16 par mm] contrairement aux 100 sillons / inch [4 sillons / mm] environ pour les disques de laque, avec un burin graveur de taille et de forme standard monté sur un tour à graver animé d'une vitesse de 331/3 t/mn. Des disques de 17 cm (7 inches), simples (Single) ou maxi (Extended Play) sont lus à 45 t/mn et dans certains cas  à 33 t/mn. Dans des cas exceptionnels, des disques de plus grande dimension ont été réalisés pour être lus à 16 2/3 t/mn afin de contenir un programme de parole d'une durée pouvant atteindre 60 mn par face. Les caractéristiques d'égalisation variaient encore selon les compagnies, (voir Tableau 2 Section 5.3 Tableau d'égalisation des disques microsillon antérieur à 1955). Toutefois, de nombreux préamplis prennent en charge ces différences. Finalement, une entente s'est établie au sein de l'Association RIAA (Record Industry Association of America) sur une courbe qui s'est largement répandue et normalisée dans l'industrie.         

5.3.1.3 La commercialisation des disques stéréophoniques a débuté en 1958 environ, de nombreux enregistrements ont alors été produits dans les 2 versions mono et stéréo. Les 2 flancs sont disposés à angle droit et inclinés à 45° par rapport à la verticale. Le flanc intérieur du sillon comporte l'information du canal gauche, le flanc extérieur comporte l'information correspondant au canal droit, l'enregistrement s'effectuant perpendiculairement à la paroi correspondante. Cette disposition reste la norme, bien que, lors de son lancement, un nombre limité de disques stéréo aient été réalisés avec une technologie combinant composante verticale et latérale, une approche rapidement abandonnée. Les pickups stéréo peuvent être utilisés pour lire aussi bien les disques mono sur stéréo, mais lire un disque stéréo avec un pick-up mono provoquera une sévère dégradation du sillon.

5.3.2 Sélection de la meilleure copie

5.3.2.1 Comme pour les supports mécaniques et autres formats obsolètes (voir Section 5.2.2 Sélection de la meilleure copie), la sélection est d'abord effectuée visuellement, pour la vitesse et pour éviter l'usure. Le personnel devra avoir une bonne connaissance des codes et des identifiants placés par les différentes compagnies tout au bord de l'étiquette. Ils peuvent révéler des versions alternatives plus tardives en matière de prises, remasterings ou de pressages. Lors de la sélection des meilleures copies pour conduire la numérisation, on tiendra compte des coopérations avec d'autres collections.

5.3.2.2 Les espaces de travail doivent bénéficier d'un éclairage parallèle indirect alors que la lumière produite par des tubes fluorescents fixés en hauteur peut masquer les phénomènes d'usure. La qualité de la lumière doit mettre clairement en évidence les zones qui relèvent d'une forte modulation de celles qui relèvent d'une usure. Si on dispose de 2 copies seulement présentant différentes caractéristiques d'usure, il conviendra de les retenir et de les transférer toutes deux.

5.3.3 Nettoyage et restauration des supports

5.3.3.1 Les disques microsillons devront être manipulés avec le plus grand soin, on fera en sorte de ne jamais toucher les sillons avec les doigts. La sueur et autres traces déposées par la peau peuvent produire du bruit par eux-mêmes, mais aussi, attirer et fixer les salissures à la surface du disque, provoquer le développement de moisissures et champignons avec pour conséquence l'augmentation du bruit lors de la lecture. Des gants de coton devront être portés lors de la manipulation des disques. Si l'utilisation de gants n'est pas pratique, les disques devront être retirés (et replacés) de leur pochette de telle manière que l'extrémité des doigts soit placée sur l'étiquette et la base du pouce sur le bord, laissant ainsi la plage libre de tout contact.     

5.3.3.2  La poussière, ennemie de tous les enregistrements sonores, est un problème majeur pour les disques microsillons, ceci pour 2 raisons : la finesse des sillons est telle que la dimension des particules sera du même ordre que celle de la pointe, ce qui provoquera des clics et des tocs. Le caractère électrostatique du vinyle augmente l'attraction de la poussière à la surface du disque. Divers dispositifs commerciaux ont été développés en vue de neutraliser les charges statiques, depuis les brosses à fibres de carbone jusqu'aux "pistolets" piézoélectriques qui "tirent" des charges neutralisantes sur la surface du disque avec un succès tout relatif.

5.3.3.3 La méthode de nettoyage des disques la plus efficace consiste à les laver. Des dispositifs, telle la machine Keith Monks bien connue, déposent un film de produit de nettoyage à la surface du disque, celui-ci sera ensuite éliminé avec les particules fixées dans le sillon à l'aide d'un dispositif d'aspiration se déplaçant sur toute la surface du disque. Une autre méthode consiste à laver le disque, évitant l'étiquette, avec de l'eau déminéralisée additionnée d'un détergent doux ou bien d'un agent mouillant non-ionique tel que le Cétrimide  (n-acétyl chloro pyridine) dilué (1 pour cent) qui possède en outre des propriétés anti fongiques et anti bactériennes. On peut alors brosser le disque à l'aide d'un pinceau à poils doux selon un mouvement circulaire, évitant toujours la zone de l'étiquette, puis rincer une nouvelle fois avec de l'eau distillée. Les dépôts de matière grasse sur les disques vinyles peuvent être éliminés avec de l'alcool isopropylique. Les disques non-vinyle pouvant être attaqués par l'alcool, des précautions devront être prises pour s'assurer que ce solvant ne risque pas de dégrader de tels disques.

5.3.3.4 Lorsque l'on ne dispose pas de leur composition chimique, les solutions de nettoyage ne seront pas utilisées. Toute décision d'utilisation de solvants ou autres produit de nettoyage devra être prise par le responsable des archives avec les conseils techniques avisés de restaurateurs ou de chimistes compétents dans le domaine des matériaux plastiques.

5.3.3.5 Comme pour les supports mécaniques et autres formats obsolètes (voir 5.2.3 Nettoyage et restauration des supports), le nettoyage aux ultra-sons peut montrer une certaine efficacité. Des précautions devront être prises quant à la sélection du solvant, sachant qu'une solution de Cétrimide à 1% dans l'eau distillée peut convenir. Tout contact de l'étiquette avec le liquide étant évité, le disque sera mis en rotation lente jusqu'à ce que l'ensemble de la surface gravée soit mouillée.

5.3.3.6 La méthode la plus efficace pour réduire les effets des salissures, poussières et charges statiques consiste peut-être en une lecture du disque humecté. Par application d'une solution de Cétrimide ou par le contact d'une brosse douce humide placée devant la pointe de lecture. La réduction de défauts tels les clics et les tocs peut bénéficier de manière spectaculaire de la lecture humide, toutefois, cette méthode a pour conséquence une augmentation du bruit de surface lors des lectures suivantes effectuées "à sec". La lecture des disques mouillés avec un liquide contenant de l'alcool n'est pas recommandée car le matériau plastique utilisé pour la tige cantilever porte-pointe peut réagir chimiquement avec celui-ci, ce qui peut engendrer des conséquences fâcheuses.

5.3.3.7 Les interventions de restauration de disques les plus fréquentes concernent la planéité de ceux-ci. L'approche suivante s'applique lorsque le disque est voilé. Un four à thermostat (une étuve de laboratoire convient contrairement à un four domestique qui sera évité) est nécessaire afin de porter à une température de 55°C maximum 2 plaques carrées de verre trempé, poli et très propre de 7 mm d'épaisseur et de 350 mm de côté. Après avoir effectué un nettoyage manuel et séché le disque, celui-ci est posé sur la plaque de verre inférieure préchauffée, la plaque supérieure reste suspendue dans l'étuve. Après 1/2 heure environ, le disque est examiné, il peut avoir retrouvé sa planéité. Dans le cas contraire, l'élasticité est contrôlée pour évaluer l'état de ramollissement et apprécier expérimentalement si l'application de la plaque de verre supérieure peut avoir l'effet escompté. Le sandwich constitué est alors laissé en place pendant 1/2 heure puis la plaque supérieure est soulevée en utilisant des gants. Si le disque est parfaitement plan, le sandwich est retiré de l'étuve, posé sur un support isolant et laissé refroidir. Si la planéité n'est pas satisfaisante, on répétera la procédure en augmentant la température par intervalle de 5°C. Il ne faudra jamais appliquer de force d'aplatissement sans avoir atteint le point de ramollissement.

5.3.3.8 Le processus de redressement de la planéité des disques est utile car il rend possible la lecture de disques qui ne l'étaient pas auparavant ; toutefois, des recherches en cours portant sur les procédures de récupération de la planéité des disques montrent qu'elles peuvent engendrer une augmentation mesurable de fréquences subsoniques, mais aussi dans le domaine des basses fréquences audibles (Enke 2007). Si ces recherches ne sont pas concluantes, ce risque doit tout de même être pris en compte lorsqu'on envisage de procéder à de telles opérations sur un disque. L'analyse des effets produits par la méthode de redressement de la planéité du disque a été effectuée pour les disques vinyles mais la gamme des tests pratiqués est insuffisante et des recherches supplémentaires doivent être conduites. Il convient de mettre en balance le risque de provoquer de tels dommages avec l'avantage de pouvoir lire le disque.

5.3.4 Les équipements de lecture

5.3.4.1 Des platines de lecture optique des disques microsillons sont disponibles, elles devront être étudiées avant de sélectionner un équipement de transfert. Cependant, les phonocapteurs par contact d'une pointe, d'usage courant, appréciés pour leur simplicité sont préférés par la plupart des techniciens. La chaîne de reproduction utilisant des transducteurs par contact comporte tant de variables que la répétabilité stricte d'un transfert est impossible. Le bras de la platine, la cellule, la pointe, la force de tracking, les déformations précédentes du sillon ou son état d'usure, tous ces éléments rendent les conditions de lecture très variables. Dans une certaine mesure, même la température peut modifier les caractéristiques de la combinaison cellule / pointe. Toutefois, lorsque la lecture de microsillons s'inscrit dans les opérations de numérisation, les éléments de haute qualité constituant la chaîne de lecture depuis la pointe jusqu'à l'équipement d'enregistrement assureront les meilleures conditions de capture du son.   

5.3.4.2 Les éléments les plus importants de la chaîne de lecture sont peut-être constitués par la combinaison cellule / pointe. Les cellules à bobine mobile, considérées par certains comme étant les plus sensibles, sont coûteuses et fragiles, ce qui exclut leur utilisation sauf pour un usage domestique mené avec le plus grand soin. Une bonne cellule ayant une compliance élevée, une faible force d'appui (inférieure à 15 mN, valeur généralement désignée 1,5 g), à réluctance variable (aimant mobile) équipée d'une pointe elliptique constitue le choix le plus pratique. La gamme des pointes de lecture devra s'étendre de 25 µm (1 mil), utilisée pour les premiers disques microsillon mono, jusqu'à 15 µm (0,6 mil), et inclure les formes coniques, elliptiques et tronquées afin d'être à même de lire des disques de différentes époques et de différents états.

5.3.4.3 Une attention particulière sera donnée quant au réglage de l'angle vertical d'appui (vertical tracking angle - VTA) du système de lecture qui devrait être identique, dans l'idéal, à celui correspondant aux conditions d'enregistrement. L'angle VTA de lecture recommandé dans les années 1960 était de 15±5°, valeur modifiée en 1972 pour atteindre 20±5°. Il est toutefois impossible de contrôler l'angle VTA d'un disque donnée (à moins d'utiliser un disque test qui permet l'évaluation de la distorsion d'intermodulation d'un signal vertical). A minima, cependant, on prendra soin de régler le bras en position horizontale, parallèle à la surface du disque lorsque la force d'appui appropriée est appliquée. Ce réglage permet de s'assurer de la conformité de l'angle VTA préconisé par le fabricant de la platine. Toute variation nécessaire de position pourra alors être réalisée par abaissement ou soulèvement du bras.
 
5.3.4.4 Un autre angle doit être ajusté, l'angle tangentiel (Tangential tracking angle - TTA). Lorsque l'on utilise un bras à déplacement tangentiel, il faut s'assurer que le système est monté de telle façon que la pointe suit strictement le trajet d'un rayon. Avec un bras pivotant conventionnel, un compromis doit être trouvé pour ajuster la position de la pointe (= longueur effective du bras) à l'aide d'un gabarit, généralement fourni par le fabricant d'équipement de précision.

5.3.4.5 On utilisera un préampli de haute qualité, de faible bruit doté d'une courbe de correction normalisée RIAA. Il permettra aussi d'effectuer des transferts plats sans aucune correction. Dans le cas de transferts d'enregistrements antérieurs à 1955, le préampli devra autoriser différentes égalisation présentées dans le tableau 2 section 5.3. Des représentations graphiques d'égalisation de microsillons d'avant 1955 peuvent être nécessaires. Des préamplificateurs multi-courbes ne sont pas facilement accessibles, il peut être préférable de modifier la sortie d'un préampli standard, ou bien d'appliquer l'égalisation souhaitée par des traitements numériques d'un transfert effectué sans correction (plat).

5.3.4.6 Afin de calibrer la chaîne de reproduction, l'utilisation d'un disque test dont les caractéristiques d'enregistrement correspondent au disque à transférer est essentielle afin d'effectuer un réglage correct de la balance spectrale d'un égaliseur graphique ou paramétrique. Un disque test RIAA de précision peut être utilisé pour calibrer la chaîne pour des disques dont l'égalisation ne suit pas la norme RIAA, si les caractéristiques de la courbe de lecture de celui-ci sont connues. Se procurer un disque test est une opération qui peut s'avérer difficile ; de plus, dans le cas où celui-ci serait disponible, toute marque d'usure ne permettrait pas d'obtenir une courbe de réponse suffisamment précise, particulièrement dans le domaine des fréquences les plus élevées.

5.3.4.7 Le vaste choix d'éléments constituant la chaîne de lecture, proposés dans les années 1960 et 1970 n'est plus possible. Bien que la situation ne soit pas aussi difficile que celle les équipements pour disques 78t, le choix est devenu beaucoup plus restreint aujourd'hui. Relativement peu concernés par les problèmes de dégradation et de détérioration, les contenus des disques microsillon peuvent être inaccessibles si le matériel de lecture adapté vient à manquer. En prévision de l'avenir à moyen terme, il est recommandé de constituer un stock important de pièces de rechange et de consommables ; en outre, il est important de souligner que la durée de vie des pointes et de leurs accessoires n'est pas infinie.

5.3.5 Vitesse

5.3.5.1 L'engagement des sociétés de production en vue de disposer d'une vitesse de rotation normalisée veut répondre au problème soulevé par les premiers enregistrements. Une platine munie d'un stroboscope et d'un variateur manuel de vitesse constitue l'équipement minimum répondant à une normalisation de la lecture des disques. L'utilisation d'un dispositif d'asservissement utilisant un oscillateur à cristal est préférable.

5.3.6 Egalisation en mode lecture

5.3.6.1 La nécessité d'effectuer une égalisation et la manière dont cette procédure s'est développée font l'objet d'une présentation au paragraphe 5.2.6. L'égalisation est également utilisée lors de l'enregistrement sur microsillon, elle a été initialement développée pour atténuer le niveau des fréquences inférieures à 500 Hz environ, valeur qui représente la transition basse-fréquence (BF) en-dessous de laquelle l'enregistrement s'effectue à amplitude constante. L'égalisation effectue également une augmentation du niveau des fréquences supérieures à 2 kHz. Entre 500 Hz et 2 kHz, l'enregistrement est effectué à vitesse constante (voir 5.2.6). L'égalisation pratiquée lors du processus d'enregistrement doit être compensée à la lecture. De nombreuses firmes ont leurs valeurs propres, légèrement variables ; ainsi, pour effectuer une reproduction précise, une égalisation rigoureuse doit être appliquée (voir tableau 1 Section 5.3 ci-dessous).

5.3.6.2 Les disques réalisés à partir de 1950 environ sont conformes à ce qui est aujourd'hui connu sous le nom de courbe RIAA (Recording Industry Association of America), devenue norme  très suivie dans le monde industriel. Les caractéristiques de la courbe de lecture RIAA sont définies par une diminution de niveau de 6 dB / octave de 20 kHz à 500 Hz, un plateau entre 500 Hz et 2,12 kHz (respectivement 318 µs et 75 µs), et une diminution des aigus de 6 dB / octave à partir de 2,12 kHz. Le niveau du plateau est situé à environ -19,3 dB.

5.3.6.3 Courbes d'égalisation de lecture
 

Courbes d'égalisation  par Nom LF Roll-off LF Turnover HF Roll-Turnover (-6 dB/octave, sauf marque) Roll-off @ 10 kHz
AES 50 Hz 400 Hz (375) 2500 Hz -12 dB
FFRR (1949) 40 Hz 250 Hz 3000 Hz* -5 dB
FFRR (1951)   300 Hz (250) 2120 Hz -14 dB
FFRR (1953) 100 Hz 450 Hz (500) 3180 Hz (5200) -11 dB (-8,5)
LP/COL 100 Hz 500 Hz7 1590 Hz -16 dB
NAB   500 Hz 1590 Hz -16 dB
Orthophonic (RCA) 50 Hz 500 Hz 3180 Hz (5200) -11 dB (-8,5)
629   629 Hz (750)    
RIAA 50 Hz 500 Hz8 2500 Hz -13.7 dB

Tableau 1 Section 5.3 Courbes d'égalisation présentées par nom

 

Tableau d'égalisation pour disques microsillon avant-1955 9 LF Roll-off LF Turnover HF Roll-off Turnover
(-6 dB/octave, sauf marque)
Roll-off @ 10 kHz
Audio Fidelity   500 Hz (NAB) 1590 Hz -16 dB
Capitol   400 Hz (AES) 2500 Hz -12 dB
Capitol-Cetra   400 Hz (AES) 2500 Hz -12 dB
Columbia   500 Hz (COL) 1590 Hz -16 dB
Decca   400 Hz (AES) 2500 -12 dB
Decca (avant 11/55) 100 Hz 500 Hz (COL) 1590 Hz (1600) -16 dB
Decca FFRR (1951) pent 3dB   300 Hz (250) 2120 Hz -14 dB
Decca FFRR (1953) pent 3dB   450 Hz (500) 2800 Hz -11 dB(-8,5)
Ducretet-Thomson   450 Hz (500) 2800 Hz -11 dB(-8,5)
EMS   375 Hz 2500 Hz -12 dB
Epic (avant 1954)   500 Hz (COL) 1590 Hz -16 dB
Esoteric   400 Hz (AES) 2500 Hz -12 dB
Folkways   500 Hz (COL) 1590 Hz -16 dB
HMV   500 Hz (COL) 1590 Hz -16 dB
London (jusque LL-846) 100 Hz 450 Hz (500) 2800 Hz -11 dB(-8,5)
London International 100 Hz 450 Hz (500) 2800 Hz -11 dB(-8,5)
Mercury (jusque 10/54)   400 Hz (AES) 2800 Hz -11 dB
MGM   500 Hz (NAB) 2800 Hz -11 dB
RCA Victor (jusque 8/52) 50 Hz 500 Hz (NAB) 2120 Hz -12 dB
Vox (jusque 1954)   500 Hz (COL) 1590 Hz -16 dB
Westminster (avant 1956)
ou
  500 Hz (NAB)
400 Hz (AES)
1590 Hz
2800 Hz
-16 dB
-11 dB

Tableau 2 Section 5.3 Tableau d'égalisation des disques microsillons avant 1955


7. NAB modifiée : moins de basses en dessous de 150 Hz, nécessite un gain de 3 dB environ.

8. RIAA et NAB sont très similaires

9.Cette information provient de plusieurs sources : le tableau "Dial Your Discs" paru dans le magazine High Fidelity au début des années 1950, la compilation de R. Powell présentée sous forme de tableau, publiée dans la revue de l'ARSC, des pochettes de différents disques microsillons de la première époque. "Turnover" (col.3) est la fréquence en dessous de laquelle le niveau des basses est diminué pendant les opérations de mastering, ce qui nécessite une augmentation du niveau correspondant pendant le processus de lecture. Dans le tableau, la fréquence de turnover est accompagnée du nom de la courbe de gravure, indication fournie par la plupart des préamplis les plus anciens ; une liste de ces courbes et de leurs fréquences de turnover sont données en fin de tableau. "Roll-off" (col. 5) représente le niveau de réduction des fréquences aigües, à 10 kHz, que l'on doit exercer pendant la lecture afin de compenser la préaccentuation appliquée lors du mastering. Dans le tableau, la réduction est exprimée en dB.

5.4 Reproduction des bandes magnétiques analogiques

5.4.1 Introduction

5.4.1.1 Les technologies d'enregistrement magnétique ont accompagné chaque phase de développement de l'industrie phonographique qui, devenue populaire après la seconde guerre mondiale, allait connaître la production de masse. Les progrès technologiques firent de la bande  le premier format d'enregistrement des studios professionnels ; et les développements industriels rendirent la bande en bobine libre accessible au marché grand public. Le lancement de la Minicassette Philips en 1963 mit un outil d’enregistrement dans les mains de nombreuses personnes et il devint possible et facile à chacun d'enregistrer tout ce qui lui semblait important. Pratiquement toutes les archives sonores et bibliothèques comprennent des enregistrements sur bandes magnétiques analogiques, et PRESTO (Wright et Williams 2001) estime que les collections à travers le monde représentent quelques 100 millions d'heures d'enregistrement sur bandes analogiques, estimation que ne contredit pas l'enquête de l'IASA  sur les supports en péril (Boston, 2003). Depuis les années 1970, les responsables d'archives sonores recommandent la bande 1/4 pouce comme support d’archivage privilégié et, en dépit de leur bruit de fond caractéristique  et de l’imminence de leur dégradation chimique, certains les considèrent aujourd'hui comme un support stable. Cependant, l'arrêt programmé/imminent de la production industrielle des bandes analogiques et de leurs systèmes de lecture exige de prendre immédiatement les mesures  nécessaires au transfert de ces vastes fonds d’histoire culturelle sur un système de gestion plus viable.

5.4.1.2 Les premières bandes magnétiques ont été produites et commercialisées en Allemagne en 1935, mais c'est le marché américain qui en a assuré la popularité et la normalisation de son format après 1947. Les premières bandes ont été réalisées avec un substrat d'acétate de cellulose, procédé qui a perduré jusqu'à l'introduction du polyester (polyéthylène téréphtalate PET, commercialisé sous le nom de Mylar). Les fabricants ont produit à la fois des bandes acétate et PET comportant un liant acétate, progressivement remplacé par un liant généralement en polyester uréthane à partir de la fin des années 1960. Le fabricant BASF  a produit des bandes en PVC  du milieu des années 1940 jusqu'en 1972, tout en introduisant sa propre gamme de polyester à partir de la fin des années 1950. Si le PVC fut initialement le domaine réservé de la société allemande BASF,  3M a aussi produit des bandes PVC à partir de 1960 environ ; Scotch 311. Rares sont les bandes à support papier, elles datent de la fin des années 1940 au début des années 1950. Les bandes en cassettes ont toujours été réalisées avec du polyester. En 1939, le pigment magnétique utilisé est constitué de ϒFe2O3 appelé oxyde le plus souvent, et même si des évolutions ont été apportées notamment dans la dimension des particules, leur forme, leur dopage, améliorant ainsi les performances des bandes, réduisant le bruit, cette formulation est restée pratiquement inchangée pour toutes les bandes et les cassettes de type I. Les cassettes de type II comportent des particules CrO2 ou bien Fe3O4 dopé cobalt, celles de type III (que l'on rencontre rarement) sont constituées d'une double couche ϒFe2O3 et CrO2, le type IV enfin correspond à des pigments de métal (fer pur).

5.4.1.3 Le liant, c'est-à-dire L'ensemble des constituants qui assurent la liaison des particules magnétiques avec le substrat, est souvent identifié comme l'élément de la bande qui se montre être le plus susceptible de dégradation chimique. Cela est particulièrement vrai pour les bandes à liant polyester uréthane dont le substrat est le plus souvent en PET depuis les années 1970, même si AGFA et BASF, puis Emtec qui leur succèdera utilisent un liant à base de PVC pour la fabrication de nombreuses bandes destinées aux studios d'enregistrement et stations de radiodiffusion, notamment la 468.

5.4.2 Sélection de la meilleure copie

5.4.2.1 Généralement, les supports enregistrables tels que les bandes magnétiques ne donnent pas lieu à des copies multiples pour une génération donnée. A l'exception de la cassette, le son enregistré sur les bandes audio n'a été que rarement dupliqué, aussi les responsables d'archives sonores doivent-ils faire des choix parmi les générations. En règle générale,  il conviendrait de sélectionner en guise de meilleure version, la toute première copie - originale - en vue de constituer l'exemplaire de conservation. Seulement, la bande originale peut avoir subi des dégradations physiques ou chimiques, telle que l'hydrolyse, aussi une bande dupliquée dans les règles de l'art avant une telle dégradation peut-elle être préférable. Une bande montre rarement des signes visibles de détérioration ou de dommages aussi, lorsque des copies multiples d'un item existent, la meilleure approche consiste à dérouler soigneusement la bobine puis à l'écouter pour identifier la meilleure version.

5.4.2.2 Il convient également de prendre les décisions qui assureront la sélection de la copie la plus appropriée, la plus complète. Question primordiale lorsque les bandes sont issues d'un processus de production séquentiel tel que le mastering audio, ou bien dans le cas de la production du son d'un film cinématographique ou d'une vidéo.

5.4.3 Nettoyage et restauration du support

5.4.3.1 Nettoyage de la bande : les bandes sales ou contaminées devraient être débarrassées de toute poussière ou particules à l'aide d'une brosse souple et d'une légère aspiration avant enroulement. Les bobines déformées peuvent endommager sérieusement les bandes, surtout lorsque le mode d'enroulement rapide est enclenché, ces bobines devront donc être remplacées avant toute nouvelle action. La bande devrait être soigneusement enroulée en la guidant correctement pour la préserver de tout dommage. Si nécessaire, elle pourra ensuite être enroulée sur une machine de nettoyage équipée d'un chiffon doux ou d'un tissu qui ne peluche pas. Pratique qui peut être bénéfique seulement après traitement  de l'hydrolyse (voir ci-dessous). Sur certaines machines de nettoyage ou de restauration, la surface de la bande passe sur un biseau ou une lame afin d'en débarrasser l'oxyde. De telles machines, développées pour le recyclage de bandes enregistrées, ne sont pas recommandées pour l'archivage. Une attention toute particulière devrait être accordée aux cassettes encrassées que des machines réputées, à double cabestan, peuvent endommager pendant leur lecture. Si la tension de bande n'est pas correctement contrôlée, une boucle peut se former entre les cabestans.

5.4.3.2 Collants et amorces : de nombreuses bandes comportent des collants suite aux opérations d'éditing, ou de mise en place d'amorces. Ces collants peuvent créer des défaillances quand ils deviennent secs, ou bien lorsque la couche adhésive s'écoule. Les premiers peuvent être remplacés. Mais l'écoulement pose un problème plus sérieux. La colle peut s'étendre aux couches adjacentes et favoriser la dissolution du liant de celles-ci. Elle peut aussi provoquer l'adhésion des spires entre elles et ainsi accroître les fluctuations de vitesse. L'adhésif résiduel ancien peut-être retiré en utilisant un solvant qui ne dégrade pas le liant. Le mazout léger hautement purifié peut constituer un solvant convenable, il sera appliqué avec un coton-tige ou un tissu qui ne peluche pas. Il est conseillé d'appliquer la quantité juste nécessaire, pas plus que celle d'un coton-tige.  Comme pour tous les solvants, un test doit être préalablement effectué avec une petite quantité de produit sur une partie non utilisée de la bande. La bande traitée doit être laissée déroulée pendant quelques minutes pour parfaire les conditions d'évaporation. L'évaporation peut être accélérée par un courant d'air. Il est parfois nécessaire de remplacer ou d'ajouter une bande amorce pour être en mesure de lire la bande dans sa totalité.
 
5.4.3.3 L'hydrolyse (Sticky Shed Syndrome) : Lors de leur relecture, de nombreuses bandes réalisées à partir des années 1970 présentent des effets de dégradation du liant. Le phénomène qui rend la bande collante, souvent décrit par l'expression "sticky shed syndrome", résulte principalement d'une réaction chimique d'hydrolyse 10. Il se manifeste par des dépôts poisseux marron ou d'aspect laiteux sur les têtes et les guides fixes qui s'accompagnent de crissements et, plus généralement, d'une baisse de la qualité audio.

5.4.3.4 Les traitements suivants présentent quelques approches de réduction de la dégradation du liant :
    
5.4.3.4.1 Température ambiante et faible humidité ; L'hydrolyse implique le fractionnement d'une liaison chimique par introduction d'eau. Si une recombinaison irréversible n'a pas été provoquée par la suite, les réactions hydrolytiques seront réversibles par un simple processus d'élimination de l'eau. Ceci peut être réalisé en plaçant les bandes dans une enceinte approchant une humidité relative de 0% (HR) pendant de longues durées, atteignant plusieurs semaines. Une légère augmentation de la température peut accélérer la réaction. Les tests ont montré qu'un tel traitement, pourtant efficace dans certains cas, ne permettait pas de remédier entièrement à toutes les formes de dégradations d'une bande (Bradley 1995).

5.4.3.4.2 Rembobinage à chaud. Parfois, dans le cas de bandes sévèrement dégradées, les spires adhèrent entre elles ; un bobinage incontrôlé peut provoquer des détériorations. Dans ce cas, si l'étuvage ne peut être pratiqué, il peut être possible d'appliquer de l'air chaud directement sur la bande, sur la zone où se sont produit des collages. Et ensuite de commencer l'opération de débobinage à une vitesse contrôlée de 10-50 mm par minute. 
    
5.4.3.4.3 Température élevée, faible humidité : Une approche fréquemment adoptée dans le traitement de bandes ayant subi l'hydrolyse consiste à chauffer la bande dans une enceinte climatique portée à 50°C et 0%HR pendant 8-12 heures environ. La température de 50°C est probablement égale ou supérieure à la température de transition vitreuse 11 du liant de la bande, mais sur le long terme, les modifications qu'une telle opération peut apporter sur les caractéristiques physiques de la bande revenue aux conditions ambiantes sont incertaines. Toutefois, à court terme, ce traitement peut avoir des effets électroacoustiques favorables en procurant à la bande les conditions initiales de lecture. Les bandes devront être réenroulées plusieurs fois pour réduire les effets d'empreinte provoqués par l'élévation de température (voir 5.4.1.3.3).
    
5.4.3.4.4 Cette dernière procédure, qui offre une chance de réussite élevée, ne doit pas être menée à l'aide d'un four domestique. Ceux-ci ne disposent pas d'un contrôle de température suffisant, aussi peut-on dépasser les limites de sécurité. En outre, le régulateur thermostatique de tels fours oscille de part et d'autre de la température affichée, ce qui peut porter préjudice à la bande. Un four à micro-ondes ne devra jamais être utilisé car certaines zones localisées de la bande qui peuvent être portées à très haute température seront dégradées et ainsi leurs caractéristiques magnétiques. Il est préférable d'utiliser une étuve de laboratoire ou tout autre dispositif produisant une température basse stable. Des températures plus élevées ne devront jamais être utilisées car elles engendreraient des déformations de la bande.

5.4.3.5 L'exposition de bandes à des températures élevées et contrôlées, selon la procédure décrite ci-dessus, ne doit être entreprise qu'en cas d'absolue nécessité et pratiquée avec de grandes précautions.  

5.4.3.6 La restauration peut n'être que temporaire, le temps de lire les bandes pour les transférer. Un témoignage rapporte que le nombre de bandes hydrolysées nécessitant des traitements plus longs est en augmentation.


10. Hydrolyse : décomposition chimique produite par apport d'eau ; ou bien réaction chimique dans laquelle l'eau réagit avec l'un des composés pour produire d'autres composés.
11. Température de transition vitreuse : Température à laquelle le matériau adhésif perd sa souplesse, devient dur, rigide, comme du verre.

5.4.4 Equipement de lecture : machines à bande professionnelles

5.4.4.1 Durant des décennies, l'enregistrement et l'archivage audio se sont appuyés de manière fondamentale sur les bandes magnétiques en bobine libre, aussi l'arrêt programmé de fabrication des enregistreurs / lecteurs provoque-t-il une crise majeure au sein de la communauté archivistique du son. De rares magnétophones à bande sont encore disponibles tel Otari qui continue la fabrication d'une seule machine qui peut être qualifiée de modèle milieu de gamme de 3ème génération en comparaison de leur première gamme, et Nagra Kudelski, qui inscrit encore à son catalogue deux magnétophones analogiques portables 12.  Toutes les machines ne répondent pas aux spécifications de lecture requises (voir ci-dessous), aussi les responsables d'archives doivent-ils en vérifier les caractéristiques avant de procéder à un achat. Une autre solution consistera à se procurer du matériel d'occasion et à le remettre en état en mettant à profit l'importance du marché des magnétophones à bobines libres haut de gamme. On recommande que seules les machines les plus répandues soient retenues afin de faciliter l'acquisition de pièces détachées et les opérations de maintenance. Les caractéristiques d'une machine à bande adaptée aux services d'archives comprennent les éléments suivants :

5.4.4.2 Vitesse de lecture des bandes à bobine libre : Les vitesses normalisées sont les suivantes : 30 ips (76,2 cm/s), 15 ips (38,1 cm/s), 7½ ips (19,05 cm/s), 3¾ ips (9,525 cm/s), 17/8 ips (4,76 cm/s), et 15/16 ips (2,38 cm/s). La nécessité de disposer de ces différentes vitesses dépendra de la composition de chaque collection. Aucune machine ne fonctionne pour les 6 vitesses, mais il est possible de les couvrir toutes avec deux machines.

5.4.4.3  Les équipements d'enregistrement sur bande 1/4 pouce mono et stéréo se présentent selon 3 configurations de pistes ; pleine piste, 1/2 piste et 1/4 de piste. Des variations peuvent se produire entre la largeur de piste rencontrée et la largeur normalisée. Une bande lue à l'aide d'une tête dont la largeur est inférieure à celle de la piste effectivement enregistrée présentera une altération des basses fréquences par le phénomène connu d'effet de bord, qui réduit le rapport signal sur bruit par rapport à sa valeur nominale. Ainsi, une piste enregistrée de 2,775 mm de largeur lue avec une tête stéréo de 2 mm produira une perte de rapport signal sur bruit de 2 dB environ. L'effet de bord atteint +1 dB environ à 63 Hz à 19,05 cm/s (7½ ips) (McKnight 2001). Une bande lue à l'aide d'une tête plus large que la piste effectivement enregistrée présentera un rapport signal sur bruit légèrement affaibli ; il peut se produire un sifflement ou un signal depuis les pistes adjacentes. "Passer de 1,9 mm à 2,1 mm correspond à une augmentation de niveau de 1 dB pour ces largeurs de tête ; et lorsqu'on passe de 1,9 mm à 2,8 mm, cela correspondant  à une augmentation de 3,3 dB pour de telles largeurs." (McKnight 2001). En pratique, ces compromis sont souvent acceptables pour des petites variations de largeur de piste qui ne produisent pas de signal indésirable (on notera que les zones de la bande préalablement effacées et non enregistrées peuvent générer des niveaux de bruit plus importants). Si certaines machines peuvent comporter des têtes de lecture 1/2 piste et 1/4 piste, il peut-être nécessaire de disposer de plusieurs machines pour répondre à ces standards.

full track head configuration

  A B
IEC1 94-1
(avant1985)
6,3 mm,
(0,248 pouce)
6,3 mm,
(0,248 pouce)
NAB 1965 6,3 mm,
(0,248 pouce)
6,05 mm
(0,238 pouce)
IEC 94-6
1985
6,3 mm
(0,248 pouce)
5,9 mm
(0,232 pouce)

Fig.1, paragraphe 5.4 configuration et dimensions d'une tête pleine piste


two track and half track head configurationtwo track and half track head configuration

  A Largeur maximum enregistrée13 B C
Ampex 6,3 mm,
(0,248 pouce)
6,05 mm
(0,238 pouce)
1,9 mm
(0,075 pouce)
2,14 mm
(0,084 pouce)
IEC 94-6
1985 2 pistes
6,3 mm,
(0,248 pouce)
5,9 mm
(0,232 pouce)
1,95 mm
(0,077 pouce)
2,00 mm
(0,079 pouce)
IEC home stereo (avant 1985) 6,3 mm,
(0,248 pouce)
6,3 mm,
(0,248 pouce)
2,0 mm
(0,079 pouce)
2,25 mm
(0,089 pouce)
NAB 1965 6,3 mm,
(0,248 pouce)
6,05 mm
(0,238 pouce)
2,1 mm
(0,082 pouce)
1,85 mm
(0,073 pouce)
IEC-1 Time code
DIN mono demi-piste
6,3 mm,
(0,248 pouce)
6,3 mm,
(0,248 pouce)
2,3 mm
(0,091 pouce)
1,65 mm
(0,065 pouce)
IEC 94-6
1985 Stéréo
6,3 mm,
(0,248 pouce)
5,9 mm
(0,232 pouce)
2,58 mm
(0,102 pouce)
0,75 mm
(0,03 pouce)
IEC-1 Stéréo (pre 1985)
Mono demi-piste
6,3 mm,
(0,248 pouce)
6,3 mm,
(0,248 pouce)
2,775 mm
(0,108 pouce)
0,75 mm
(0,03 pouce)
IEC
½ pouce
12,6 mm
(0,496 pouce)
  5,0 mm
(0,197 pouce)
2,5 mm
(0,098 pouce)

Fig. 2 paragraphe 5.4 configuration et dimensions de têtes deux pistes et demi piste.


quarter track head configuration

  A B C
IEC1
NAB
6,3 mm,
(0,248 pouce)
1 mm
(0,039 pouce)
0,75 mm
(0,029 pouce)

Fig.3 paragraphe 5.4 configuration et dimensions d'une tête quart de piste.


Stereo Cassette head configuration

  A B C
IEC
Philips
3,81 mm,
(0,15 pouce)
0,6 mm
(0,02 pouce)
0,3 mm
(0,012 pouce)

Fig.4 paragraphe 5.4 configuration et dimensions d'une tête Cassette stéréo.

 


Mono Cassette head configuration

  A B
ANSI
Philips
3,81 mm,
(0,15 pouce)
1,5 mm
(0,06 pouce)

Fig.5 paragraphe 5.4 configuration et dimensions d'une tête Cassette mono.

 

5.4.4.4 Les spécifications des dimensions normalisées des têtes sont différentes en Europe et aux Etats-Unis. Au commencement, la Commission électrotechnique internationale (CEI), référence des fabricants européens, décrivait la bande à partir de l'axe central et la distance inter pistes, tandis que les normes américaines décrivaient la largeur des pistes en partant d'un bord. La largeur de la bande elle-même a changé au cours du temps, d'un quart de pouce à l'origine elle est passée à 6,25 mm ± 0,05 mm (0,246 ± 0.002 pouce) puis à 6,3 mm ± 0,05 mm (0,248 ± 0.002 pouce). La CEI définit la largeur d'enregistrement pleine piste de la manière suivante "Piste unique sur toute la largeur de la bande". (CEI 94 1968 : II), tandis que les normes américaines définissent une largeur de la piste enregistrée légèrement inférieure à celle de la bande de 0.246 pouce, soit 0.238 pouce avec une tolérance de +0.010 -0.004 pouce (solution pragmatique au problème d'usure des têtes dont la "rainure" agrandit la taille de toutes les pistes). La CEI a modifié la dimension de la largeur pleine piste pour la porter à 5,9 mm (0.232 pouce). La pluralité des largeurs de pistes présentées dans les fig. 1 à 5 témoigne d'une normalisation très relative. (Eargle 1995, Benson 1988, CEI 94-1 1968, 1981, CEI 94-6 1985, NAB 1965, McKnight 2011, Hess 2001).

5.4.4.5  Les effets produits par la lecture effectuée avec des têtes inadaptées sont discutés au paragraphe 5.4.4.3 ci-dessus. Il est important de tenter l'évaluation de la largeur de tête avec laquelle les bandes originales ont été enregistrées afin d'être en mesure de lire celles-ci avec la machine disponible la plus appropriée. Les bandes 1/2" et 1" deux pistes sont généralement enregistrées en configuration 1/2 piste à l'aide d'équipements professionnels afin d'obtenir une très bonne qualité audio analogique. Le même type d'équipement normalisé est exigé pour la lecture, ainsi qu'une grande attention pour les normes d'enregistrement / lecture dans leur détail.

5.4.4.6 Pour assurer toute la précision de lecture des bandes d'enregistrements multipistes, depuis la bande 1/4 pouce standard jusqu'à la bande 2 pouces professionnelle, on apportera tout le soin nécessaire aux opérations. Si le time code a été enregistré à part, il devra être extrait et encodé dans l'enregistrement de telle manière qu'il puisse être utilisé ultérieurement pour la synchronisation (voir 2.8 pour les formats de fichiers).

5.4.4.7 Les magnétophones devront être capable de lire des signaux avec une réponse  fréquentielle qui s'étend de 30 Hz à 10 kHz ± 1 dB, et de 10 kHz à 20 kHz + 1, -2 dB.

5.4.4.8 L'égalisation d'une machine de lecture à bande devra pouvoir être réglée sur des standards NAB ou CEI, avec la possibilité de commuter de l'une à l'autre sans devoir effectuer de réalignement.

5.4.4.9 Les fluctuations de pleurage et de scintillement non pondérées sont inférieures à 0,05% à 38,1cm/s, 0,08% à 19,05 cm/s avec un écart moyen relatif à la vitesse absolue inférieur à 0,1%.

5.4.4.10 Une machine professionnelle d'archivage devra également bénéficier d'un mécanisme de défilement délicat afin de ne pas risquer d'endommager la bande pendant les opérations de lecture. Le succès des opérations effectuées sur nombre de machines professionnelles de première génération ou un peu plus tardive dépendait des caractéristiques de robustesse des bandes de l'époque. De telles machines peuvent endommager les bandes les plus anciennes, les bandes longue durée, ou bien encore les bandes minces utilisées pour des enregistrements sur le terrain.


12. Nagra ne commercialise plus d'enregistreur à bande.

13. Largeur enregistrée maximale prenant en référence la largeur mesurée à partir du bord extérieur des pistes (voir paragraphe 5.4.4.4)

5.4.5 Equipement de lecture : appareils à cassette professionnels

5.4.5.1 Les lecteurs de cassette professionnels ne sont plus disponibles. Dans un marché d'occasion de ce type d'appareil, réduit par rapport à celui des machines à bande, la difficulté est grande de trouver des équipements appropriés. Ceci représente un problème critique pour de nombreux services d'archives sonores dont les collections comportent une quantité considérable de cassettes enregistrées. La recherche, l'acquisition de lecteurs de cassettes devraient être des actions prioritaires pour toute collection comprenant des cassettes. Les différences qui distinguent les machines professionnelles des machines grand public, en dehors des spécifications de lecture, portent sur la solidité mécanique, la possibilité d'ajuster les caractéristiques de lecture, l'azimut et la balance des sorties audio. De nombreuses machines de haute qualité pour audiophiles comportent certaines des caractéristiques mentionnées ci-dessus. Les lecteurs de cassettes adaptés aux archives comportent :

5.4.5.2 Une vitesse de lecture de 4,76 cm/s (1 7/8 ips) (on notera que les vitesses de 15/16 ips et 3 ¾ ips  peuvent aussi être utilisées pour lire des cassettes spéciales).

5.4.5.3 Une fluctuation de vitesse meilleure que 0,3%. Un pleurage et scintillement pondérés inférieurs à 0,1%.

5.4.5.4  Une réponse fréquentielle de 30 Hz à 20 kHz +2, -3 dB.

5.4.5.5 La possibilité de lire les cassettes de type I, II et IV (si nécessaire).

5.4.5.6 En mode lecture, la plupart des magnétocassettes permettent la sélection automatique de l'égalisation grâce aux trous ou encoches pratiquées au dos du boîtier qui déterminent le type de bande. Certains lecteurs ne peuvent reconnaître les encoches mais disposent d'un commutateur que l'opérateur peut utiliser  pour sélectionner l'égalisation correcte. Les bandes de type III peuvent poser un problème lorsqu'elles sont insérées dans des cassettes de type I alors qu'elles doivent être lues avec une courbe d'égalisation correspondant au type II. Lorsqu'aucune option correspondant au type III n'est présente sur l'appareil de lecture, il peut être nécessaire d'utiliser une console permettant d'ajuster la bonne égalisation ou bien de transférer la bande dans un boîtier de type II. (Voir section 5.4.12.5 Boîtiers).

5.4.6 Maintenance

5.4.6.1 Tous les équipements nécessitent une maintenance régulière pour rester en bon état de fonctionnement. Mais, étant donné la fin de production des équipements analogiques de lecture, il est nécessaire de planifier l'acquisition de pièces de rechange car les fabricants maintiendront la production de celles-ci seulement pour une durée limitée, voire très limitée.

5.4.7 Alignement (égalisation)

5.4.7.1 Les équipements analogiques nécessitent un alignement régulier afin d'assurer, dans la continuité, un fonctionnement respectant les spécifications. On recommande que les têtes et le chemin de défilement soient minutieusement nettoyés toutes les 4 heures, plus fréquemment lorsque cela est nécessaire, appliquant sur toutes les pièces métalliques un liquide adapté tel que l'alcool isopropylique. Les galets presseurs en caoutchouc devront être nettoyés à l'aide de cotons-tiges secs ou, si nécessaire, humectés avec de l'eau. Les galets presseurs en caoutchouc d'origine ou très anciens peuvent progressivement devenir friables s'ils sont nettoyés avec de l'alcool, ce qui augmente les phénomènes de pleurage et de scintillement. Les galets presseurs de nouvelle génération, en polyuréthane de couleur vert foncé généralement, peuvent se dissoudre lors des opérations de nettoyage à l'alcool. Les têtes et le chemin de défilement de la bande doivent être démagnétisés toutes les 8 heures de fonctionnement, l'alignement du chemin de défilement et des mécanismes de lecture devront être vérifiés toutes les 30 heures, l'équipement devra faire l'objet, quant à lui, d'un alignement total et d'un contrôle tous les 6 mois.

5.4.7.2 Alors que les machines et les bandes sont en fin de production, il devient difficile de se procurer les bandes tests, impossible même pour certaines d'entre-elles. Il incombe à l'archiviste de faire l'acquisition d'une quantité suffisante de bandes test en bobine libre et en cassette pour assurer le transfert de leur collection.

5.4.8 Vitesse

5.4.8.1 Même si les corrections de vitesse sont possibles aussi dans un environnement numérique, il vaut mieux éviter de telles corrections numériques et choisir soigneusement la vitesse de lecture lors du premier processus de transfert, en documentant la vitesse choisie et la justification. Il est très probable que la vitesse des magnétophones soit incorrecte à cause de l'alignement défectueux ou médiocre ou bien, dans certains cas, en raison de l'instabilité de l'alimentation électrique. En conséquence, aucune vitesse ne devra être prise pour acquise.

5.4.9 Machines sans cabestan et vitesses non linéaires

5.4.9.1 Quelques machines de première génération, conçues sans cabestan ni galets presseurs de contrôle, présentent, dans ce cas, une vitesse régulièrement croissante. Si de telles bandes sont lues sur une machine standard à vitesse constante, le diapason du signal résultant va décroître pendant toute la durée de la lecture. Pour lire correctement la bande, la vitesse doit pouvoir être modifiée de la même manière que celle de l'enregistrement. Des magnétophones parmi les plus récents, tels que ceux fabriqués par Nagra ou Lyrec, intègrent une commande externe de la tension électrique qui permet à l'opérateur de piloter les variations de vitesse correspondant aux conditions originales de défilement. Certaines machines de dernière génération, tel que la série A800 de Studer, comportent un microprocesseur autorisant la programmation du contrôle de la vitesse, d'autres, telles que Lyrec Frida permettent le contrôle de la vitesse grâce à un environnement MIDI. Toutefois, il faudra se méfier de l'hypothèse selon laquelle la vitesse augmente de manière linéaire. En ce qui concerne les premières machines dépourvues de cabestan, réalisées à prix avantageux, la vitesse variait en fonction du degré de remplissage de la bobine. L'augmentation de la vitesse est souvent moins importante en début ou en fin de bande lorsque l'une ou l'autre des bobines se remplit, aussi la représentation graphique de la vitesse de lecture en fonction du temps est-elle loin d'être linéaire.

5.4.10 Egalisation de lecture

5.4.10.1 Dans la plupart des formats audio analogiques, la représentation fréquentielle de la réponse du signal est délibérément non linéaire. Une lecture correcte exige une égalisation appropriée de la réponse fréquentielle.

5.4.10.2 Les normes d'égalisation de lecture des bandes magnétiques analogiques les plus courantes sont présentées ci-dessous (Tableau I paragraphe 5.4). On notera que les courbes d'égalisation ont évoluées au cours du temps. Les normes utilisées actuellement sont précisées dans le tableau, avec leur date de lancement. Les enregistrements antérieurs devront être lus en appliquant les normes historiques respectives ; des circuits additionnels simples peuvent être utilisés à cette fin. On tiendra compte du chevauchement des normes anciennes et nouvelles lorsque des décisions doivent être prises pour les bandes enregistrées pendant les périodes de transition. Auparavant, de nombreux standards existaient.  
 

30 ips, 76 cm/s CEI2
AES
(1981) standard actuel 17,5 μs
30 ips, 76 cm/s CCIR
CEI1
DIN
(1953–1966)
(1968)
(1962)
35 μs
15 ips. 38 cm/s CEI1
CCIR
DIN
BS
(1968) standard actuel
(1953)
(1962)
35 μs
15 ips. 38 cm/s NAB
EIA
(1953) standard actuel
1963
3180 μs 50 μs
7½ ips, 19 cm/s CEI1
DIN(studio)
CCIR
(1968) standard actuel
1965
1966
70 μs
7½ ips, 19 cm/s CEI2
NAB
DIN(domestique)
EIA
RIAA
(1965) standard actuel
(1966)
(1963)
(1968)
3180 μs 50 μs
7½ ips, 19 cm/s Ampex (domestique)
EIA (proposed)
(1967) 50 μs
7½ ips, 19 cm/s CCIR
IEC
DIN
BS
(Jusqu'en 1966)
(Jusqu'en 1968)
(Jusqu'en 1965)
100 μs
3¾ ips 9.5 cm/s CEI2
NAB
RIAA
(1968) standard actuel
(1965)
(1968)
3180 μs 90 μs
3¾ ips 9.5 cm/s DIN (1962) 3180 μs 120 μs
3¾ ips 9.5 cm/s DIN (1955–1961) 200 μs
3¾ ips 9.5 cm/s Ampex (domestique)
EIA (proposé)
(1967) 100 μs
3¾ ips 9.5 cm/s IEC (1962–1968) 3180 μs 140 μs
3¾ ips 9.5 cm/s Ampex (1953–1958) 3180 μs 200 μs
17/8 ips 4.75 cm/s IEC
DIN
(1971) standard actuel
(1971)
3180 μs 120 μs
17/8 ips 4.75 cm/s IEC
DIN
RIAA
(1968–1971)
(1966–1971)
(1968)
1590 μs 120 μs
17/8 ips 4.75 cm/s
cassette
CEI Type I 1974 standard actuel 3180 μs 120 μs
17/8 ips 4.75 cm/s
cassette
DIN Type I (1968–1974) 1590 μs 120 μs
17/8 ips 4.75 cm/s
cassette
Type II et IV (1970) standard actuel 3180 μs 70 μs
15/16 ips 2.38 cm/s non défini      

          
Tableau I Paragraphe 5.4 Normes d'égalisation courante de lecture de bandes audio analogiques 14

5.4.10.3 Aux vitesses 38 cm/s et 19 cm/s, le choix d'égalisation de lecture des bandes en bobine libre doit être fait, y compris celles enregistrées plus récemment selon les normes en vigueur. Pour ces deux vitesses, les plus pratiquées, il faut prendre soin de choisir correctement l'égalisation de lecture afin de s'assurer qu'elle correspond bien à celle d'enregistrement. Outre les normes mentionnées dans le tableau I paragraphe 5.4, d'autres normes plus courantes, peu nombreuses, sont proposées afin  d'améliorer les performances, mais elles s'écartent des normes largement acceptées. Pour la vitesse 38 cm/s, les magnétophones Nagra disposent d'une option d'égalisation spéciale dénommée NagraMaster. La version américaine de NagraMaster a des constantes de temps de 3150 et 13,5 µs, la version européenne quant à elle correspond à des constantes de temps de l'infini (∞) et de 13 µs. Ampex utilise l'égalisation "Ampex Master Equalization" (AME), également pour la vitesse 38 cm/s, mais, officiellement, seulement pour des bandes 1/2 pouce sur des machines de mastering lancées en 1958 et commercialisées pendant les années suivantes (MRL 2001). Des enregistreurs de communication et certains appareils portables grand public semi-professionnels pouvaient opérer à la très faible vitesse de 2,38 cm/s (15/16 ips). Toutefois, aucune norme d'échange n'a été définie pour ce type de bandes aussi chaque égalisation devrait-elle répondre aux conventions propriétaires.


14. Note, CEI se réfère à la norme CEI 60094-1 4ème édition, 1981, NAB à la norme NAB des bandes en bobines libres 1965 (CEI 2), ou la norme des cassettes, 1973. DIN se réfère à DIN 45 513-3 ou 45 513-4, AES à AES-1971 et BS à British Standard BS 1568. Nos remerciements à Friedrich Engel, Richard L. Hess et Jay McKnight pour leur générosité en ayant fourni les informations sur l'égalisation des bandes.

5.4.11 Réduction de bruit

5.4.11.1 Le signal enregistré sur une bande peut être encodé de manière à masquer le bruit propre au support. Un procédé connu sous le nom de réduction de bruit. Si la bande a été encodée pendant l'enregistrement, elle doit être décodée en utilisant le même type de décodage correctement aligné. Les systèmes de réduction de bruit les plus utilisés comprennent les modèles suivants : Dolby A et Dolby SR (professionnels), Dolby B et Dolby C (grand public), dbx type I (professionnel) et II (grand public) bien que peu utilisé, et TelCom.

5.4.11.2 Pour optimiser un système de réduction de bruit, l'alignement des caractéristiques d'enregistrement et de lecture d'un magnétophone est critique, ainsi, les bandes enregistrées de manière professionnelle comportent-elles souvent des signaux de référence. Le niveau de sortie ainsi que la réponse fréquentielle peuvent altérer la réponse du système de décodage, aussi faut-il souligner que le système de réduction de bruit utilisé à l'enregistrement, CEI ou NAB, doit être correctement appliqué à la lecture. Les réducteurs de bruit Dolby B et Dolby C sont habituellement compris dans la plupart des lecteurs de cassettes professionnels parmi les plus récents. Les signaux d'alignement ne sont pas utilisés pour de tels systèmes de réduction de bruit dont l'efficacité se montre moins convaincante que celle des systèmes professionnels.

5.4.11.3 Il est possible de transférer directement le son d'une bande encodée et de reporter ultérieurement les opérations de décodage, mais dans ce cas, le réglage des multiples paramètres d'alignement peut combiner les imperfections et compromettre la qualité du décodage. Il est préférable de procéder au décodage pendant le transfert.

 5.4.11.4 Sauf indications particulières, il est difficile d'estimer si une cassette a été encodée ou non avec un système de réduction de bruit. De manière analogue à la question de l'égalisation, l'absence de documentation peut conduire l'opérateur à prendre des décisions lors de l'écoute du document. Une lecture effectuée dans de bonnes conditions se caractérise par un niveau régulier du bruit de fond alors que les fluctuations de ce niveau indiquent un réglage incorrect. Un analyseur de spectre peut être utile. En l'absence de décision, la copie des cassettes devra être conduite sur le mode "plat".

5.4.12 Corrections des erreurs d'alignement provoquées par l'enregistrement

5.4.12.1 Les défauts d'alignement des équipements d'enregistrement provoquent des imperfections qui peuvent prendre de nombreuses formes. De nombreux défauts ne peuvent être corrigés, ou difficilement, toutefois, certains d'entre-eux peuvent être détectés objectivement et traités. Il est impératif de prendre des mesures de compensation dans le processus de lecture du document original concerné car aucune correction telle que celles présentées ne sera possible après transfert du signal sur un autre support.

5.4.12.2 Azimut et alignement du chemin de défilement : un alignement incorrect de la tête d'enregistrement de la machine d'enregistrement originale signifie qu'à la lecture, le signal extrait présentera une réduction de la réponse des hautes fréquences ainsi que, dans le cas d'une bande 2 pistes ou plus, une altération de phase entre les canaux. L'ajustement de l'angle de la tête de lecture pour que celle-ci soit dans le même plan que l'état magnétique de la bande est appelé ajustement d'azimut, un réglage simple de celui-ci peut améliorer de manière significative la qualité et l'intelligibilité du signal récupéré. La formation du personnel pour cette action ne présente pas de difficulté particulière ; une bonne écoute binaurale constitue tout l'équipement technologique nécessaire. Un phasemètre de précision ou un oscilloscope aidera l'ajustement des bandes convenablement enregistrées en mono ; ils peuvent cependant, être trompeur pour des bandes enregistrées à l'aide d’un magnétophone bon marché, grand public. Dans ce cas, il conviendra de s'appuyer sur l'appréciation auditive des hautes fréquences. Un programme d'analyse spectrographique en temps réel peut être utilisé en permanence ou par intermittence. Pour tout transfert de bandes magnétiques, l'ajustement d'azimut doit être une opération de routine.

5.4.12.3 Les systèmes de traitement numériques peuvent corriger les déphasages du signal (souvent décrits par la correction d'azimut), toutefois, de telles procédures ne permettent par de récupérer les hautes fréquences perdues. Les ajustements d'azimut doivent être pratiqués dès le commencement du transfert de la bande originale.

5.4.12.4 L'alignement vertical des têtes d'un enregistreur original peut présenter un obstacle à la bonne reproduction d'un signal. C’est le cas particulièrement pour des enregistrements réalisés à partir de matériel amateur ou grand public. Afin d'obtenir une représentation visuelle de l'alignement des pistes sur la bande enregistrée, la procédure suivante devra être respectée : protéger des sections de bandes enregistrées à l'aide d'une feuille très mince de Mylar ou autre matériau similaire transparent. De la poudre ou une suspension de matériau ferromagnétique formée de particules inférieures à 3 µm est projetée sur la feuille transparente. Les propriétés magnétiques d'une section enregistrée de la bande permettent ainsi de visualiser les pistes. Un marquage soigneux de séries de lignes calibrées sur la feuille transparente favorisera la détection d'erreurs d'alignement. De tels ajustements sont moins fréquents que les réglages d'azimut mais,  s'ils doivent être entrepris, l'équipement de lecture devra être recalibré par un technicien qualifié. Toutes les précautions devront être prises pour éviter la présence de poudre résiduelle sur la bande qui pourrait endommager les têtes lors de la lecture.

5.4.12.5 Boîtiers cassettes : Les boîtiers dans lesquelles les bandes bon marché sont insérées peuvent être à l'origine de bourrage de bande, ils peuvent générer des phénomènes de pleurage et de scintillement. Dans ce cas, il est souvent intéressant de transférer la bande dans un boîtier de haute qualité, à vis, afin de bénéficier des bonnes caractéristiques des galets, du patin assurant la pression et des feuilles de glissement.

5.4.12.6 Pleurage, scintillement et variations périodiques de la vitesse : il n'est pratiquement pas possible de réduire les variations périodiques du signal enregistré. Aussi est-il impératif de contrôler, d'aligner, d'entretenir avec prudence et minutie les machines de lecture, ceci afin d'éliminer différentes causes d'altération de la vitesse. Grâce à l'élaboration de convertisseurs A/N et de composants haute résolution, il semblerait possible de récupérer le signal de prémagnétisation haute fréquence depuis la bande magnétique analogique pendant le transfert pour effectuer les correction de pleurage et de scintillement. Toutefois, de nombreuses difficultés doivent être surmontées pour y parvenir, dont le manque de dispositif permettant d'extraire de tels signaux haute fréquence et la fiabilité toute relative du signal de prémagnétisation. Il est peu probable qu'une telle procédure, longue et  complexe, qui ne suscite guère de progrès substantiels, puisse être mise en œuvre, et si tel était le cas, elle le serait pour un nombre limité de bandes, produites dans des circonstances particulières.

5.4.13 Suppression d'artefacts du signal dus au stockage

5.4.13.1 Dans la plupart des cas, avant d'entreprendre les opérations de numérisation, il est préférable de minimiser les défauts du signal produits pendant le stockage. A propos de l'enregistrement magnétique analogique linéaire, par exemple, l'effet d'empreinte est un phénomène redouté bien connu. La réduction de ce signal indésirable peut être entreprise seulement sur la bande originale.

5.4.13.2 Effet d'empreinte 15: L'effet d'empreinte est un transfert involontaire du champ magnétique d'une spire d'une bande analogique sur une autre spire de la bobine. Il se manifeste par des pré et des post échos du signal principal. L'intensité du signal de copie est fonction de la longueur d'onde, de l'épaisseur des couches de la bande, mais essentiellement de la coercivité 16 des particules de la couche magnétique. Presque tous les effets de copie se produisent immédiatement après enregistrement et enroulement de la bande en bobine. L'accroissement de l'effet d'empreinte diminue avec le temps. Ultérieurement, des augmentations significatives du phénomène se produisent seulement par des changements de température. Quand la bande est stocké couche d'oxyde face au centre du noyau, cas le plus courant, l'effet de copie produit sur la spire extérieure à la spire portant le signal principal est plus intense que celui produit sur la spire située côté centre du noyau. En conséquence, il a été souvent recommandé de conserver les bandes "pieds dehors" ; dans ce cas, les post échos plus intenses que les pré-échos, sont moins perceptibles. Les normes d'enregistrement radiophoniques allemandes spécifient que les bandes devront être enroulées oxyde vers l'extérieur ; dans ce cas, le raisonnement inverse s'applique, les bandes seront donc archivées "tête devant".

5.4.13.3 Les signaux produits par l'effet d'empreinte peuvent être réduits en procédant au déroulement de la bobine avant lecture, ceci grâce au "phénomène de magnétostriction". Des essais systématiques ont montré qu'il était toutefois judicieux de rembobiner la bande au moins trois fois pour obtenir un résultat probant (Réf. Schüller 1980). Dans le cas où le signal d'empreinte de niveau très élevé ne réagit pas au procédé de rembobinage, certaines machines permettent l'application d'un signal de prémagnétisation 17 de faible intensité pendant la lecture de la bande. Cette opération peut annuler l'état magnétique des particules de faible coercivité, réduisant ainsi l'effet de copie. Mais elle peut aussi avoir un effet sur le signal principal, en particulier en cas de "surexposition", aussi cette méthode ne doit-elle être utilisée qu'en dernier recours et avec le plus grand soin.

5.4.13.4 La réduction de l'effet d'empreinte sur la bande originale ne pourra plus faire l'objet de traitement par la suite. Une fois copié, le signal d'empreinte fait partie intégrante du signal souhaité.

5.4.13.5 Syndrome du vinaigre et bande acétate cassante : En vieillissant, les bandes acétate deviennent cassantes, ce qui peut rendre la lecture du ruban délicate compte tenu des risques de rupture. Cette fragilité provient d'un processus de dégradation chimique qui se manifeste lorsque les liaisons moléculaires des composés acétate se rompent et libèrent de l'acide acétique à l'origine de l'odeur caractéristique de vinaigre. Les bandes acétate cassées peuvent être raboutées avec un collant sans aucune perte ou dégradation du signal car, grâce à leur fragilité, elles ne subissent aucune élongation. Toutefois, les bandes cassantes sont sujettes à une grande variété de déformations qui perturbent le contact tête-bande indispensable à l'extraction optimale du signal. Si le principe de re-plastification peut sembler avantageux, un tel processus n'est pas encore disponible. Il convient de prévenir les archivistes des processus chimiques qui, dans certains cas, peuvent non seulement compromettre la survie de la bande, mais aussi contaminer le matériel de lecture et ainsi d'autres bandes utilisées sur ces machines. Au lieu de cela, il est recommandé de lire de telles bandes à l'aide d'une machine récente permettant une tension plus faible du ruban. Ceci constitue un compromis acceptable entre les précautions à prendre avec des bandes fragiles et l'application d'une tension suffisante pour obtenir le meilleur contact tête-bande possible.

5.4.13.6 Mémoire de forme de la bande : Des bandes polyester ou en PVC enroulées et entreposées dans de mauvaises conditions peuvent aussi subir des déformations. Souvent, le ruban mémorise une telle déformation qui compromet le contact tête-bande, ce qui réduit la qualité du signal. Des enroulements répétés suivis de phases de repos peuvent atténuer le phénomène.


15. Ou effet de copie.

16. Coercivité ; valeur de l'intensité du champ magnétique nécessaire pour annuler la magnétisation d'un matériau ferromagnétique porté à saturation.

17. Prémagnétisation ; signal de haute fréquence appliqué avec le signal audio pendant l'enregistrement afin de réduire le bruit de bande. Inventé par Weber en 1940.

5.4.14 Enregistrements sur fil

5.4.14.1 Si le principe de l'enregistrement sur fil a bien été démontré à la toute fin du 19ème siècle, et plusieurs modèles de machines à dicter prototypes réalisés dans les années 1920 et 1930 (voir 5.4.15 ci dessous), l'enregistreur à fil ne rencontrera pourtant un succès populaire qu'à partir de 1947 environ.

5.4.14.2 La vitesse des enregistreurs à fil n'étant pas normalisée, elle variait d'un fabricant à l'autre, et même, selon les circonstances, d'un modèle à l'autre. Après 1947, toutefois, la plupart des fabricants se sont ralliés à la vitesse standard de 24 ips (61 cm/s) et à la taille de la bobine de 2¾ pouces (7cm). Les enregistreurs à fil ne comportaient pas de cabestan, aussi la vitesse changeait-elle à mesure que la bobine réceptrice se remplissait. La dimension de la bobine réceptrice est déterminante pour assurer une lecture correcte du fil, elle est le plus souvent liée à une machine spécifique du fabricant. La bobine réceptrice est généralement une pièce fixe de la machine. La plus grande popularité de l'enregistreur à fil se situe entre le milieu des années 1940 jusqu'au début des années 1950, période qui coïncide avec le développement et le lancement de l'enregistreur à bande, dont la technologie avancée rendit rapidement l'enregistreur à fil obsolète. Même à sa grande époque, l'enregistrement à fil reste surtout réservé à l'usage du grand public, même si certains exemplaires ont été produits à des fins commerciales.  

5.4.14.3 Bien que l'enregistrement sur fil soit rapidement tombé en disgrâce, les bobines sont restées, quant à elles, disponibles jusque dans les années 1960 dans des boutiques spécialisés. Les dimensions des premières bobines étaient grandes en comparaison des modèles 7 cm dont l'usage devait se généraliser. Certains fils datant surtout du début de l'histoire de l'enregistrement, étaient faits en acier au carbone plaqué ou enduit, et peuvent aujourd'hui être corrodés et difficiles à lire. Cependant, de nombreux fils se trouvent en excellent état. Réalisés en acier inoxydable avec 18 % de nickel et 8 % de chrome, ils ne se sont pas corrodés.

5.4.14.4 Le principe des appareils d'enregistrement sur fil est relativement simple, aussi la fabrication d'une machine de lecture est-elle possible. Toutefois, la complexité du système qui doit effectuer un enroulement et une lecture corrects du fil sans enchevêtrement ni cassure nous oriente vers l'utilisation d'une machine originale, mais il est intéressant de noter que certains experts ont modifié des machines à bande pour lire des fils. En cas d'utilisation de machines originales, il est recommandé de réviser les circuits électroniques audio afin d'obtenir les meilleures performances, ou, de préférence, remplacer ceux-ci par des circuits comportant des composants électroniques modernes (Morton 1998, King : n.d.)

5.4.15 Formats des machines à dicter de bureau

5.4.15.1 Durant les décennies qui ont suivi la seconde guerre mondiale, de nombreux formats de machines à dicter de bureau apparaissent. Leur conception répond aux contraintes des bureaux qui diffèrent des autres conditions d'environnements d'enregistrement audio : taille et poids réduits, facilité d'utilisation et vitesse variable sont les éléments prioritaires, généralement au détriment de la qualité. De manière générale, les systèmes à dicter peuvent être classés en formats à bande et formats sans bande.

5.4.15.2 Dans ce contexte, la bande comprend différentes formes : fils (voir 5.4.14 ci-dessus), bobines, cassettes. Certains modèles peuvent être relus directement en utilisant des équipements standards (sachant que des bobines de cassettes hors standard peuvent être transférées dans des coques standards pour être relues) tandis que d'autres formats ne peuvent l'être qu'avec des appareils de format spécifique. Si on a le choix, deux approches sont possibles. L'une implique l'utilisation d'équipements standards, de spécifications précises, de maintenance relativement aisée, mais dont la compatibilité peut être incorrecte en ce qui concerne la largeur de bande, la configuration de tête, la vitesse de lecture, l'égalisation, la réduction de bruit, etc. L'autre approche assure une plus grande compatibilité entre support et lecteur, mais certainement au prix de spécifications peu précises et d'une maintenance ésotérique des équipements originaux aux formats particuliers. Les formats à bande peuvent être subdivisés : vitesse linéaire et vitesse non linéaire. La première catégorie présente moins de problèmes lorsque la lecture est effectuée à l'aide d'équipements conventionnels ; les bandes de la deuxième catégorie peuvent être également lues dans de telles conditions, mais des ajustements de la vitesse seront nécessaires (voir 5.4.9).

5.4.15.3 Les formats hors bandes comprennent un nombre surprenant de supports : disques, rubans, tambours et feuilles, tous revêtus d'une couche magnétique enregistrée et lue au moyen de têtes similaires, dans leur principe, à celles de la bande. Avec un minimum d'expertise, du temps, et donc des financements, il est possible de fabriquer des appareils pour certains de ces formats, comprenant des composants plus courants de lecteurs à bande. Dans de nombreux cas toutefois, il peut être plus pratique de localiser une machine de lecture originale ou de contacter un spécialiste disposant du matériel permettant de réaliser les prestations.

5.4.16 Le facteur temps (ratio temporel)

5.4.126.1 Le temps nécessaire à la copie des enregistrements sonores est extrêmement variable, il dépend directement de la nature et du statut des supports originaux. L'opération de lecture réelle du support ne représente qu'une partie du processus de transfert qui comprend le rembobinage, l'évaluation, les réglages et la documentation. Un document même bien documenté, sur bande analogique de bonne qualité d'une durée de 1 heure demandera qu’on y consacre en moyenne deux fois plus de temps pour mener à bien son transfert sur support numérique. Au milieu des années 1990, le groupe de travail des archives de la radio ARD (Arbeitsgemeinschaft der Rundfunkanstalten Deutschlands) a considéré qu'il s'agissait d'une estimation optimiste, postulant un ratio de transfert de 3 (1 opérateur, 3 heures de travail pour 1 heure d'enregistrement) pour réaliser le transfert d'archives typiques de leur station radio. Les bandes qui présentent un défaut, qui nécessitent rénovation ou restauration, une évaluation, l'addition de métadonnées, prendront davantage de temps pour que soient menées à bien les opérations de conservation, de transfert et d'entretien.

5.4.17 Détection automatique du signal, chargement automatique (avantage et inconvénient)

5.4.17.1 Il est recommandé de pratiquer l'écoute active systématique de toutes les bandes lorsque les transferts de conservation sont entrepris. Cependant, pour répondre à la quantité brute du contenu des enregistrements qui doivent être transférés et conservés, les fabricants de système d'archivage numériques ont développé des méthodes de contrôle automatique et de détection de défauts de signaux pour rendre possible des transferts sans surveillance. Les gains de temps sont manifestes car un opérateur peut entreprendre simultanément plusieurs transferts. Les systèmes eux-mêmes semblent atteindre leur meilleur rendement sur des collections dont le contenu est en grande partie homogène, enregistré dans de bonnes conditions et sur des supports stables pouvant être traités de manière identique. Il est dès lors bien naturel que les systèmes de chargement automatique de masse les plus satisfaisants aient été développés ou implémentés par les services d'archives de radiodiffusion qui possèdent des contenus de qualité en grande partie homogène, de vastes collections et des ressource suffisantes pour construire, gérer et entretenir de tels systèmes. Pour les enregistrements nécessitant des traitements individuels, ce qui est généralement le cas de la plupart des collections patrimoniales et de recherche, les bénéfices que l'on peut attendre d'un système automatique ne sont pas aussi grands.

5.5 Reproduction des supports magnétiques numériques

5.5.1 Introduction

5.5.1.1 Dans les conditions optimales, les bandes numériques peuvent générer des copies identiques au signal enregistré ; toutefois, toute erreur incorrigible se manifestant lors des opérations de lecture sera enregistrée de manière permanente dans la nouvelle copie, ou bien encore, produira des interpolations inutiles qui se retrouveront inscrites dans les données d'archives ; aucune de ces conséquences n'est souhaitable. L'optimisation de la procédure de transfert est à même d'assurer la transmission des données dans l'état le plus proche de l'information se trouvant sur le support d'origine. Par principe général, il est stipulé que les originaux devront toujours être conservés afin que des consultations ultérieures restent possibles ; pour autant, et pour deux raisons simples et concrètes, tout transfert devra assurer une extraction optimale des données à partir de la meilleure copie- source. Premièrement, le support original peut se détériorer, empêchant toute future lecture de produire une qualité équivalente, voire la rendre impossible ; deuxièmement, les durées d'extraction du signal sont telles que les conditions économiques imposent l'optimisation dès la première opération.

5.5.1.2 Les bandes magnétiques, supports d'information numérique, ont été utilisées dans l'industrie de l'informatique depuis les années 1960, mais leur utilisation en tant que support audio numérique ne s'est banalisée qu'au début des années 1980. Dans un premier temps, les systèmes associant un dispositif d'encodage des données audio et un enregistreur de celles-ci sur une bande vidéo ont été utilisés pour réaliser des enregistrements deux pistes ou bien des bandes master de production de Compact Discs (CD). Techniquement parlant, de nombreux supports de ce type sont anciens, aussi les enregistrements doivent être transférés d'urgence sur des supports de stockage plus stables.

5.5.1.3 Tout transfert de données numériques audio doit respecter la recommandation essentielle suivante : le processus doit être entièrement effectué dans le domaine numérique sans recourir à la moindre conversion analogique. Pratique relativement simple pour les technologies les plus récentes qui comportent les interfaces normalisées d'échange de données audio telles que AES/EBU ou S/PDIF. Les technologies des premières générations peuvent nécessiter des modifications pour atteindre ces conditions idéales.

5.5.2 Sélection de la meilleure copie

5.5.2.1 Contrairement aux copies d'enregistrements audio analogiques, qui produisent d'inévitables pertes de qualité provoquées lors du passage d'une génération à la suivante, les processus d'enregistrements numériques peuvent avoir différents degrés de qualités depuis les copies dégradées du fait du ré-échantillonnage ou de conversion standard, jusqu'aux "clones" identiques qui peuvent même prétendre à une meilleure qualité que l'original (grâce aux corrections d'erreurs). Pour choisir la meilleure source, des appréciations doivent être fournies à propos des standards audio tels que l'échantillonnage,  le taux de quantification, ainsi que d'autres spécifications incluant les métadonnées intégrées. En outre, la qualité des données de copies stockées qui peut s'être dégradées au fil du temps doit être évaluée par des mesures objectives. En règle générale, la source d'une copie doit être choisie en fonction de l'absence d'erreurs produites lors de la lecture, ou d'un minimum d'erreurs.     
 
5.5.2.2 Enregistrements uniques : Les enregistrements originaux : multisessions, enregistrements sur le terrain, bandes contenant les informations de service, enregistrements au studio-domicile (home recordings), bandes son de film ou vidéo, bandes master, toutes ces sources peuvent  contenir des documents sonores totalement ou partiellement uniques. Le matériel sonore inédit peut-être plus ou moins exploité en comparaison du produit finalisé édité, selon l'usage des enregistrements archivés.  Le responsable de la collection doit faire les choix qui garantissent la sélection de la version la plus complète et la plus appropriée.   Les enregistrements réellement uniques ne font l'objet d'aucun choix de la part de l'archiviste. Lorsqu'il n’y a qu’une seule version d'un document sonore  au sein d'une collection, il est important de savoir si un autre exemplaire existe   ailleurs. Il est possible d'épargner du temps et des problèmes si d'autres copies existent, de meilleure qualité ou bien de format plus pratique.     

5.5.2.3 Enregistrements avec copies multiples : Les principes de conservation stipulent que les copies d'une bande numérique doivent être, dans l'idéal, des répliques parfaites du contenu d'un media avec toutes les métadonnées enregistrées sur le document numérique original. Toute copie numérique conforme à cette recommandation constitue une source valable pour effectuer la migration de  l’essence vers de nouveaux systèmes numériques de conservation.

5.5.2.4 En pratique, les conversions standards, les ré-échantillonnages, les corrections d'erreurs ou d'interpolation 18 peuvent provoquer des pertes de données ou produire des distorsions sur les copies.  Les dégradations dues au temps  affectent la qualité des enregistrements originaux et des copies  successives. En conséquence, les copies peuvent être différentes en fonction de l'enregistrement source choisi. Les coûts peuvent aussi varier en fonction du format physique ou de l'état du matériel source.

5.5.2.5 Déterminer la meilleure copie-source implique  tenir compte des normes d'enregistrement utilisées pour réaliser les copies, de la qualité des équipements, des processus utilisés, des conditions physiques et de la qualité des données des copies disponibles. Dans l'idéal, cette information est documentée et facilement disponible. Dans le cas contraire, les décisions seront prises sur la connaissance des intentions et de l'histoire des différentes copies.

5.5.2.6 Duplications sur supports semblables : dans ce contexte, la meilleure source sera celle dont la copie comportera les données de meilleure qualité. Habituellement, le premier choix se porte sur la copie numérique à l'identique la plus récente. Les premières générations de copie numérique à l'identique peuvent constituer une alternative si les versions plus récentes ne sont pas satisfaisantes du fait de dégradation ou de mauvaises conditions de réalisation.   

5.5.2.7 Copies différentiées par les supports ou les standards : Les processus de production ou de conservation peuvent conduire à la constitution de copies multiples sur bandes numériques de différents formats. La meilleure source devra être identique aux standards de l'original, avoir la meilleure qualité possible et être enregistrée dans le format qui soit le plus pratique pour la duplication. Un avis est demandé lorsque l'une de ces conditions ne peut être respectée.

5.5.2.8 Vis-à-vis des exemplaires numériques issus d'enregistrements analogiques encore existants, l'option d'une nouvelle numérisation peut-être retenue lorsque les copies numériques disponibles ont été réalisées dans un standard inférieur, lorsque leur qualité ou leur état motive une telle décision.


18. Le masquage d'erreurs ou l'interpolation correspond à une estimation du signal original lorsque la corruption de données ne permet pas la reconstruction fidèle du signal.

5.5.3 Nettoyage, restauration des supports

5.5.3.1 Par leur composition et leur fabrication, les bandes magnétiques numériques sont similaires aux autres types de bandes, elles connaissent les mêmes problèmes physiques et chimiques. Les bandes numériques peuvent atteindre de fortes densités grâce à l'utilisation de bandes fines, à la taille réduite des pistes magnétiques, et à la réduction permanente de la taille des domaines magnétiques écrits et lus. En conséquence, des dégradations ou contaminations même mineures peuvent avoir un impact considérable sur les conditions de récupération du signal. Toute détérioration, dommage  ou contamination se manifeste par une augmentation des erreurs. Les problèmes de restauration des supports, les techniques employées sont analogues pour toutes les bandes magnétiques, mais le substrat, le liant et les matériaux magnétiques étant sujets à des développements incessants, toute procédure de restauration devra être testée et validée spécifiquement pour chaque média.

5.5.3.2 Les machines de nettoyage du commerce, disponibles pour les bandes magnétiques en bobines libres et pour la plupart des formats de bandes vidéo numériques couramment utilisées se montrent efficaces pour les bandes peu dégradées ou contaminées. Le nettoyage effectué à l'aide d'un aspirateur ou d’une brosse peut être prescrit pour les bandes fortement dégradées ou très fragiles ; mais il exige des précautions pour éviter la détérioration des bandes fragiles et des mécanismes complexes des cassettes. Potentiellement, tous les procédés de nettoyage peuvent provoquer des dommages, aussi doivent-ils être appliqués avec une attention toute particulière.

5.5.3.3 Des dispositifs mécaniques peuvent faciliter la manipulation des bandes et des boîtiers de cassettes. Ils sont commercialisés pour certains formats. Pour d'autres formats, ils peuvent être fabriqués dans des ateliers de mécaniques modestement équipés.

5.5.3.4 Les bandes  numériques dont le liant est constitué de polyester uréthane peuvent potentiellement pâtir du phénomène d'hydrolyse, de manière comparable aux bandes magnétiques analogiques. Toute action de rénovation des bandes magnétiques numériques nécessite des procédures de contrôles sévères ; les tentatives se feront uniquement dans des étuves climatiques ou dans des chambre à vide 19 (voir section 5.4.3 Nettoyage et restauration des supports). Opération qui peut-être des plus critiques pour des enregistrements numériques réalisés sur bandes généralement des plus minces insérées dans des boîtiers cassettes aux mécanismes complexes.

5.5.3.5 La dégradation des bandes magnétiques peut-être minimisée par l'adoption de conditions de stockage appropriées. Les normes de stockage à long terme des bandes magnétiques numériques sont généralement plus strictes que celles préconisées pour les bandes analogiques du fait de leur plus grande fragilité et du risque plus élevé de perte de données auquel les exposent des dégradations ou contaminations même légères. Des conditions de température ou d'humidité supérieures aux recommandations favoriseront la dégradation chimique. Les cycles de température et d'humidité produisent la dilatation et la contraction de la bande, phénomènes qui peuvent endommager le substrat. La poussière ou d'autres agents de contamination parvenant à se déposer à la surface de la bande, peuvent générer des pertes de données et présenter en outre le risque de provoquer des dégradations physiques pendant la lecture.  

5.5.3.6 Après nettoyage et / ou rénovation ou bien avant d'effectuer une opération de duplication, il peut être conseillé d'effectuer la mesure des taux d'erreurs des bandes magnétiques numériques. L'organisation des données et le type de correction d'erreurs utilisé dépendent du format de la bande. Pour les DAT par exemple, le processus de correction d'erreurs utilise deux codes Reed-Solomon  organisés selon un système croisé, horizontalement C2 et verticalement C1. En outre, une valeur est assignée à chaque bloc de données : octet de parité. Le nombre d'erreurs de parité par bloc est dénommé : erreurs CRC ou bien parfois : taux d'erreurs par bloc. Le sous-code des bandes DAT (Digital Audio Tape) est également sujet à des erreurs. Les mesures d'erreurs devront inclure, pour le moins :

5.5.3.6.1 Erreurs C2 et C1.
5.5.3.6.2 CRC ou Taux d'erreurs par bloc.
5.5.3.6.3 Erreurs salves (à partir de C1)
5.5.3.6.4 Correction SUBC1

5.5.3.7 Si la moindre mesure d'erreurs révèle un blocage d'échantillon, une interpolation ou un niveau d'erreur produisant un mute, la bande devra être nettoyée et le chemin de défilement contrôlé. Si, après nettoyage et rénovation, une erreur ou plus dépassent ces limites, on se référera au paragraphe 5.6.3 "Sélection de la meilleure copie". (Première partie).

5.5.3.8 Très peu de systèmes de mesure d'erreurs de bandes DAT ou autres supports magnétiques sont disponibles. Néanmoins, tout transfert devra inclure la mesure d'erreurs détectées par le circuit de correction d'erreurs de la machine de lecture, cette information devant être enregistrée dans les métadonnées des fichiers audio produits.


19. Les chambres à vide diminuent la pression de l'air, elles permettent de mieux contrôler la teneur en humidité.

5.5.4 Equipement de lecture

5.5.4.1 Les équipements de lecture doivent être conformes à tous les paramètres spécifiques d'un format donné. La plupart des formats de bandes numériques sont propriétaires et on compte seulement un ou deux fabricants de matériel convenable. Les équipements de dernière génération sont préférables, mais pour les formats numériques anciens ou obsolètes, il n'est d'autre choix que de se procurer des machines d'occasion.

5.5.4.2 Les enregistrements haute densité sur R-DAT (Rotary Head Digital Audio Tape) ont permis d'autres types d'applications que l'enregistrement du son. Le format DDS (Digital Data Storage), issu de la technologie DAT, a été développé par Hewlett-Packard et Sony en 1989 pour effectuer le stockage de données informatiques. L'augmentation régulière des données dans leur état d'intégrité première a suscité le développement de techniques d'extraction du signal des bandes DAT audio. Différents types de logiciels sont disponibles pour extraire les données audio et les fichiers ID de la bande séparément. Des logiciels dédiés d'extraction de données peuvent également générer des fichiers de métadonnées pour chaque programme, ils comprennent l'horloge, les positions ID de début et de fin, les durées, la taille des fichiers, les propriétés audio, etc. De plus, le format DDS permet la capture des contenus audio à vitesse double.

5.5.4.3 Néanmoins, des questions importantes telles que l'incompatibilité des formats (par exemple les différents modes de longue durée, les enregistrements haute résolution, l'extraction du time code etc.), le contrôle de l'intégrité des données, les manipulations de préaccentuation et particulièrement l'ensemble des questions concernant les problèmes mécaniques et de tracking ne sont pas encore résolues par de tels systèmes ce qui, par conséquent, nécessitera des traitements au cas par cas.

5.5.5 Caractéristiques des systèmes ordinaires : appareils à cassettes

5.5.5.1 Les R-DAT (DAT dans le langage courant) constituent le seul système utilisant un format de cassette développé de manière spécifique pour les enregistrements audio numériques. Les bandes DAT ont été largement utilisées sur le terrain et dans les studios d'enregistrement, pour la radio et l'archivage. Les équipements neufs ne sont pratiquement plus disponibles. Les machines DAT professionnelles constituent une solution, mais elles présentent des problèmes de maintenance, la fourniture de pièces détachées n'étant plus assurée.

5.5.5.2 Certains enregistreurs de dernière génération fonctionnent en dehors des spécifications, ce qui autorise des enregistrements haute résolution à 96 kHz et 24 bits (à double vitesse), l'insertion du Time Code (SMPTE) avec d'autres appareils, ou le codage Super Bit Mapping, qui utilise un principe psycho-acoustique et l'analyse par bandes critiques, procédé permettant de rendre maximal la qualité sonore de signaux codés sur 16 bits. Les enregistrements effectués sur 20 bits sont quantifiés sur 16 bits en utilisant un filtre d'erreurs adaptatif  à rétroaction. Ce filtre définit la forme de l'erreur de quantification dans un spectre optimal, il est déterminé par une fonction de masquage à court terme et par les caractéristiques isosoniques du signal d'entrée. Grâce à ces techniques, la qualité perceptive du son quantifié sur 20 bits est disponible sur un enregistreur DAT 16 bits. La qualité dans sa plénitude ne peut être atteinte que pour les signaux de fréquences inférieures à 5-10 kHz. Le Super bit mapping ne nécessite pas l'installation de décodeur particulier dans le lecteur.     
 

 

Mode d'enregistrement / lecture

Bande pré-enregistrée
(Lecteur seule)
Standard Standard Option 1 Option
2
Option 3 Piste normale Piste large
Nombre de canaux 2 2 2 2 4 2 2
Taux d'échantillonnage
(kHz)
48 44,1 32 32 32 44,1
Nombre de bits de quantification 16 (linéaire) 16 (linéaire) 16 (linéaire) 12 (non-linéaire) 12 (non-linéaire) 16 (linéaire)
Densité linéaire d'enregistrement(KBPI) 61,0 61,0 61,1
Densité surfacique d'enregistrement (MBPI2) 114 114 76
Taux de transmission (MBPS) 2,46 2,46 2,46 1,23 2,46 2,46
Capacité sous-code (KBPS) 273,1 273,1 273,1 136,5 273,1 273,1  
Modulation Conversion 8–10
Correction Double Reed-Solomon
Tracking Zone fragmentée ATF
Taille cassette (mm) 73 x 54 x 10,5
Durée enregistrement* (min) 120 120 120 240 120 120 80
Largeur bande (mm) 3,81
Type de bande Particules métalliques Oxyde
Epaisseur bande (μm) 13±1μ
Vitesse bande (mm/s) 8,15 8,15 8,15 4,075 8,15 8,15 12,225
Largeur piste (μm) 13,591 13,591 20,41 (piste large)
Angle de piste 6°22’59”5   6°23’29”4
Tambour standard Ø 30 mm Enroulement 90°    
Vitesse rotation tambour (r.p.mn.) 2000 1000 2000 2000  
Vitesse relative (m/s) 3,133 1,567 3,129 3,133 3,129
Azimut tête ±20°

Tableau 1 Paragraphe 5.5. Spécifications des différents modes d'enregistrement / lecture des DAT pour les bandes vierges et pré-enregistrées.

5.5.5.3 Le système à Cassette Philips DCC (Digital Compact Cassette) a été introduit (sans succès) auprès du grand public, il offrait une compatibilité limitée avec les Minicassettes analogiques en n'autorisant que la lecture de celles-ci. Le format DCC est maintenant obsolète.

Format Variantes Type de support Pistes audio et de données Standards Audionumé riques supportés Interface
DAT ou R-DAT Le Timecode ne fait pas partie des normes R-DAT mais peut-être implément é dans les sous-codes. Certaines cassettes DAT pré-enregistré es utilisent des bandes ME. Cassette
avec bande
3,81mm
à particules
métalliques.
Stéréo.
Les Subcodes comportent
des marqueurs
normalisés
plus des bits utilisateurs
pour des extensions
propriétaires.
16 bit PCM @ 32, 44,1 et 48 kHz AES-422
sur  machine
profession
nelle SP-DIF
standard
DCC   Cassette avec bande CrO2 3,81 Stéréo, métadonnées standards supportant un minimum de données
descriptives
PCM compression
PASC (réduction
taux 4:1)
 
Formats
Vidéo - voir
tableau 4
         

Tableau 2 Paragraphe 5.5 Cassettes audionumériques

5.5.6 Caractéristiques des systèmes ordinaires : formats de bandes à bobines libres

5.5.6.1 SONY et Mitsubishi ont  produit chacun des systèmes numériques à bandes en bobines libres pour le marché des studios d'enregistrement,  et NAGRA a produit un format quatre pistes, le NAGRA-D.

5.5.6.2 Le système DASH de Sony/Studer (Digital Audio Stationary Head - Tête stationnaire audio numérique) présente de nombreuses variantes à partir des formats communs de l'enregistrement des pistes numériques sur bandes. DASH-I propose 8 pistes numériques sur bande 1/4 pouce et 24 pistes numériques sur bande 1/2 pouce, DASH-II propose 16 pistes numériques sur bande 1/4 pouce et 48 pistes numériques sur bande 1/2 pouce. Les formats Twin DASH, couramment utilisés pour les enregistrements numériques stéréo sur bande 1/4 pouce, utilisent deux fois plus de pistes de données pour chaque canal audio ; ceci permet d'augmenter la capacité de correction d'erreurs au point de pouvoir utiliser des collants pour l'éditing. Les formats à basse vitesse doublent la durée d'enregistrement par répartition de chacun des canaux audio sur les multiples pistes de données, une disposition qui réduit de moitié le nombre de pistes audio disponibles.

5.5.6.3 Nagra assure le suivi du NAGRA-D, Sony le DASH et Mitsubishi Pro-Digi, des formats qui ne sont plus fabriqués. Ces formats sont / étaient conçus pour un usage professionnel haut de gamme, ce qui en a rendu la maintenance extrêmement coûteuse

Format Variantes Type de support Pistes audio et de données Standards Audionumériques supportés Interface
DASH Trois vitesses F (Fast/rapide)
M (Medium/moyenne)
S (Slow/lente)
Bande ¼” ou ½” Jusqu'à 48 pistes audio plus piste de contrôle 16 bits à 32 kHz, 44,1 kHz ou 48 kHz AES/EBU SDIF-2 interface MADI
  DASH-I (simple densité) et DASH-II
(double densité)
       
  Deux largeurs de
bande Q (quart de pouce) et H (demi-pouce)
       
Mitsubishi Pro Digi Stéréo Bande ¼”   32 kHz, 44,1 kHz ou 48 kHz. 20 bits ou 16 bits (avec redondance renforcée pour faciliter l'éditing ciseaux à 38 cm/s 16 bits (redondance normale) à 19 cm/s. AES/EBU interface propriétaire
multi-canal
  16 pistes Bande ½”   32 kHz, 44,1 kHz ou 48 kHz. 16 bits  
  32 pistes Bande 1”   32 kHz, 44,1 kHz ou 48 kHz. 16 bits  
NAGRA-D   ¼” MP 4 pistes audio. Métadonnées renforcées incluant
la TOC et l'enregistrement d'erreurs intégré.
4 pistes jusqu'à 24 bits 48 kHz. 2 pistes à 24 bits 96 kHz. AES/EBU

Tableau 3 Paragraphe 5.5 Formats bobines libres

5.5.7 Caractéristiques des systèmes ordinaires : Formats liés aux bandes vidéo

5.5.7.1 Il existe deux variantes dans cette catégorie : les systèmes utilisant les cassettes vidéo standard VCR avec encodage des données numériques audio au standard du signal vidéo, et les systèmes utilisant les bandes vidéo en tant que support de stockage de signaux audio numériques avec formats propriétaires.

5.5.7.2 Pour sa part, Sony a produit une gamme de formats utilisant les systèmes VCR pour assurer le stockage de données large bande. Par la suite, Alesis a introduit le système ADAT utilisant des vidéocassettes S-VHS de grande capacité pour le stockage de données audionumériques dans un format propriétaire, et Tascam le système DTRS avec la vidéocassette Hi8.

5.5.7.3 les formats faisant appel aux enregistreurs vidéo étaient réalisés sur la base de dispositifs qui incorporaient les convertisseurs A-D et D-A, les contrôles audio avec indicateurs, et les traitements logiciels nécessaires à l'encodage du flux de données dans la forme d'onde vidéo. Les systèmes professionnels Sony ont été réalisés de manière spécifique pour l'audionumérique dans le standard NTSC (525/60) noir et blanc sur machine VCR U-Matic. Les séries de systèmes semi-professionnels PCM-F1, 501 et 701 fonctionnaient dans les meilleures conditions avec les enregistreurs Sony Betamax, tout en étant généralement compatibles avec des formats Beta et VHS. Ces séries de machines supportaient les standards PAL, NTSC et SECAM.

5.5.7.4 La copie d'enregistrements effectués sur VCR nécessite un modèle VCR du bon standard, ainsi que l'interface propriétaire correspondante. Des systèmes à compatibilité ascendante existent habituellement dans les séries indiquées, aussi l'achat d'un équipement de dernière génération devrait-il faciliter la lecture du plus grand nombre d'enregistrements sources. Certains adaptateurs PCM d'appareils au format vidéo ne disposent que d'un seul convertisseur A/D pour les deux voies stéréo, un délai se produit alors entre les deux canaux. A la lecture des bandes, lors de l'extraction des données audio, le retard du dispositif de traitement du signal devra être corrigé numériquement. Les transferts ne doivent être réalisés qu'avec des équipements possédant une sortie numérique.

5.5.7.5 Certains enregistreurs numériques de première génération ont réalisé des encodages dont les fréquences d'échantillonnage sont devenues singulières avec le temps, 44,056 kHz par exemple (voir tableau 4 Paragraphe 5.5). Il est recommandé de stocker les fichiers résultant de la duplication au même niveau d'encodage que celui dans lequel ils ont été créés. Des précautions devront être prises afin de s'assurer que les systèmes automatiques ne confondent pas la fréquence d'échantillonnage réelle (i.e. un flux audio de 44,056 kHz peut-être reconnu comme étant de 44,1 kHz, ce qui altèrera le diapason et la vitesse de l'enregistrement original). Un deuxième fichier à taux d'échantillonnage courant peut être créé pour les utilisateurs en utilisant un logiciel de conversion approprié. Néanmoins, le fichier original devra être gardé en mémoire.

5.5.7.6 Certains accessoires de systèmes d'enregistrement VCR grand public peuvent apporter des extensions fonctionnelles complémentaires qui améliorent le contrôle du signal, des erreurs, et permettent l'insertion d'entrées et sorties professionnelles.

5.5.7.7 Les systèmes VCR sont obsolètes, aussi conviendra-t-il d'acquérir les équipements nécessaires sur le marché d'occasion.

Format Variantes Type de support Pistes audio et de données Standards Audionumériques supportés Interface
EIAJ Sony PCM-F1 PCM-501 et systèmes PCM-701 Signal Vidéo : PAL, NTSC ou SECAM possibles VCR grand public, habituellement Betamax ou VHS. Rares exemples de bande vidéo en bobine libre ½ pouce Audio stéréo Standard 14 bits, le hardware Sony permet l'échantillonnage (correction moindre d'erreurs) 44,056 kHz pour système NTSC, 44,1 kHz pour système PAL sur 16 bits Entrée et sortie ligne analogique standard. Entrée/sortie (I/O) numérique possible avec équipement complémentaire
Sony PCM1600 PCM1610  PCM1630   U-Matic - noir et blanc 525/60 (NTSC) Audio stéréo plus codes PQ Compact Disc Timecode sur piste audio linéaire U-Matic 16 bits 44,1 kHz Système propriétaire Sony. Canaux Audionumériques séparés Gauche et Droite plus mot-horloge.
DTRS (1991)   Format propriétaire sur cassettes vidéo Hi8   16 bits 48 kHz Enregistrement optionnel 20 bits sur certains systèmes SP-DIF ou AES/ EBU
ADAT (1993)   Système propriétaire sur cassettes S-VHS     SP-DIF ou AES/ EBU

Tableau 4 Paragraphe 5.5 Enregistrement Audio numérique sur bande vidéo - Systèmes courants

5.5.8 Optimisation lecture

5.5.8.1 L'identification précise du format et des caractéristiques détaillée de la source sonore est essentielle pour assurer une reproduction optimale, opération rendue complexe par la variété des formats dont les caractéristiques physiques apparemment semblables ne rendent pas compte des différents standards d'enregistrement. Les machines devront être régulièrement nettoyées et alignées pour obtenir le meilleur signal dupliqué. Chaque paramètre contrôlé par un opérateur, par exemple la désaccentuation, devra être réglé en relation avec l'enregistrement original. Pour les formats VCR, le tracking vidéo peut nécessiter un ajustement afin d'obtenir le signal de meilleure qualité ; la compensation de drop-out du signal doit-être désactivée.

5.5.9 Corrections des erreurs provoquées par un alignement défectueux du matériel d'enregistrement

5.5.9.1 Les défauts d'alignement du matériel provoquent des imperfections d'enregistrement, qui peuvent prendre des formes différentes. Si de nombreuses imperfections ne peuvent être corrigées ou difficilement, un petit nombre d'entre-elles peuvent être automatiquement détectées et corrigées. Il est impératif de prendre les mesures de compensation dans le processus de lecture des documents originaux concernés car aucune amélioration ne sera possible après transfert du signal sur un autre support.

5.5.9.2 L'ajustement des équipements de lecture des bandes magnétiques numériques visant à remédier à l'alignement défectueux des enregistrements exige un personnel et un équipement de niveau d'expertise technique élevé. L'alignement des têtes tournantes avec le chemin de bande peut-être effectué sur la plupart des machines professionnelles. Pour les enregistrements sur DAT notamment, ceci peut permettre une amélioration significative des corrections ou élimination d'erreurs, et rendre audible des bandes apparemment irrécupérables. Toutefois, de tels réglages exigent des équipements spécialisés et des actions que seuls des personnels formés pourront entreprendre. Une fois les transferts terminés, les équipements devront être réglés dans les conditions nominales par des techniciens de service de maintenance formés.

5.5.10 Elimination d'artefacts du signal dus aux conditions de stockage

5.5.10.1 Dans la plupart des cas, il est préférable de minimiser l'importance des défauts dus aux conditions de stockage avant d'entreprendre le transfert numérique. Les bandes numériques devront être ré-embobinées périodiquement si possible, et dans tous les cas, ré-embobinées systématiquement avant lecture. Le ré-enroulement diminue les tensions mécaniques qui peuvent endommager le substrat de la bande ou réduire les performances durant la lecture. Les bandes numériques en bobines libres laissées enroulées dans un état irrégulier pendant une longue période peuvent présenter des déformations, en particulier des bords, origine possible d'erreurs pendant la lecture. Pour réduire les distorsions dans le bobinage, de telles bandes doivent être ré-enroulées à faible vitesse et laissées en l'état pendant plusieurs mois, ce qui peut contribuer à la réduction des erreurs lors de la lecture. Les cassettes peuvent être affectées de manière semblable, mais l'amélioration du bobinage produite par la réduction de la vitesse d'enroulement ne sera pas aussi efficace dans ce cas.

5.5.10.2 Les champs magnétiques ne diminuent pas de manière mesurable pendant une durée qui serait susceptible d'affecter les performances lors de la lecture. Pour les bandes analogiques, la proximité des pistes ou des couches adjacentes ne produit pas de phénomène d'auto-effacement, et dans le cas peu probable où un tel événement surviendrait pour des bandes numériques anciennes, les conséquences sont rarement critiques : les erreurs mesurées ne dépassent pas les limites. Une certaine perte de signal peut être mesurée pour les bandes d'enregistrement audionumérique vidéo les plus anciennes. Dans de telles circonstances, la faible coercivité des particules magnétiques et la longueur d'onde effective de l'enregistrement numérique de l'information inscrite sur la bande par une tête tournante contribuent à rendre ces conditions possibles, du moins en théorie. L'appareil de lecture peut ainsi rencontrer des difficultés pour suivre la piste (tracking) de l'information inscrite sur la bande. Excepté pour les toutes premières bandes vidéo, les formulations font appel à des particules dont la coercivité est beaucoup plus forte, ce qui, en combinaison avec des systèmes perfectionnés de correction d'erreurs, écarte en grande partie ce type de problème. De toute façon, l'attention portée à la propreté des têtes de la machine de lecture et à celle de la bande optimisera les conditions de lecture, comme le soin apporté à l'ajustement du chemin de défilement de la bande.

5.5.10.3 Des bandes sévèrement dégradées peuvent être récupérées à l'aide de techniques qui relèvent de disciplines scientifiques et d'ingénieries exigeant un niveau élevé de compétences spécifiques. (Voir Ross et Gow 1999). La gestion de collections de bandes numériques devrait viser à assurer la constitution de copies avant que des erreurs incorrigibles ne deviennent un problème, ce qui limiterait en grande partie l'option de restauration de bandes numériques.

5.5.11 Ratio du temps de transfert

5.5.11.1 Le temps nécessaire pour mener à bien la copie des enregistrements audio est très variable, il est largement dépendant de la nature et du statut du support original.

5.5.11.2 Le temps passé à la préparation des opérations varie en fonction des conditions de la source de la copie. La fixation de la durée dépend des caractéristiques des installations et des formats utilisés. Le transfert du signal est généralement un peu plus long que la durée effective de chaque séquence enregistrée, et le temps pris pour la gestion des métadonnées et des matériels dépendra des caractéristiques du système d'archivage utilisé. La plupart des bandes audio d'enregistrement numérique ne permettent pas le téléchargement des données à une vitesse supérieure au temps réel, à l'exception des modèles mentionnés ci-dessus. Toutefois, les systèmes de capture dotés d'instruments de contrôle précis des niveaux d'erreurs et d'alerte lorsque les limites fixées sont franchies permettent de déclencher simultanément plusieurs systèmes de transfert.

5.6 Reproduction des disques optiques (CD et DVD)

5.6.1 Introduction

5.6.1.1 Depuis leur lancement en 1982, les disques optiques préenregistrés ont pris une position dominante dans la technologie de diffusion des enregistrements audio. Les disques optiques enregistrables, dont les premiers exemplaires ont été produits à la fin des années 19801, ont progressivement joué un rôle considérable dans la distribution et le stockage des documents sonores non édités. Commercialisé dans un premier temps comme un support permanent, il est devenu clair que la durée de vie d'usage du disque optique n'étant pas infinie, des mesures devaient être prises pour  préserver leur contenu. Ceci est particulièrement vrai pour les disques enregistrables qui, non seulement sont moins fiables que leur équivalent mais sont ont aussi plus de chance de détenir des enregistrements uniques. A moins d'être enregistrés et gérés dans des conditions bien  spécifiées (voir section 6.6 Disques optiques : CD/DVD enregistrables), les disques optiques enregistrables constituent des supports de collection à haut risque. Ce paragraphe du guide  traite de méthodes rigoureuses et efficaces de recopies de disques CD et DVD vers des systèmes de stockage plus pérennes. CD est l'abréviation de Compact Disc ; dans un premier temps, DVD signifiait Digital Vidéo Disc, puis Digital Versatile Disc, mais le sigle est actuellement utilisé sans se référer à un terme particulier.

5.6.1.2 La famille des CD Audio inclut, dans le format CD-DA : les CD édités, les CD-R et CD-RW, tous étant caractérisés par une résolution numérique de 16 bits, une fréquence d'échantillonnage de 44,1 kHz et une longueur d'onde du rayon laser de lecture de 780 nm. Les DVD Audio incluent les SACD et les DVD-A. Les formats de données tels que les fichiers .wav et BWF peuvent être enregistrés comme fichier de CD-ROM et DVD-ROM. Les supports DVD sont caractérisés par un laser bleu de longueur d'onde de 350 à 450 nm environ pour réaliser le glass master et de 635-650 nm pour la lecture, les DVD+R (650 nm), DVD-R (à la fois pour authoring (635 nm)). Les Blu-Ray (BD) constituent un format vidéo haute définition et un format de données sur un disque de 12 cm de diamètre comme le DVD et le CD. Utilisant un laser bleu de longueur d'onde de 405 nm, les BD peuvent stocker 25 GB par couche.

5.6.1.3 Ecriture, réécriture, effacement et accessibilité

5.6.1.3.1 CD et DVD (CD-A, DVD-A, CD-ROM et DVD-ROM) sont des disques préenregistrés (pressés et moulés) destinés à la seule lecture. Ils ne sont ni enregistrables, ni effaçables.
5.6.1.3.2 CD-R, DVD-R et DVD+R à base de colorant sont enregistrables (une seule fois) mais ne peuvent être effacés.
5.6.1.3.3 CD-RW, DVD-RW et DVD+RW sont des disques à changement de phase, réinscriptibles de manière répétée, ce qui permet l'effacement de données précédemment enregistrées et l'enregistrement de nouvelles données au même endroit.
5.6.1.3.4 Les DVD-RAM sont des disques à changement de phase, réenregistrables et formatés pour permettre des accès aléatoires à la manière des disques durs d'ordinateurs.

5.6.1.4 Le tableau ci-dessous (tableau 1 paragraphe 5.6) fournit une liste des différents types de CD et DVD  disponibles dans le commerce.

Disque Type Capacité
stockage
Laser
Longueur
d'onde
écriture
Laser
Longueur
d'onde
lecteure
Usage type
CD-ROM, CD-A, CD-V Lecture seule 650 MB 780 nm 780 nm Disponible dans le commerce
CD-R (SS) Écriture unique 650 MB 780 nm 780 nm Enregistrement musique, données, fichiers, applications
CD-R (SS) Écriture unique 700 MB 780 nm 780 nm
CD-RW (SS) Réinscriptible 650 MB 780 nm 780 nm Données informatiques, enregistrements, fichiers, applications
CD-RW (SS) Réinscriptible 700 MB 780 nm 780 nm
DVD-ROM, DVD-A,
DVD-V: SS/SL
SS/DL
DS/SL
DS/DL
Lecture seule 4,7 GB
8,54 GB
9,4 GB
17,08GB
650 nm 650 nm Films, jeux interactifs, programmes, applications
DVD-R(G) Écriture unique 4,7 GB 650 nm 650 nm Usage général : enregistrement vidéo à l'unité et archivage de
données
DVD-R(A)
SL
DL
Écriture unique 3,95 or 4,7 GB
8,5GB
635 nm 650 nm Authoring/Usage professionnel, enregistrement vidéo et editing
DVD+R SL
DL
Écriture unique 4,7 GB
8,5 GB
650 nm 650 nm Usage général : enregistrement vidéo à l'unité et archivage de données
DVD-RW Réinscriptible 4,7 GB 650 nm 650 nm Usage général : enregistrement vidéo et sauvegarde PC
DVD+RW Réinscriptible 4,7 GB 650 nm 650 nm Usage général : enregistrement vidéo et editing, stockage de données et sauvegarde PC
DVD-RAM
SS
DS
Réinscriptible 2,6 or 4,7
GB
5,2 or 9,4
GB
650 nm 650 nm Données informatiques: Stockage en entrepôt pour mise à jour, sauvegardes
HD-DVD –R SL
DL
Écriture unique 15 GB
30 GB
405 nm 405 nm Données et vidéo haute définition
HD-DVD –R W SL
DL
Réinscriptible 15 GB
30 GB
405 nm 405 nm Données et vidéo haute définition
BD-R SL
DL
Écriture unique 25 GB
50 GB
405 nm 405 nm Données et vidéo haute définition
BD-RE SL
DL
Réinscriptible 25 GB
50 GB
405 nm 405 nm Données et vidéo haute définition

Tableau 1 Paragraphe 5.6 Types de disques CD/DVD disponibles dans le commerce
SS=Single-sided : Monoface, SL=Single layer : Simple couche, DS=Double-sided : Double face, DL=Dual layer : Double couche

5.6.1.5 Dans les conditions optimales, les disques numériques peuvent produire une copie exacte du signal enregistré. Toutefois, pour certains enregistrements audio, toute erreur non corrigée pendant le processus de lecture sera enregistrée de manière permanente dans la nouvelle copie, ou bien, parfois, des interpolations inutiles seront incorporées dans les données archivées. Aucune de ces manifestations n'est souhaitable. L'optimisation de la procédure de transfert doit assurer l'équivalence la plus proche possible de l'information détenue par le support source. On retiendra comme principe général que les originaux devront toujours être conservés pour permettre de futures consultations, néanmoins, pour deux raisons simples et pratiques, tout transfert doit s'efforcer d'extraire le signal optimal de la meilleure source parmi les copies. Premièrement, les originaux peuvent se détériorer et, en conséquence, dégrader la qualité d'une lecture ultérieure ou, peut-être, rendre celle-ci impossible ; deuxièmement, la durée des extractions est telle que les contraintes financières exigent leur optimisation dès la première tentative.


1. Le premier système CD-R, Yamaha PDS (Programmable Disc System) a été lancé en 1988

5.6.2 Normes

5.6.2.1 Normes des disques compacts : Les normes correspondant aux CD ont été élaborées à l'origine par les sociétés Philips et Sony. Les normes sont désignées par une couleur, la première prenant le nom de Livre rouge CD Audio : Philips-Sony Red Book CD Digital Audio, une norme qui inclut le CD graphique (CD Graphics), le CD graphique amélioré (CD (extended) Graphics), le CD-TEXT, le CD-MIDI, le CD Single (8 cm), le CD Maxi-single (12 cm) et le CDV (12 cm). Les normes du livre jaune (Yellow Book) décrivent le CD comme support de données, celles du livre vert (Green Book) décrivent le CD-I, qui supporte des données interactives ; le livre bleu (Blue Book) définit le CD multimedia amélioré  (Enhanced (multimedia) CD) et enfin le livre blanc (White Book) fournit les spécifications du CD-V (vidéo). Le livre orange (Orange Book) contient les normes de disques CD enregistrables et réinscriptibles (décrit plus en détail dans le chapitre 6). Les normes sous forme de livres de couleur, soumises à certaines restrictions, peuvent être commandées en ligne sur le site de Philips à l'adresse http://www.licensing.philips.com/. Elles sont principalement destinées aux fabricants. Il est possible de se procurer les normes ISO décrivant les CDs auprès de l'Organisation Internationale de normalisation (ISO : International Standards Organisation), Secrétariat central à l'adresse : http://www.iso.org/. IEC 908 : 1987, Compact Disc Digital Audio System (CD-DA) (n.b. la norme IEC 908 : 1987 et le livre rouge de Philips - Sony sont fondamentalement équivalents), ISO 9660 : 1988, Volume and File Structure (CD-ROM) (ECMA-119) et ISO/IEC 10149 : 1995, Read-Only 120 mm Optical Data Discs (CD-ROM) (ECMA-130).

5.6.2.2 Normes DVD : La gamme des normes ISO concernant les DVD est étendue. Néanmoins, comme pour les CD, plusieurs versions d'entre-elles sont propriétaires. Elles suivent une appellation alphabétique : la norme fondamentale de DVD-ROM de données est spécifiée dans le livre A, le DVD vidéo dans le livre B, Le DVD-Audio dans le livre C, le DVD-R dans le livre D et le DVD-RW dans le livre E. Les normes ISO sont mises en vente par l'Organisation Internationale de normalisation (ISO), Secrétariat central à l'adresse  http://www.iso.org/ ISO 7779 : 1999/Amd : 2003 Noise measurement specification for CD/DVD-ROM drives. ISO/IEC 16448 : 2002 Information technology -- 120 mm DVD -- Read-only disc et ISO/IEC 16449 : 2002 Information technology -- 80 mm DVD -- Read-only disc.

5.6.3 Sélection de la meilleure copie

5.6.3.1 Contrairement à la duplication des enregistrements audio analogiques qui implique une perte inévitable de qualité d'une génération à la suivante, la duplication des enregistrements numériques peut avoir des résultats variables, depuis l'état dégradé de copies suite aux ré-échantillonnages ou aux conversions ordinaires, jusqu'aux "clones" absolument identiques qui peuvent parfois être considérés comme étant de meilleure qualité que l'original (par l'action des corrections d'erreurs). Pour choisir la copie-source de meilleure qualité, on devra prendre en compte les références audio telles que la fréquence d'échantillonnage, le taux de quantification ainsi que d'autres spécifications comprenant toute forme de métadonnées intégrées. La qualité des données des copies stockées peut se dégrader avec le temps, ce qui doit être évalué par des mesures objectives. Si une copie unique, et en mauvais état physique existe dans une collection, il peut être prudent de prendre contact avec d'autres services d'archives audio pour essayer de trouver une copie de la même séquence en meilleur état.

5.6.3.2 En règle générale, une copie-source doit être sélectionnée en fonction de l'absence d'erreurs pendant sa lecture, ou pour tout le moins, un minimum d'erreurs. Les disques pressés sont plus stables que les disques enregistrables, ils devraient leur être normalement préférés, si un choix est possible. Les conditions physiques peuvent fournir une indication de qualité, toutefois, la seule méthode sûre de sélection d'un disque exempt d'erreurs consiste à effectuer régulièrement, pendant le processus de transfert, un contrôle d'erreurs avec production d'un rapport. Même avec les contrôles d'erreurs et leurs comptes rendus, l'extraction du signal de meilleure qualité reste problématique par le manque de standards des moyens de lecture, aussi différents lecteurs peuvent-ils produire différents résultats à partir d'un même disque (voir 8.1.5 Disques optiques - Normes). Pour tout transfert numérique-numérique, un rapport d'erreurs doit être édité et incorporé aux métadonnées administratives du fichier numérique archivé, avec les mentions du lecteur utilisé.

5.6.4 Compatibilité de la lecture

5.6.4.1 La variété des standards de lecture et la manière dont ils peuvent être encodés rend nécessaire la sélection d'équipements de bonne qualité. Il est plus que probable, par exemple, que les lecteurs autonomes de CD grand public ne liront que les disques CD-Audio et ses variantes, tandis que le drive de CD-ROM d'un ordinateur pourra lire tous les formats s'il est pourvu des logiciels corrects de description des contenus. Les disques DVD ne peuvent être lus que par des drives ou lecteurs CD, alors que de nombreux drives DVD sont compatibles avec les CD.

5.6.4.2 Les tableaux ci-dessous présentent les compatibilités entre certains drives et les médias
 

Types de disque Drive CD-ROM Drive CD-RW ou CD-R/RW Drive CD-R
Lecture Ecriture Lecture Ecriture Lecture Ecriture
CD-ROM Oui Non Oui Non Oui Non
CD-R Oui Non Oui Oui Oui Oui
CD-RW Oui Non Oui Oui Oui Non

Tableau 2 Paragraphe 5.6 Compatibilité gravure-lecture ; CD

 

Types de disque Lecteur
DVD de salon
Lecture seule
Drive
DVD-­‐ROM
Lecture
seule
(ordinateur)
Drive
DVD-­‐R
(G)
Graveurs
Général-­R
Drive
DVD-­‐R
(A)
Graveurs
Authoring-­R
Drive
DVD-­RW
Graveurs
-­ RW,
Général-­R
Drive
DVD+R
W/+R
Graveurs
+RW, +R
Drive
DVD-­RAM
Graveurs
RAM
DVD-ROM Non Non Non Non Non Non Non
DVD-R(A) Non Non Non Oui Non Non Non
DVD-R(G) Non Non Oui Non Oui Non Non
DVD-RW Non Non Non Non Oui Non Non
DVD+RW Non Non Non Non Non Oui Non
DVD+R Non Non Non Non Non Oui Non
DVD-RAM Non Non Non Non Non Non Oui
CD-ROM Non Non Non Non Non Non Non
CD-R Non Non Oui Non Oui Oui Non
CD-RW Non Non Non Non Oui Oui Non

Tableau 3 Paragraphe 5.6 Compatibilité ; DVD (Mode écriture)

 

Types de disque Lecteur
DVD de salon
Lecture seule
Drive
DVD-­‐ROM
Lecture
seule
(ordinateur)
Drive
DVD-­‐R
(G)
Graveurs
Général-­R
DDrive
DVD-­‐R
(A)
Graveurs
Authoring-­R
Drive
DVD-­RW
Graveurs
-­ RW,
Général-­R
Drive
DVD+R
W/+R
Graveurs
+RW, +R
Drive
DVD-­RAM
Graveurs
RAM
DVD-ROM Non en général Oui Oui Oui Oui Oui Oui
DVD-R(A) Généralement En général Oui Oui Oui Oui Oui
DVD-R(G) Généralement En général Oui Oui Oui Oui Oui
DVD-RW Parfois En général Non Oui Oui En général En général
DVD+RW Parfois En général En général En général En général Oui En général
DVD+R Parfois En général En général En général En général Oui En général
DVD-RAM Rarement Rarement Non Non Non Non Oui
CD-ROM Selon Oui Oui Non Oui Oui En général
CD-R Habituellement Oui Oui Non Oui Oui En général
CD-RW Habituellement Oui Oui Non Oui Oui En général
DVD-Audio
DVD-Video
Tous les drives DVD devraient lire les DVD-Audio ou les DVD-Vidéo si un logiciel DVD-Audio ou DVD-Vidéo est bien installé dans l'ordinateur. Les drives DVD-RAM sont incertains.

Tableau 4 Paragraphe 5.6 Compatibilité DVD (Mode lecture)

5.6.5 Nettoyage, restauration des supports

5.6.5.1 Les CD ou DVD ne nécessitent pas d'opérations de nettoyage régulier lorsqu'ils sont manipulés avec soin, mais toute contamination de surface devra être éliminée avant de procéder à leur lecture ou bien pendant la préparation en vue du stockage. Il est important, durant le nettoyage, d'éviter tout dommage de la surface. La contamination par des particules comme la poussière peut provoquer des rayures lors d'un essuyage ; par ailleurs, l'utilisation de solvants agressifs peut dissoudre et ainsi affecter la transparence du substrat en polycarbonate.

5.6.5.2 Pour éliminer la poussière, on pourra utiliser une soufflette ou un jet d'air comprimé propre ; pour des contaminations plus conséquentes, on rincera le disque avec de l'eau distillée ou de l'eau telle que celle utilisée pour le nettoyage de lentilles. Cependant, des précautions devront être prises vis-à-vis de l'inscription pour de nombreux disques CD-R dont l'encre est soluble dans l'eau. On utilisera un coton doux ou de la peau de chamois pour l'essuyage final du disc. Il faut veiller à ne jamais essuyer le disque dans la circonférence, mais toujours radialement depuis le centre vers l'extérieur ; ceci évite le risque de rayures concentriques qui endommagent des zones importantes de données séquentielles. On évitera l'utilisation de serviettes papier ou de tout accessoires de nettoyage abrasif sur les disques optiques. Pour des contaminations sévères, l'alcool isopropylique peut être utilisé si nécessaire.

5.6.5.3 Il est préférable qu'aucune intervention de  restauration physique, de polissage ne soit entreprise sur les disques optiques d'archive car elles entraîneraient des altérations irréversibles de ceux-ci. Toutefois, si la surface du disque (face lecture) présente des rayures provoquant des niveaux d'erreurs élevés, des actions de idem tendant à rétablir le disque dans un état de lecture possible peuvent être permises à des fins de transfert. Des dispositifs de polissage en milieu humide peuvent être utilisés à condition que des tests portant sur les effets des restaurations soient effectués sur des supports de référence avant de les mettre en œuvre. Les actions entreprises consistent à pratiquer des tests sur des disques ordinaires, à réaliser le processus de restauration puis à reconduire des tests pour évaluer l'efficacité des traitements de restauration (pour des détails supplémentaires, consulter ISO 18925 : 2002, AES 28-1997, ou ANSI/NAPM IT9.21 et ISP 18927 : 2002 / AES 38-2000). Bien que des tests préliminaires de polissage en milieu liquide s'avèrent acceptables, l'enlèvement de matière à la surface du disque fait hésiter les archivistes de documents sonores à accepter une telle approche. De plus, le polissage en milieu liquide est efficace seulement pour les petites rayures : les disques dont les rayures profondes infligées délibérément avec, par exemple, un couteau ou des ciseaux, ne pourront guère être rendus lisibles au moyen d'un tel polissage. Les dommages occasionnés sur la face imprimée ne peuvent bénéficier d'aucune méthode de réparation décrite.

5.6.5.4 Avant et après le nettoyage et / ou opération de réparation et avant duplication des CD et DVD, il peut être conseillé de pratiquer, avant toute chose, des mesures de taux d'erreurs, pour le moins :

5.6.5.4.1 Erreurs en salve dans une trame (Frame burst errors - FBE) ou Longueur d'erreurs en salve (BERL)
5.6.5.4.2 Taux d'erreurs bloc (Block error rate - BLER)
5.6.5.4.3 Erreurs corrigibles avant interpolation (E11, E21) et après interpolation (E12, E22)
5.6.5.4.4 Erreurs incorrigibles (E32)
    
Et de préférence :
5.6.5.4.5 Bruit radial et signaux d'erreurs de suivi de piste (tracking - RN)
5.6.5.4.6 Signaux de haute fréquence (HF)
5.6.5.4.7 Dropouts (DO)
5.6.5.4.8 Erreurs de focalisation (PLAN)

5.6.5.5 Un grand nombre de systèmes de mesures de CD et de DVD, de sophistication, de précision et de coûts variables, sont disponibles. Néanmoins, un testeur fiable constitue un équipement essentiel d'une collection de disques pour déterminer si les limites critiques de taux d'erreurs sont franchies. (cf. 8.1.5 Optical Discs - Standards (Disques optiques - Normes) et 8.1.11 Testing Equipment (Equipement de tests). Après nettoyage et remise en état, si un ou plusieurs taux d'erreurs dépassent ces limites, voir 5.6.3 "Sélection de la meilleure copie".

5.6.6 Equipement de lecture

5.6.6.1 Deux approches fondamentalement différentes de la duplication des sources sur CD audio et DVD se présentent : la lecture traditionnelle avec l'équipement de reproduction au format spécifique ; ou l'extraction numérique audio (digital audio extraction, DAE) qui fait appel à des lecteurs d'usage général CD-ROM ou DVD-ROM, communément désignés par "ripping" (découpage) ou "grabbing" (saisie). Le principal avantage de la capture de données ou méthode de découpage est le gain de vitesse.  Si la reproduction traditionnelle implique des transferts en temps réel, la capture de données ou mode "découpage" utilisant des lecteurs grande vitesse permet d'effectuer aisément des transferts des données audio en dix fois moins de temps.

5.6.6.2 Extraction audio numérique : Le principal inconvénient du mode d'extraction audio numérique concerne la prise en charge des erreurs. Le logiciel de découpage le plus simple n'a aucune capacité de correction d'erreurs. Des systèmes plus élaborés peuvent effectuer des tentatives d'organisation des erreurs, mais ils ne disposent pas des fonctionnalités d'implémentation complètes de détection, de correction et de masquage d'erreurs nécessaires pour assurer des transferts fidèles ; ils sont intégrés dans des équipements de format spécifique. Les systèmes haut de gamme promettent une  idem d'erreurs équivalente à une approche de format spécifique ; pourtant, peu d'entre-eux ont été précisément implémentés.

5.6.6.3 La reproduction à des taux nettement plus élevés que le temps réel est souhaitable car  cela réduit les ressources requises par le transfert des documents audio vers le système d'archivage cible. Lorsque le système d'extraction audio numérique peut être automatisé, cela présente l'avantage de libérer des ressources en personnel au profit des tâches intensives de conversion numérique des documents analogiques. Les systèmes automatisés peuvent être utilisés s'ils ne portent aucune atteinte à la fidélité. En fait, les systèmes les plus perfectionnés présentent moins de risques de produire des données incohérentes qui affecteraient les métadonnées notamment, mais ils peuvent malgré tout impacter le contenu lui-même.

5.6.6.4 La reproduction des données numériques audio devrait toujours être accompagnée d'un système de détection précis d'erreurs et de reconnaissance décrivant et identifiant le type et le nombre d'erreurs spécifique du CD, associant ces éléments aux métadonnées spécifiques du fichier audio. Disposition encore plus critique lorsque des processus automatiques, plus rapides que le temps réel, sont mis en œuvre pour l'acquisition des données audio.

5.6.6.5  La reproduction d’un CD audio est un processus dont le succès, ou peu s’en faut, dépend d’une décision quelque peu subjective. Contrairement au transfert des fichiers de données audio, cette décision peut être prise en considérant seulement le protocole d'erreurs. Les formats de données, tels que .wav ou BWF peuvent être contrôlés objectivement par comparaison bit-à-bit entre anciens et nouveaux fichiers. Le CD audio n'est pas constitué de fichiers numériques, mais d'un flux codé de données audio, une différence significative quand il s'agit d'assurer l'intégrité des documents audio.

5.6.6.6 Les systèmes apportant une garantie de détection et de reconnaissance des erreurs, dotés d'un protocole à grande vitesse de lecture pouvant atteindre 12 fois le temps réel sont disponibles sur le marché, ils répondent généralement au marché spécifique de l'archivage.

5.6.6.7 L'exigence minimale d'un système d'extraction audio numérique à des fins d'archivage porte sur la détection et l'alerte des opérateurs vis-à-vis de toute manifestation d'erreurs audio numérique.

5.6.6.8 Approche d'un format de lecture spécifique : Afin de transférer un CD encodé au format CD-A, un lecteur de salon doit être utilisé. Il est nécessaire d'utiliser un lecteur avec sortie numérique afin d'injecter le flux audionumérique via l'entrée numérique d'une carte son. On préférera l'interface standard AES/EBU pour assurer le transfert du flux audio numérique. L'interface SPDIF peut conduire aux mêmes résultats si on utilise des câbles plus courts. Toute conversion entre AES/EBU et SPDIF nécessite l'harmonisation des différences entre les deux standards, notamment les utilisations différentes des bits de statut qui déclenchent les fonctions d'accentuation et de copyright (Rumsey et Watkinson 1993). Cette approche en temps réel présente l'inconvénient de prendre beaucoup de temps et de ne pas permettre l'inscription des erreurs corrigées détectées dans les métadonnées.

5.6.6.9 Les cartes son connectées aux CD audio doivent s'adapter aux deux canaux 16 bits 44,1 kHz. Les équipements de lecture doivent correspondre à la qualité du marché. Des précautions doivent être prises pour éviter les vibrations du lecteur afin d'assurer une fiabilité maximum de l'extraction des données.

5.6.6.10 Le lecteur de CD doit être en bon état de fonctionnement. En particulier, la puissance du rayon laser qui devra obligatoirement rester optimale. La lentille du bloc optique devra être nettoyée de temps en temps. Des appareils combinant radio et lecteur/enregistreur de disques ne peuvent être utilisés. Il est déconseillé d'utiliser des films de protections (appelés CDfenders / DVDfenders) car ils peuvent se détacher du disque et endommager le lecteur 2.


2. CDs aus dem Kühlschrank, Funkschau no.23, 1994, p.36-39. L'amélioration de l'aptitude à la lecture des CD et DVD par refroidissement dans un réfrigérateur est si minime que, bien que démontré théoriquement (mathématiquement), elle n'a jamais été montrée dans la pratique.

5.6.7 Problèmes des DVD-Audio (DVD-A)

5.6.7.1 Les DVD audio comportent 6 canaux audio 24 bits 96 kHz, et/ou deux canaux 24 bits 193 kHz ; toutefois, les sorties numériques de la plupart des lecteurs DVD sont limitées à la résolution de 16 bits 48 kHz pour contrôler les risques de piraterie. LE DVD forum a sélectionné IEEE 1394 (firewire) pour interface du DVD Audio, utilisant le protocole "Audio and Music Data Transmission Protocol" (A&M Protocole) (http://www.dvdforum.com/images/guideline1394V09R0_20011009c.pdf).

5.6.7.2 Le décodage des formats compressés tels que MLP peut être effectué par le lecteur ou lors d'une étape ultérieure de traitement. Les disques peuvent comporter différentes versions : avec ajouts de signaux d'ambiance combinés avec la stéréo, avec des pistes alternatives, accompagnement vidéo, etc., ce qui implique une décision politique considérant toutes les versions collectées ou bien, au contraire, décider d'une alternative à des fins d'archivage. Il est important également, que le personnel des archives soit informé que les disques hybrides, tels que ceux enregistrés conformément au standard du Blue Book / Enhanced CDs, puissent contenir d'autres formes de données. Les graphiques ou données textuelles peuvent constituer des composantes critiques de l'œuvre, aussi convient-il d'en assurer l'acquisition et la conservation.

5.6.8 Problèmes du Super Audio CD (SACD)

5.6.8.1 Le format SACD est basé sur la technique Direct Stream Digital (DSD), procédé d'échantillonnage sur un bit à la fréquence 2,8 MHz non directement compatible avec le PCM linéaire. Au moment d'écrire ces lignes, l'intégration de ce type de signal dans un système d'archivage audio connaît des restrictions, la plupart des lecteurs SACD ne comprennent pas de sortie de flux bitstream SACD ou de sortie signal haute qualité PCM délivré par le flux bitstream. Sony dispose de sa propre interface I-Link firewire. D'autres fabricants ont commercialisé des interfaces propriétaires pouvant prendre en main SACD dans son format natif, mais il n'existe pas d'interface numérique standard de ce format en mesure d'être largement accepté. Les promesses de la mise en œuvre d'un protocole adapté de transmission du SACD par l'interface firewire IEEE 1394 peuvent ne jamais aboutir.

5.6.8.2 Les stations développées pour le mastering SACD permettent l'entrée, la sortie, le traitement des signaux DSD (http://www.merging.com/). On notera que, même pour les traitements basiques, tels que l'ajustement de gain des flux DSD ou SACD, l'approche des traitements informatiques est totalement différente du fait de l'utilisation d'algorithmes différent du PCM. En conséquence, la restauration et l'utilisation de signaux audio encodés à un tel format seront limitées à moins de les convertir en PCM.

5.6.9 Ratio de temps de transfert

5.6.9.1 La durée d'insertion des données audio à partir d'un disque optique, effectuée en temps réel, avoisine un facteur deux par heure de programme. Les approches DAE peuvent réduire cette proportion d'un facteur 10 ; un système juke box chargé de 60 CD et davantage peut effectuer l'opération en quelques heures sans intervention humaine hormis le chargement initial. Une durée supplémentaire doit-être ajoutée pour la sélection des meilleures copies, pour la recopie en cas d'erreurs inacceptables, ainsi que pour la gestion des fichiers et des données.

5.6.10 Minidisc

5.6.10.1 Le MiniDisc original (MiniDisk, MD) est apparu sous deux formes : disque dupliqué en masse, fonctionnant selon les principes du disque optique, et disque enregistrable, réenregistrable en fait, constitué d'un matériau d'enregistrement magnéto-optique (voir section 8.2 disques magnéto-optiques). Les deux sous-formats peuvent être lus par les mêmes lecteurs. Les disques, d'un diamètre de 2,5 pouces (64 mm), sont insérés dans un boîtier (caddie). L'enregistrement des MiniDisc utilise le codage Adaptative Transform Acoustic Coding (ATRAC), un algorithme de réduction de débit élaboré sur le codage perceptuel. Bien que très développés (au moins dans les dernières versions d'ATRAC), les formats de réduction de données éliminent de manière définitive ce qui serait capturé par un format non réducteur, et créent également des artefacts tant dans le domaine temporel que spectral. De tels artefacts peuvent produire des erreurs d'interprétation concernant les composantes spectrales aussi bien que les composantes temporelles, particulièrement lors de l'analyse du signal au moyen d'outils spectraux. Les artefacts dus aux codecs de réduction de données ne peuvent faire l'objet de nouveaux calculs ou de compensations après la phase de traitement, car ils dépendent du niveau, de la dynamique et du spectre du signal original. ATRAC est un format propriétaire qui comporte de nombreuses versions et variations, aussi lorsqu'un objectif d'archivage est envisagé, il est conseillé de ré-encoder les fichiers d'enregistrement comprimés en formats de fichiers tels que .wav.

5.6.10.2 De nombreux lecteurs de MiniDiscs sont dotés d'une sortie numérique produisant un flux de données "pseudolinéaires". Les fichiers résultants devront respecter les spécifications présentées dans le chapitre 2, principes fondamentaux du numérique et être stockés conformément aux recommandations énoncées. Les métadonnées concernant l'origine de tels signaux sont impératives, les formats pseudolinéaires ne pourraient être distingués des formats enregistrés sans réduction de données. Il conviendra d'enregistrer cette information dans l'historique d'un fichier BWF, ou de mentionner l'historique des modifications selon les recommandations PREMIS (voir chapitre 3 Métadonnées).

5.6.10.3 En 2004, le Hi-MD est commercialisé, il intègre des changements du hardware qui, avec les nouveaux media, peut enregistrer jusqu'à 1 GB de données audio. Avec le Hi-MD, il était possible d'enregistrer plusieurs heures de signaux audio compressés mais, plus important, ce format était également capable d'enregistrer des signaux PCM linéaires. A des fins d'archivage, ces enregistrements devront être traités comme les signaux CD et le flux de données, transféré vers les fichiers compatibles avec un système de stockage. L'extraction directe de données audio depuis un HD-MD à haut débit nécessite l'utilisation de logiciels spécifiques propriétaires, dont certains sont disponibles sur des sites de fabricants. Il est conseillé d'acheter immédiatement des équipements de lecture dédiés et les logiciels car le support des fabricants ne peut être garanti dans la durée.20

5.6.10.4 L'utilisation du MiniDisc comme enregistreur n'est pas recommandé (voir section 5.7 Technologies d'enregistrement sur le terrain et approches d'archivage).


20. Sony a annoncé l'arrêt de fabrication des MiniDisc en mars 2013.

5.7 Technologies d'enregistrement sur le terrain et approches d'archivage

5.7.1 Introduction

5.7.1.1 De nombreuses collections ont été constituées grâce à des campagnes d'enregistrements effectués sur le terrain, et peut-être aussi avec des acquisitions et des transferts de conservation d'enregistrements historiques effectués selon des formats et des systèmes d'archivage stables. Ces enregistrements de terrain peuvent servir à la constitution de collections d'histoire orale, à l'élaboration de programmes d'événements traditionnels et culturels, ils peuvent concerner des sources d'enregistrements d'environnement sonore et de la faune, ou bien encore relever de collections de radiodiffusion. Quel que soit le contenu des enregistrements destinés à être conservés durablement dans des collections d'archives, il est plus efficace de prendre les décisions relatives à la durée de vie au moment de planifier tout enregistrement. En effet, opter pour des formats et des technologies inappropriés peut limiter sévèrement la durée de vie et l'usage des documents sonores.

5.7.1.2 L'enregistrement sur le terrain peut être entrepris en divers endroits et situations, il peut concerner toutes formes de sources sonores : humaines, technologiques, les plantes ou les animaux, l'environnement lui-même. Des enregistrements peuvent avoir pour objet la saisie du contexte acoustique comprenant le son désiré, qui peut-être isolé de l'environnement, ou bien, dans le cas contraire, bénéficier des technologies permettant de minimiser la composante environnementale enregistrée. Les enregistrements peuvent être réalisés en chaises longues dans des grandes villes, sous les vérandas de bungalows éloignés, en l'absence de toute technologie et de service. Les cas sont pratiquement illimités, aussi ce chapitre portant sur la technologie d'enregistrement in situ ne cherche-t-il pas à discuter dans le détail des différentes disciplines spécifiques impliquées. Il répond plutôt à la simple question : "Comment allez vous réaliser le meilleur enregistrement sonore in situ pour assurer son archivage à long terme ?"

5.7.1.3 Cette section se place entre les chapitres portant sur l'extraction du signal et les chapitres traitant des technologies de stockage. Elle aborde ici la création du contenu sonore numérique et son intégration dans des systèmes de stockage dont il sera question dans les chapitres suivants.

5.7.2 Normes d'enregistrement sur le terrain

5.7.2.1 Les mêmes normes techniques d'enregistrement s'appliquent aux enregistrements sur le terrain et aux transferts pour archivage ; c'est-à-dire qu'ils doivent être captés et stockés dans des conditions d'usages générales, dans des formats de fichiers audio linéaires, .wav ou BWF.wav généralement ; ils doivent être créés à des taux d'échantillonnages souhaitables, au moins 48 kHz, mais selon les objectifs, à des taux plus élevés, 96 kHz ou bien dans certaines circonstances, 192 kHz ou plus. Il est conseillé de réaliser les enregistrements à 24 bits. Des taux inférieurs ne reflèteront pas l'échelle dynamique de la production sonore enregistrée dans son environnement, ils pourront abaisser le niveau du signal, c'est-à-dire sa qualité.

5.7.2.2 Quelle que soit la résolution choisie, il est conseillé de réaliser l'enregistrement natif dans un format standard. Cette disposition permettra d'effectuer des transferts d'archive sans altération de celui-ci et simplifiera les processus d'archivage. L'utilisation du format BWF facilite la collecte de métadonnées indispensables au cycle de vie de l'information numérique archivée.

5.7.2.3 La réduction de données (dites compressées dans le langage courant) par l'encodage MP3 ou ATRAC par exemple génère des enregistrements qui ne correspondent pas aux formats d'archives. Les formats de données compressées, bien que très développés, non seulement négligent de manière irrémédiable la récupération de données, ce qui ne serait pas le cas avec des formats non compressés, mais créent également des artefacts aussi bien dans le domaine temporel que spectral. De tels artefacts peuvent conduire à des erreurs d'interprétation des composantes spectrales et temporelles, surtout lorsque l'on pratique l'analyse du signal au moyen d'outils de représentation fréquentielle. Les artefacts résultants des codages de réduction de données ne peuvent être recalculés ou compensés lors d'un traitement a posteriori car ils dépendent du niveau, de la dynamique et de la composition spectrale du signal original. A des fins d'archivage, il est conseillé de ré-encoder les fichiers d'enregistrement dont les formats sont compressés en fichiers .wav (de même pour le Minidisc et les codecs avec perte de première génération (voir 5.6.10 Minidisc). Même si cette procédure ne remplace pas des données manquantes, elle réduit davantage la dépendance vis-à-vis des codecs.

5.7.3 Sélection des équipements d'enregistrement

5.7.3.1 La décision d'utiliser un équipement particulier d'enregistrement dépend de nombreux facteurs. Toutefois, un nombre important de problèmes techniques communs à toutes les situations d'enregistrement peuvent être regroupés en trois parties : compatibilité des archives, qualité audio, fiabilité.

5.7.3.2 Compatibilité des archives

5.7.3.2.1 Le choix du format d'enregistrement dans le domaine numérique a un impact durable et irréversible  sur la vie des archives : ainsi les formats de compression avec perte peuvent-ils restreindre certaines utilisations. Pour cette raison, le dispositif d'enregistrement doit être choisi en fonction du format assurant la compatibilité des archives. La technologie actuelle offre la possibilité d'enregistrer directement, dans un format élémentaire, des fichiers à l'aide d'un dispositif équipé d'un disque dur ou à d'une mémoire statique. De tels systèmes offrent habituellement le choix entre plusieurs formats d'enregistrement en mode linéaire ou compressé. La sélection de .wav ou BWF.wav est recommandée. Les formats bruts ou propriétaires seront évités car ils devront être, dans bien des cas, transférés en .wav ou BWF.wav via un logiciel propriétaire pour constituer des archives à long terme. En accord avec les recommandations archivistiques, les formats d'enregistrement avec compression ne doivent pas être utilisés.

5.7.3.2.2 Un microordinateur portable convenablement équipé constitue une solution alternative aux enregistreurs portables dédiés. En ajoutant un pré-ampli microphonique et un convertisseur analogique - numérique de haute qualité (voir Section 2.4 Convertisseurs analogique - numérique (A/N)), le son peut être enregistré directement sur l'ordinateur portable en utilisant un des nombreux logiciels d'enregistrement disponibles. Les recommandations énoncées à propos des formats de fichiers s'appliquent ici également : il est généralement préférable d'enregistrer directement dans le format d'archivage. Cette solution est pratique, mais la consommation élevée d'énergie électrique, le bruit acoustique pouvant être généré et le manque de discrétion réservent ces pratiques à quelques cas de figures seulement.

5.7.3.2.3 Les ordinateurs portables, ainsi que de nombreux dispositifs d'enregistrements nomades peuvent-être configurés de telle manière que l'enregistrement soit effectué simultanément sur un disque externe. Cette stratégie de sécurité renforcée est évoquée au paragraphe 5.7.5.1 (Transfert et sauvegarde du contenu initial).

5.7.3.3 Qualité audio

5.7.3.3.1 La qualité audio doit être sélectionnée en fonction des recommandations du chapitre 2 en matière d'archives : Clés du numérique - Principes. Les exigences vis-à-vis de la qualité des enregistrements s'appliquent aux contenus de tous types. Contrairement aux opinions répandues, les enregistrements de voix parlée doivent bénéficier tout autant de la résolution élevée adoptée pour les enregistrements musicaux. On peut argumenter le fait que la dynamique de la parole dans son environnement exige davantage de la technologie d'enregistrement que de nombreuses autres formes musicales. En outre, si des analyses fines du signal sont demandées, la plus haute qualité sera nécessaire.

5.7.3.4 Microphones

5.7.3.4.1 La discussion ci-dessous à propos des microphones se limite aux questions relatives à la création d'archives sonores. On pourrait en dire beaucoup plus à propos de ces microphones qui sont, par essence, utilisés dans la partie la plus créative et manipulable du processus, aussi est-il recommandé que tout preneur de son sur le terrain soit familiarisé avec l'utilisation de ces outils.

5.7.3.4.2 L'utilisation de microphones séparés de l'enregistreur est recommandée dans la plupart des situations d'enregistrement. Ceci minimise le bruit inhérent au système capturé par des microphones intégrés et évite le bruit de manipulation de l'enregistreur en fonctionnement. La qualité des microphones doit être suffisante pour répondre aux besoins de l'enregistrement mais aussi aux spécifications du dispositif d'enregistrement, en particulier le rapport signal sur bruit (rapport S/B). Pour être en mesure de capter toute l'échelle dynamique possible, et donc enregistrer sur 24 bits, l'utilisation de microphones externes de bonne qualité dotés d'un préamplificateur convenable est nécessaire alors que la plupart des équipements d'enregistrement et des microphones de moindre qualité compromettraient ce point crucial.

5.7.3.4.3 Dans certaines situations d'enregistrement, les caractéristiques d'emplacement associées avec les événements sont importantes. Pour recueillir de telles informations, il est nécessaire d'utiliser une paire de microphones externes déployés selon des dispositions normalisées (voir Section 5.7.4.3 ci-dessous). Une disposition normalisée de microphones fournira des caractéristiques sonores stéréophoniques compréhensibles tandis que les microphones fixes internes qui équipent de nombreux dispositifs, ne correspondent pas généralement à une disposition normalisée et  ne peuvent, en outre, être manipulés. Le microphone à condensateur sont les plus sensibles, et sont généralement préférés pour les meilleurs résultats d'enregistrement qu'ils proposent. Ces microphones nécessitent une alimentation fantôme qui est généralement fournie avec un système d'enregistrement professionnel, (commutable dans l'idéal), mais ils peuvent aussi être alimentés par des batteries externes ou bien à partir du secteur. Les microphones à condensateur risquent d'être endommagés dans des conditions d'utilisation difficiles aussi peut-il être préférable de faire des compromis sur la sensibilité et d'utiliser des microphones plus robustes tels que les microphones dynamiques dans certaines situations. Les microphones à condensateur sont aussi très coûteux ; mais de très bons résultats peuvent être obtenus grâce aux microphones à électret de la plus haute qualité. Ceux-ci comportent une capsule chargée de manière permanente, mais ils peuvent aussi fonctionner sur une plus longue durée lorsqu'ils sont équipés d'une petite pile. Les enregistrements effectués à l'extérieur à l'aide de microphone à condensateur ou à électret, nécessitent un dispositif anti-vent. L'utilisation incorrecte, improvisée de bonnette anti-vent risque de se faire au détriment des caractéristiques d'enregistrement, elle peut altérer la directivité des microphones, rendre l'enregistrement moins réaliste. L'utilisateur doit être informé de tels risques lorsqu'il choisit d'utiliser une bonnette anti-vent).       

5.7.3.5 Fiabilité

5.7.3.5.1 Les équipements non fiables peuvent potentiellement être à l'origine de la perte d'information pour des enregistrements réalisés, ou tomber en panne juste au moment de son utilisation. Pour minimiser les risques de défaillance, les dispositifs d'enregistrements devront être choisis sur des critères de fiabilité maximum. Les appareils grand public bon marché sont, dans de nombreux cas, fragiles et de qualité insuffisante ; ils peuvent être facilement détériorés, ils ne doivent pas être utilisés sur le terrain sans avoir été au préalable soigneusement testés. Outre leur plus grande robustesse, les appareils professionnels comportent des circuits et interfaces plus fiables, des entrées microphoniques symétriques permettant le branchement de câbles de grande longueur, et des connecteurs professionnels plus fiables. Même s'il est plus probable que les équipements à faible coût soient davantage sujets aux dégradations et aux pannes, le prix constitue seulement un indicateur de fiabilité, aussi tout l'équipement devra-t-il être testé soigneusement avant utilisation sur le terrain.

5.7.3.6 Test et maintenance

5.7.3.6.1 Quel que soit leur coût ou leur qualité, les équipements d'enregistrement devront être systématiquement et régulièrement testés, leur maintenance assurée  pour bénéficier d'un fonctionnent fiable et précis, notamment dans les conditions de terrain. L'intégrité du système d'enregistrement devra être testée en particulier s'il a subi une chute ou s'il a été transporté dans des conditions non conventionnelles. La réponse fréquentielle des microphones devra être régulièrement mesurée afin de s'assurer de leur bon fonctionnement. La protection vis-à-vis de la poussière ou de l'humidité est essentielle pour maintenir les équipements dans de bonnes conditions de fonctionnement. Des vérifications régulières et le nettoyage des dispositifs, y compris des connecteurs et autres surfaces constituent des opérations vitales pour maintenir la fiabilité des appareils d'enregistrement. Les équipements devront pouvoir s'acclimater aux changements environnementaux, en particulier lorsqu'ils sont déplacés depuis un espace froid et sec, tel la soute d'un avion cargo, dans une atmosphère chaude et humide. Tous les résultats de tests devront être conservés pour permettre un suivi des conditions de maintenance des équipements de terrain et anticiper les changements de pièces qui se montreraient nécessaires.

5.7.3.7 Autres considérations concernant les matériels d'enregistrement sur le terrain

5.7.3.7.1 Si les spécifications et caractéristiques techniques participent à la détermination de la qualité et de la fiabilité des dispositifs d'enregistrement, d'autres éléments d'ordre pratique peuvent influencer leur choix selon les circonstances d'enregistrement envisagées. Des facteurs de décision importants comprennent : une durée d'enregistrement suffisante avec alimentation sur batterie ; une conception robuste et compréhensible ; une manipulation aisée ; un matériel de taille réduite, léger mais robuste. L'éclairage des cadrans de contrôle est essentiel pour enregistrer dans l'obscurité mais il consomme davantage d'énergie électrique. Selon les circonstances d'enregistrement, une décision doit-être prise en faveur des supports amovibles (carte mémoire flash ou SD par exemple) ou bien d'un disque dur permettant une stratégie de sécurité adaptée (voir Section 5.7.5 Transfert et sauvegarde des données sur le terrain). Dans l'idéal, le dispositif devra permettre un transfert et une duplication rapides et simples des données, et être extrêmement discret (ce dernier point réduit l'intrusion visuelle pendant l'enregistrement et contribue également à limiter les risques de vol).

5.7.4 Approche de l'enregistrement

5.7.4.1 Le but dans lequel l’enregistrement est effectué et les règles propres à la discipline dont il relève orientent l'approche des opérations sur de nombreux aspects : techniques microphoniques et autres. Cependant,  les pratiques d’enregistrement partagent un certain nombre de préoccupations communes.

5.7.4.2 Généralement, les enregistrements de terrain rendent compte, par la fixation du son ou de la documentation associée, d'une situation donnée. Dans ces circonstances, la dynamique originale dans laquelle se déroule l'action devrait être respectée dans l'enregistrement. Le réglage du niveau d'entrée audio doit s'appuyer sur le signal désiré, et non sur celui du bruit de fond ambiant, aussi les ajustements en cours d'enregistrement devront-ils être effectués judicieusement, voire pas du tout. L'utilisation de la fonction de contrôle automatique de gain n'est pas recommandée, ces pratiques falsifient en quelque sorte la dynamique originale par l'augmentation du niveau des séquences de faible intensité (et donc celui du bruit) et par l'atténuation de la dynamique du signal souhaité. Aussi, l'utilisation du moindre limiteur pendant l'enregistrement devra-t-elle être conduite avec précaution. Un limiteur bien ajusté pourra sauver un enregistrement lorsqu'un son intense surgit brusquement, alors qu'il n'aura absolument aucune incidence sur les autres séquences enregistrées, n'étant pas déclenché par une augmentation brutale de niveau. En revanche, un limiteur mal réglé peut donner l'illusion d'un niveau de modulation correct alors que le microphone lui-même peut être porté à saturation. Chaque fois qu'il est possible, le réglage manuel du niveau est préférable, et tout limiteur, bien ajusté pour ne pas agir sur les signaux normaux, ne sera activé qu'après réglage du niveau optimal.

5.7.4.3 Lorsqu'on effectue l'enregistrement d'un événement noyé dans un bruit ambiant, on a intérêt à utiliser un dispositif microphonique stéréo. De nombreuses approches sont possibles mais nous ne présenterons ici, et brièvement, que des exemples de couples quasi-coïncidents tels le couple ORTF (Office de Radiodiffusion Télévision Française), la paire croisée XY, la paire parallèle AB et le procédé MS (Mid-Side).

5.7.4.4 Le couple ORTF semble être le plus couramment utilisé lorsqu'on doit réaliser l'analyse et l'évaluation des propriétés de l'enregistrement. Dans ce cas, les capsules des microphones sont distantes de 16 cm et forment un angle de 110°. Quand on fait l'analyse d'un enregistrement ORTF avec un casque, on constate l'augmentation de la capacité mentale de localiser le son désiré dans un environnement bruité : phénomène appelé effet "cocktail party". Cette disposition des microphones transmet, lors de l'écoute binaurale au casque, une information supplémentaire qui facilite l'identification des événements recherchés noyés dans un champ sonore bruyant. En outre, en reprenant les spécifications de l'ORTF, la configuration du couple peut aisément être réinstallée de manière standard.

5.7.4.5 Les paires croisées standard XY sont disposées de telle manière que les capsules des microphones soient le plus proche possible et forment un angle d'au moins 90° entre-elles. Dans l'idéal, l'intensité de l'énergie sonore portant l'information est enregistrée sans différence de phase. Cette technique permet une bonne reproduction de l'enregistrement  sur haut-parleurs, mais elle ne propose pas une meilleure séparation de l'information comparativement aux autres techniques. La paire parallèle AB utilise deux microphones omnidirectionnels en parallèle, distants de 50 cm environ. Cette technique est plébiscitée lorsque les conditions acoustiques sont excellentes,  mais elle produit rarement de  bons résultats dans des environnement très bruyants. Des problèmes d'annulation de phase peuvent se produire lors de la sommation mono des deux canaux.

5.7.4.6 Le procédé MS (Mid-Side) fait appel à un microphone bidirectionnel bien positionné par rapport à la source sonore, et à un microphone cardioïde (parfois un microphone omnidirectionnel) pointé vers la source. Les deux signaux enregistrés peuvent alors être repris pour produire un enregistrement compatible mono / stéréo (M+S, M-S). Lorsque l'enregistrement a été réalisé avec les informations MS, le signal peut être modifié par la suite, et ainsi assurer le contrôle de l'ouverture apparente des microphones.

5.7.4.7 Dans certaines situations, lorsque la nature exacte de l'événement à enregistrer est inconnue, il peut-être avantageux d'utiliser des microphones directionnels amovibles, des dispositifs faisant appel à des microphones multiples et des moyens d'enregistrement multipistes. Pour les entretiens (interviews), on peut utiliser deux microphones orientés vers chaque participant, conditions tout à fait acceptables. Dans de nombreux cas, les microphones cravates se montrent moins utiles car ils captent les bruits de fond provenant des mouvements des personnes, leur respiration, leurs vêtements, leurs bijoux. Ils n'apportent que peu, voire aucun de ces éléments concernant les conditions environnementales qui sont souvent une partie intégrante et intéressante du cadre d'enregistrement.

5.7.4.8 La technologie du microphone contribue à la qualité des séquences enregistrées et la très brève évocation de celle-ci constitue un simple recueil de leurs capacités. Il est recommandé de rapprocher les objectifs concernant la réalisation d'enregistrements sur le terrain avec toutes les possibilités offertes par les meilleures techniques microphoniques avant de réaliser des enregistrements importants.

5.7.5 Transfert et sauvegardes des contenus audio sur site

5.7.5.1 Les enregistrements sur le terrain restent vulnérables : à moins de réaliser des copies de sauvegarde, la perte de données risque de se produire. Une seconde copie des enregistrements réalisés sur site devra être réalisée simultanément avec l'enregistrement ou sitôt après la fin de la session.  Différentes situations et tâches à accomplir impliquent diverses approches, mais les actions devront toujours offrir la meilleure stratégie de sauvegarde.

5.7.5.2 Les enregistreurs à disque dur et cartes mémoire offrent une base technologique d'enregistrement des fichiers sur de tels supports. L'enregistrement est généralement éliminé de l'un de ces media après transfert du fichier sur un autre environnement de stockage. Il est clair que les nouvelles technologies constituent un domaine à risque qui doit être géré avec précaution afin d'éviter toute perte de l'information sonore souhaitée. Le support d'enregistrement doit être considéré, aussi longtemps que possible, comme le support original. Il doit être effacé seulement après s'être bien assuré que le transfert des données dans le système d'archivage a été effectué correctement. Dans le cas d'une campagne d'enregistrement conséquente, lorsque de grandes quantités de données ne peuvent être immédiatement archivées, des opérations de duplication et de stockage des copies doivent être engagées sur le terrain. Avec les enregistreurs à carte flash ou SD, il peut être utile de se procurer des cartes supplémentaires pour conserver les enregistrements jusqu'à ce qu'ils soient transférés sur un système de stockage plus pérenne. Avec les enregistreurs sur disque dur ou les ordinateurs portables, des systèmes de stockage sur disque dur externe peuvent être utilisés pour réaliser des copies de sauvegarde jusqu'à ce que les données soient effectivement transférées.

5.7.5.3 En pratique, certains dispositifs permettent l'utilisation en parallèle de disques durs et de cartes mémoires, ou bien encore l'enregistrement en parallèle sur disque dur. Ceci constitue un avantage,  car le dispositif d'enregistrement permet ainsi d'effectuer une copie automatique de sécurité hors du système d'enregistrement, processus qui doit être appliqué dès que possible. Par ailleurs, des copies de sécurité peuvent être effectuées sur place manuellement, sur disques durs externes, sur ordinateurs portables, ou pour le moins sur des enregistreurs de CD / DVD.

5.7.5.4 Certains dispositifs créent automatiquement des noms de fichiers quand un nouveau support de stockage est inséré (numérotation générée automatiquement avec le même nom de fichier sur chacun des nouveaux supports), ainsi le processus de copie doit-il être mené avec précautions pour s'assurer que les noms identiques sur différents supports soient correctement associés aux métadonnées / aux notes prises in situ etc. Dans le pire des cas,  il peut arriver qu’on efface accidentellement des fichiers de même nom, aussi une structure soigneusement étudiée et une stratégie de nommage sont-elles nécessaires. Il est recommandé de renommer les fichiers après copie, ce qui évite toute nouvelle modification ou manipulation des fichiers originaux.

5.7.6 Description des métadonnées et des collections

5.7.6.1 L'absence de métadonnées décrivant l'enregistrement de terrain, son contexte et les droits associés, limite sévèrement l'intérêt de l'enregistrement. L'absence de métadonnées (y compris les métadonnées de conservation) peut avoir de sérieuses conséquences, non seulement pour l'intégration des enregistrements dans un système de base de données, mais aussi pour la gestion ultérieure des archives et leur diffusion. Cette donnée est si importante que l'absence de celle-ci peut amener les gestionnaires à refuser le contenu. Il faut compter aussi avec les informations critiques d'ordre technique relatives  à la conservation, bien nécessaires lors de l'acquisition des enregistrements réalisés sur le terrain, et qui doivent être recueillies au moment de l'enregistrement et incorporées au document archivé. Elles comprennent :

5.7.6.1.1 Le dispositif d'enregistrement : marque, modèle, numéro, description des ajustements dynamiques effectués au cours de la prise de son, les niveaux le format d'enregistrement, l'encodage (qui n'est pas recommandé mais si les circonstances exigent qu’on y procède, il doit être documenté).

5.7.6.1.2 Microphones : type de microphone / diagramme polaire, information concernant leur disposition, distance, application particulière (tel microphone cravate, technique analytique avec microphones multiples etc.).

5.7.6.1.3 Utilisation d'accessoires supplémentaires tels que bonnette anti-vent, etc. description de la situation dans la pièce, etc.

5.7.6.1.4 Support : type, spécifications du support original (carte flash, disque etc.) ou disque dur.

5.7.6.1.5 Source d'alimentation électrique : batteries, secteur (50 ou 60 Hz alternatif, conditions d'instabilité, fluctuation du secteur, etc.

5.7.7 Métadonnées et outils de terrain

5.7.7.1 Les enregistrements effectués sur le terrain sont réalisés en relation avec d'autres enregistrements, autres événements, différents objectifs poursuivis et différents contenus sonores. Les communautés de chercheurs se développent en vue de disposer des outils d'acquisition de données et métadonnées intégrées qui permettant de documenter, de relier les objets sonores les uns avec les autres, et de préciser les circonstances de leur création : lieu, heure. Entre-temps, différents outils répondant aux critères spécifiques des métadonnées ont été réalisés dans le cadre de projets internationaux. Ces outils concernent la collection pratiquement complète de métadonnées, ils permettent de réaliser des transferts pour faciliter l'élaboration d'un système de bases de données et garantir la mise à disposition de données précises à de futurs chercheurs. Au moment de la rédaction de ces lignes, le développement de tels outils et de tels concepts se trouve être dans une première phase, ils tendent aussi à prendre en compte les données d'une discipline spécifique, thème qui ne sera pas discuté ici. Toutefois, il est important de souligner que toutes les données techniques décrites ci-dessus doivent être prises en compte pour les futurs systèmes de gestion et d'accès. On gardera à l'esprit que toutes les données acquises devront souscrire à la compatibilité de transfert vers le système d'archivage final. Jusqu'à la mise en œuvre de normes en la matière, il est recommandé d'utiliser les caractères UNICODE et le format XML.

5.7.7.2 Si les métadonnées sont recueillies manuellement, sans faire appel aux outils d'acquisition tels que ceux mentionnés précédemment, on recommande l'utilisation d'un format pouvant être facilement transféré dans les structures de bases de données courantes. Dans d'autres cas, des institutions et services d'archives fournissent leurs outils propres que l'on devra mettre en œuvre sur le terrain dans la mesure du possible.

5.7.8 Le facteur temps

5.7.8.1 Le temps nécessaire pour enregistrer un événement important ou un entretien peut être long. Le temps pris pour conserver un enregistrement effectué sur le terrain peut-être réduit à la simple durée d'acquisition des données et des métadonnées si les conditions de prise de son et de saisie ont été bien conçues. Si le système est manuel, il est fort probable que nombre de précieuses informations seront perdues à la suite d'erreurs humaines ou par manque des ressources nécessaires à la prise en charge de ce long mais indispensable travail d’archivage.