Introduction à la première édition

L’audio numérique a, au cours des toutes dernières années, atteint un niveau de développement qui le rend à la fois efficace et abordable pour la conservation de collections audio, quelle que soit leur taille. Du fait de l’intégration de l’audio aux systèmes de données, du développement de normes appropriées et de l'adoption générale des procédures de diffusion audio numériques, tous les autres médias sont supplantés à un niveau tel que le choix est restreint pour assurer la conservation du son, hormis le stockage numérique.  La technologie numérique a le potentiel de fournir une approche qui réponde à nombre d’attentes de la communauté archivistique grâce à la migration sans perte du signal audio dans le temps. Cependant, les processus de conversion numérique de l’audio analogique, de transfert sur des systèmes de stockage, de gestion et d’entretien des données audio, de fourniture d’accès et de garantie de l’intégrité de l’information stockée, présentent une nouvelle étendue de risques qui doivent être gérés pour garantir les bénéfices de la conservation et de l’archivage. Échouer dans la gestion appropriée de ces risques peut aboutir à des pertes significatives de données, de leur valeur et même de contenus audio.

Cette publication du comité technique de l'IASA (Association internationale des archives sonores et audiovisuelles), Recommandations pour la production et la conservation d’objets audio numériques, a pour objectif de fournir des conseils aux archivistes audiovisuels sur les approches professionnelles permettant de constituer et de conserver des objets audio numériques.

Elle constitue l'aboutissement, sur le plan pratique, de la précédente publication du comité technique de l'IASA, TC-03 : Sauvegarde du patrimoine sonore : éthique, principes et stratégie de conservation, version 3, décembre 2005. Les Recommandations abordent, à des fins de conservation, la production de copies numériques à partir des originaux analogiques, le transfert d’originaux nés numériques vers des systèmes de stockage, ainsi que l’enregistrement des contenus originaux numériques en vue de leur archivage à long terme. Tout processus de numérisation est sélectif, le contenu audio intrinsèque fournit davantage d’information aux utilisateurs potentiels qu’il n’en est contenu dans le signal proposé. Les normes de conversion analogique - numérique fixent les limites de la résolution de l’audio de manière permanente et, à moins d’être entreprise avec soin, partielle.

Les Recommandations comprennent trois parties principales :

  • Les normes, principes et métadonnées
  • L'extraction du signal à partir des originaux
  • Les formats cibles

Normes, principes et métadonnées. Des quatre tâches fondamentales accomplies par toutes les archives (acquisition, documentation, accès, conservation), l'action principale consiste à conserver l’information placée sous la responsabilité du service de la collection (IASA TC-03, 2005). Ainsi, si les tâches d’acquisition et de documentation sont établies en relation avec une stratégie de conservation numérique correctement planifiée et conforme aux normes en référence, les opérations de fourniture d’accès sont facilitées. L’accès à long terme dépend des bonnes conditions de conservation.

Etre conforme aux normes relatives à la conservation de l’audio numérique, largement utilisées et acceptées, est une nécessité fondamentale. Les Recommandations de IASA préconisent le format PCM (Pulse Code Modulation) (Modulation par impulsions codées) linéaire, entrelacé pour la stéréo, dans un fichier .wav ou de préférence .wav BWF (UER Tech 3285) pour toutes séquences audio deux pistes. L’utilisation d'un quelconque codage dit perceptif (« compression avec pertes ») est fortement déconseillée. Il est recommandé que l’audio soit numérisé à 48 kHz ou plus, avec une profondeur de mot d’au moins 24 bits. La conversion analogique / numérique (A/N) est un processus précis, aussi des convertisseurs à bas coût intégrés aux cartes son des ordinateurs ordinaires ne peuvent généralement répondre aux exigences des programmes de conservation pour l’archivage.

Une fois le signal encodé en tant que fichier de données,  sa conservation  pose de nombreux problèmes, similaires à ceux de toutes données numériques, c'est-à-dire, en premier lieu, leur gestion, l’attribution d’un identifiant persistant (IP) unique et l'insertion de métadonnées appropriées.
 
Une métadonnée n'est pas simplement une information de description permettant à l’utilisateur ou au service d’archives d’identifier le contenu, elle comporte également l'information technique qui rend possible la reconnaissance et la lecture des séquences sonores ; enfin, la métadonnée de conservation détient l'information sur les processus mis en œuvre pour générer le fichier audio. C’est la seule manière de garantir l’intégrité du contenu audio. Le service d’archives numériques devra conserver des métadonnées complètes pour maintenir sa collection. Une archive numérique bien planifiée automatisera la production de la plupart des métadonnées, qui  devront inclure des informations à propos du support original, son format et son état de conservation, des équipements et des paramètres de relecture, de la résolution et du format de fichier, de tous les équipements utilisés, des opérateurs impliqués dans les opérations et plus généralement de tout processus ou procédure entrepris.

Extraction du signal à partir des originaux. « Les services d'archives sonores doivent apporter la garantie, lors du processus de relecture, que les signaux enregistrés puissent être restitués, autant que possible, avec la même, sinon meilleure, fidélité en comparaison avec les signaux d'origine… (en outre), les supports sont porteurs d’information : information souhaitée ou primaire dans le contenu sonore recherché, et information ancillaire ou secondaire qui peut prendre des formes multiples. L’information primaire et l'information secondaire font toutes deux partie du patrimoine audio » (IASA TC-03, 2005).

Pour bénéficier  de tout le potentiel qu'offre l’audio numérique, il est nécessaire de souscrire aux principes mentionnés ci-dessus et de s’assurer que la lecture de l’original audio soit effectuée avec une parfaite conscience de toutes les contraintes. Ceci implique la connaissance approfondie des évolutions des anciennes technologies audio et une bonne culture technique des progrès de la technologie des moyens de lecture. Le cas échéant, les Recommandations fournissent des conseils à propos de systèmes mécaniques historiques de lecture et autres formats obsolètes comprenant les cylindres et les disques à sillon large (78 tours), le fil magnétique et systèmes dictaphones, les disques vinyle, la bande magnétique analogique en cassette et en bobine libre, ;  leurs conseils portent aussi sur les supports magnétiques numériques tels que les DAT et ses prédécesseurs sur bande vidéo, et enfin sur les disques optiques tels que CD et DVD. Pour chacun des formats de support, des conseils sont prodigués pour la sélection de la meilleure copie existante, le nettoyage, la restauration du support, l’équipement de lecture, la vitesse et l’égalisation, les corrections adoptées pour pallier les défauts d'alignement des dispositifs d’enregistrement, la suppression des artefacts du signal survenus lors du stockage, et la durée requise pour entreprendre un transfert vers le numérique. Tous ces thèmes importants sont abordés dans les Recommandations en tenant compte des questions d'éthiques qui s'y rapportent ; on notera le dernier point, crucial, car de nombreux projets de numérisation ne peuvent être financés en raison des contraintes considérables de durée que les processus de transfert audio impliquent.

Tous les paramètres mentionnés ci-dessus doivent être déterminés objectivement, et les compte rendus correspondant à chaque processus doivent être conservés. Le stockage numérique, sa technologie et les normes dans lesquelles il s'inscrit permettent une approche éthique de l’archivage sonore en rendant possible la production d’une documentation et l'intégration de celle-ci dans des champs de métadonnées associés.

Formats cibles. Les données peuvent être stockées de différentes et nombreuses manières sur de nombreux supports, aussi le type de technologie approprié dépendra-t-il du contexte de l’institution et de ses collections. Les Recommandations fournissent conseils et informations sur diverses approches et technologies appropriées, incluant les systèmes de stockage numérique de masse (Digital Mass Storage Systems –DMSS) et les systèmes de stockage numérique à petite échelle comme les bandes numériques, les disques durs, les disques optiques (CD, DVD enregistrables) et les disques magnéto-optiques (MO).

Aucun format cible ne constitue une solution absolument permanente pour la conservation audio numérique et aucun développement technologique ne fournira jamais la solution suprême. Dans une telle situation de développement d'un processus par étapes, les institutions resteront responsables de la disponibilité des données au-delà des changements technologiques, elles devront assurer leur migration du système en cours d'utilisation vers le suivant, aussi longtemps que les données restent valables. Les systèmes DMSS avec les logiciels de gestion adaptés se montrent être les plus appropriés pour l’entretien à long terme des données audio. « De tels systèmes autorisent la vérification automatique de l’intégrité des données, leur recyclage et, enfin, leur migration avec un recours minimum aux ressources humaines » (IASA TC-03, 2005). Ces systèmes peuvent être dimensionnés pour s’adapter à de plus petites archives sachant que cela impliquera, très souvent, une plus grande responsabilité lors de la vérification manuelle des données. Des formats discrets de stockage tels que les CD et DVD enregistrables et les disques MO sont par nature moins fiables. Les Recommandations suggèrent des normes et des approches pour l’entretien des données sur ces supports tout en conseillant des solutions plus fiables qui se trouvent dans les systèmes intégrés de stockage et qui doivent être fortement privilégiées.